Intervention de Général Denis Favier

Réunion du 8 octobre 2014 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale :

Dès réception de l'autorisation judiciaire, nous saisissons le patrimoine ou les comptes numéraires des délinquants arrêtés pour leur implication dans le crime organisé, notamment le trafic de stupéfiants. L'an dernier, la gendarmerie a ainsi saisi pour 101 millions d'euros de biens. Après le prononcé de la peine de confiscation des biens, le produit des ventes ou des comptes est reversé au budget général de l'État ou alimente d'autres fonds, comme la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. En agissant directement sur le patrimoine, nous accentuons la pression sur les criminels.

À titre d'exemple, pas plus tard que la semaine dernière, dans le cadre d'une affaire de blanchiment d'argent, la section de recherche de Chambéry a placé sous séquestre des hôtels appartenant à des criminels maffieux. Au terme du procès pénal, ces biens évalués à environ 100 millions seront vendus. Le montant de la transaction sera reversé au budget général de l'État. Grâce à un circuit que nous sommes en train d'affiner, une partie de cette somme pourra abonder également le budget des forces de gendarmerie qui ont procédé à l'enquête. Ce dispositif libérera des marges nouvelles.

La cybercriminalité nourrit diverses formes de délinquance : escroqueries financières à la carte bancaire, appel au djihad, cyberpédophilie. Avec l'ensemble des services du ministère de l'Intérieur, nous travaillons à élaborer une réponse globale et structurée, qui réunira la lutte contre la criminalité, le renseignement et la protection des systèmes d'information.

Mais pour mettre en oeuvre ces priorités – rénovation de la proximité, optimisation de nos capacités opérationnelles, adaptation aux nouveaux enjeux –, il faut développer une stratégie globale en prenant en compte les ressources humaines ainsi que les moyens budgétaires, tout en recherchant les moyens matériels qui nous permettront de remplir nos nouvelles missions.

Mon rôle de responsable de programme me permet justement d'arbitrer entre les moyens, au niveau central, pour aider les départements les plus sollicités. Par exemple, nous avons réussi à inverser la courbe d'augmentation des cambriolages en engageant des gendarmes mobiles dans les territoires les plus exposés. Six escadrons déployés dans douze départements nous permettent de renforcer notre présence sur le terrain, de favoriser le sentiment de sécurité, d'occuper l'espace et de dissuader les délinquants potentiels.

Dans le même esprit, nous avons décidé de mobiliser des réservistes dans trente départements. Cette manoeuvre engagée en septembre durera au moins jusqu'en janvier. Elle fait engager la réserve opérationnelle et associe nos concitoyens à l'exercice de la sécurité dans le territoire qu'ils habitent. Les premiers retours sont très encourageants.

Au niveau central encore, l'action que nous conduisons dans les dix-huit zones de sécurité prioritaires (ZSP) est également un succès, grâce à la présence forte de la gendarmerie mobile. Celle-ci occupe l'espace, tandis que la gendarmerie départementale fait son travail de fond et développe des partenariats avec tous ceux qui interviennent dans ces zones.

Nous sommes également engagés dans le travail constant que représente la modernisation de l'État. Depuis une dizaine d'années, nous avons subi des réformes importantes. Après la révision générale des politiques publiques (RGPP), nous devons mettre en oeuvre d'autres réformes, ce qui suppose un travail de pédagogie de la part de l'encadrement. C'est au prix d'un engagement important et d'explications sur le sens de la réforme que les chefs parviennent à apaiser les inquiétudes.

La réforme du soutien retient toute mon attention. Elle a permis de créer un service mutualisé pour l'achat de l'équipement et de la logistique propre à toutes les forces du ministère de l'Intérieur, ce qui doit pemettre de limiter nos coûts d'acquisition. Nous sommes également engagés dans un dossier très lourd visant à accompagner la mise en place des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'Intérieur (SGAMI), entités zonales visant à mutualiser les soutiens. Dans les zones, nous pouvons assurer le soutien non opérationnel – notamment le protocole de paiement et d'encaissement des factures –, mais le soutien opérationnel doit être décidé et piloté par les chefs territoriaux, au plus près des unités. De même, le soutien opérationnel relevant des systèmes d'information et de communication doit être exercé localement.

