Intervention de Général Denis Favier

Réunion du 8 octobre 2014 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale :

Je n'ai pas prévu d'aborder dans mon propos introductif les deux arrêts récents de la CEDH, mais je répondrai volontiers à vos questions sur le sujet.

Je souligne d'emblée l'importance de cette audition, qui me permet de vous présenter, outre les grandes lignes du budget pour 2015, les orientations que j'ai fixées pour la gendarmerie en matière de sécurité publique.

Au préalable je souhaite évoquer l'exécution budgétaire 2014, car la gendarmerie n'est pas dans la même situation que l'an dernier à la même date, quand je m'étais présenté devant vous alors que la mise en réserve n'avait pas encore été levée. En effet, une levée partielle de la réserve est intervenue dans le courant de la semaine dernière, ce qui nous permettra d'acquérir des matériels opérationnels essentiels. Nous avons ainsi effectué une commande de 1 400 véhicules. Par ailleurs, nous sommes assurés de pouvoir couvrir les frais de fonctionnement de la gendarmerie mobile dans des conditions d'emploi satisfaisantes jusqu'à la fin de l'année, enfin nous allons engager des travaux immobiliers urgents à hauteur de cinq millions d'euros et nous serons en mesure de rénover partiellement nos systèmes d'information.

Pour en revenir au cadre plus large de mon intervention, je préciserai d'abord les priorités que j'ai fixées pour la gendarmerie et qu'a validées le ministre de l'Intérieur.

La gendarmerie évolue dans un environnement économique, social, administratif et judiciaire particulièrement mouvant. Aucun territoire qui relève de notre compétence n'est épargné par la délinquance et la criminalité. Notre mission est d'assurer la continuité du service public de sécurité dans une zone de compétence qui couvre 95 % du territoire national, et de répondre de manière circonstanciée aux problèmes que rencontrent localement nos concitoyens, de plus en plus demandeurs de sécurité.

Pour répondre à ces exigences, j'ai fixé trois priorités.

La première concerne la rénovation de la proximité, qui a longtemps fait notre force.

La deuxième priorité tend à optimiser l'action opérationnelle des unités, qui obtiennent des résultats très encourageants dans la lutte contre la délinquance. La troisième priorité consiste à poursuivre la valorisation des personnels et des investissements en matériel, pour lutter contre les nouvelles menaces que sont la criminalité organisée, la criminalité itinérante et la cyberdélinquance.

La rénovation de la proximité s'inscrit dans une logique d'optimisation du maillage territorial. Je veux revisiter la carte de nos implantations. Certaines brigades implantées dans des territoires où la problématique de sécurité n'est pas très marquée n'apportent pas de plus-value réelle. Sur ce sujet sensible, qui pose la question de l'implantation territoriale et de l'occupation de l'espace, principalement dans le monde rural, nous avons engagé un travail et lancé une concertation associant les élus, ainsi que les autorités administratives et judiciaires.

Je suis par ailleurs favorable au redéploiement de certaines zones de compétence entre police et gendarmerie. Bien qu'en 2014 nous n'ayons pas conduit d'opérations significatives en ce sens, les opérations menées en 2013 ont connu un vif succès. Nous reprendrons le dossier en 2015. Car parallèlement à une police nationale qui doit se consolider dans les grandes métropoles, particulièrement dans les zones urbaines sensibles, la gendarmerie doit être en capacité de prendre à sa charge les villes de moins de 20 000 habitants, où les enjeux de sécurité sont forts. La possibilité de redessiner une carte territoriale performante, avec une plus grande homogénéité des zones d'action, est l'un des leviers stratégiques à la disposition du ministre de l'Intérieur.

Mais si la proximité s'analyse de manière géographique, elle doit désormais l'être également sous un angle numérique. Depuis quelques mois, nous sommes présents sur les réseaux sociaux pour produire une forme différente de sécurité qu'attendent nos concitoyens. Nous utilisons efficacement les réseaux Twitter et Facebook afin d'adresser des messages d'information opérationnels ou de prévention. Nous utilisons également les applications disponibles sur les smartphones comme « Stop cambriolages » qui permet d'émettre des signaux d'alerte. Nos concitoyens accompagnent favorablement cette évolution, notamment dans les territoires ruraux.

Le numérique sera donc un axe fort de notre développement et de notre modernisation. Je veux que chaque gendarme puisse être équipé d'une tablette numérique, qui lui permettra, par le biais de toutes les applications « métier », de se connecter partout à nos serveurs et d'accéder à nos fichiers. Il gagnera ainsi en mobilité par rapport à sa brigade et à son véhicule. Le gendarme connecté deviendra lui-même « brigade », à même de produire de la sécurité en tout point du territoire. Nous revisiterons ainsi nos modes d'action et créerons une sécurité de proximité plus affirmée et plus solide.

L'optimisation de l'action opérationnelle des unités est ma deuxième priorité. L'implantation territoriale de la gendarmerie lui permet de recueillir des renseignements de première importance. Aussi, nous avons engagé cette année d'importantes réformes de structure. Nous avons créé au sein de la direction générale de la gendarmerie une sous-direction de l'anticipation opérationnelle, qui s'intègre au dispositif de renseignement territorial et qui exploite pleinement la force de la gendarmerie qui tient à son maillage. En ce qui concerne par exemple le retour des djihadistes, elle est en capacité de capter certains signaux faibles, qu'elle rassemble, analyse et transmet. De ce fait, notre position à la fois locale et nationale est une véritable plus-value.

Dans le même cadre, nous avons consenti des efforts importants pour lutter contre les cambriolages, ce qui constitue un axe opérationnel majeur pour 2014. Les tendances sont favorables. L'engagement des unités territoriales et de la gendarmerie mobile nous a permis d'obtenir des résultats significatifs.

La troisième priorité pour 2014 et 2015 consiste à valoriser les hommes et les femmes qui servent la gendarmerie et à travailler dans une logique d'investissement matériel pour faire face aux nouveaux enjeux de la criminalité. Notre action pour combattre la délinquance organisée s'étend dans trois directions.

La première est l'engagement contre la criminalité itinérante. Pour éviter que les territoires ruraux ne soient trop exposés, nous avons renforcé l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante, qui obtient cette année de bons résultats. L'Office, hébergé par la gendarmerie mais associé à l'action de la police, est le point d'entrée national de lutte contre la délinquance itinérante. Dans l'Ouest notamment, il nous a permis de régler des affaires importantes et d'inverser la courbe d'évolution de la délinquance.

Le deuxième domaine opérationnel dans lequel nous sommes particulièrement investis est la lutte contre la cybercriminalité. Paradoxalement, alors que la cyberdéfense a bénéficié d'une attention marquée au sein du ministère de la Défense, nous n'avons pas encore pris, au niveau national, la juste mesure de la cyberdélinquance. Conscients que nous devons être plus performants, nous travaillons avec des gendarmes habilités à effectuer des cyberpatrouilles, qui obtiennent de bons résultats.

Le troisième domaine opérationnel dans lequel nous sommes engagés est la lutte contre la délinquance financière. Nous considérons que la saisie des avoirs criminels doit également permettre d'améliorer l'équipement de nos forces. L'idée, qui a d'abord surpris, n'est plus rejetée. Depuis le début de l'année, les saisies effectuées par la police et la gendarmerie ont beaucoup augmenté. Les premiers jugements ont été rendus. Progressivement, ils nous permettront d'abonder les crédits des forces et d'effectuer des investissements.

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