Nous sommes engagés dans un autre dossier porteur, qui vise à réformer la feuille de route de la gendarmerie afin d'alléger nos process. Il s'agit de redonner aux gendarmes du temps et de la liberté de manoeuvre pour produire de la sécurité. Nous nous recentrons ainsi sur notre coeur de métier. Depuis juin 2013, afin d'alléger les tâches, nous avons pris 250 mesures concrètes qui s'inscrivent dans une démarche participative intéressante. L'initiative part de la base. La proposition est analysée au niveau central, puis appliquée à l'ensemble de la gendarmerie. Mon travail de responsable de programme consiste à mesurer que les dispositions sont effectivement mises en oeuvre sur le terrain.

Nous adoptons cet esprit nouveau pour chercher de nouveaux financements. Nous travaillons ainsi en partenariat avec la SNCF qui finance des jours de réserve opérationnelle. Des réservistes, interviennent pour sécuriser les lignes. Dans trois régions – Île-de-France, PACA et Rhône-Alpes – ces réservistes embarquent dans les trains, produisant de la sécurité sous financement exclusif de la SNCF. Les premiers retours sont très positifs.

Je vais évoquer à présent le projet de budget pour 2015 qui prend en compte deux paramètres : la priorité donnée à la sécurité, et la situation budgétaire nationale actuelle.

L'année 2015 est la première du triennal 2015-2017, qui prévoit une augmentation des effectifs dans la gendarmerie. Il y aura 162 postes créés en 2015, et 200 en 2016, et autant en 2017. Nous serons ainsi à même de mieux résister à la pression qui s'exerce sur nous. Le triennal nous permettra également d'engager un plan de modernisation technologique, afin notamment de mieux nous investir dans le champ du numérique. Celui-ci bénéficiera d'un million d'euros en 2015, de 6,6 en 2016 et de 6,5 en 2017.

Au cours de ces trois prochaines années, notre effort portera aussi sur la réhabilitation de l'immobilier. L'immobilier domanial est un sujet très sensible, qui concerne principalement les escadrons de gendarmerie mobile. Le budget d'investissement immobilier prévoit 79 millions d'euros pour 2015. Ce sont 70 millions par an sur le triennal qui seront consacrés au plan de réhabilitation de l'immobilier de la gendarmerie. Nous mettrons ainsi notre parc à niveau.

Pour 2015, le budget est calibré au plus juste, comme il l'était pour 2014. Il permettra de répondre à nos stricts besoins en termes d'équipement sans possibilité de rattraper le vieillissement induit par plusieurs années de contraintes budgétaires, mais il ne sera pertinent que si la mise en réserve est levée. Ce sujet, que j'ai déjà évoqué, nous met en difficulté pendant toute l'année.

Au fait de ces questions, le ministre de l'Intérieur s'est engagé pour nous permettre d'investir dès le début de l'année. En 2014, la levée partielle de la mise en réserve tardive nous a interdit de mener dès le début de l'année une politique d'acquisition des matériels.

Sur le plan des effectifs, le budget pour 2015 permettra de créer 162 postes mais le trou à l'emploi persistera avec un écart qui se monte désormais à 1 900 postes. Ce différentiel engendre des absences dans les brigades territoriales, ce qui explique que, dans vos circonscriptions, les gendarmes prévus au tableau des effectifs autorisés ne soient pas tous présents.

Le projet de loi de finances permettra également de prendre des mesures en faveur des personnels, notamment la mise oeuvre courant 2015, 2016 et 2017 du décret statutaire portant sur la catégorie B, en oeuvre depuis 2011 dans la fonction publique. À cet égard, nous n'aurons pas de retard.

Nous avons réussi à maintenir l'engagement de la réserve opérationnelle à 40 millions et le fonctionnement de la gendarmerie mobile à 42 millions, ce qui nous permettra de nous impliquer dans les départements les plus sollicités. L'enveloppe des OPEX s'établit à 11 millions. Notre présence en Centrafrique et en Irak est appréciée, et appelée à se maintenir dans la durée.

Pour les moyens de fonctionnement et d'investissement, la dotation prévue hors titre 2 atteint 1,229 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1,213 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 95 millions en AE et de quatre millions en CP, par rapport à 2014, ce qui devrait couvrir les besoins. Le budget de fonctionnement augmente de 17 millions, ce qui compensera l'évolution normale des loyers.

Des tensions subsisteront incontestablement sur le reste du fonctionnement et l'investissement, ce qui nous contraindra à faire des choix. Pour l'immobilier, nous dégagerons des marges importantes, d'autant qu'en 2015, nous aurons fini de payer notre investissement pour installer à Pontoise le pôle « Police judiciaire » de la gendarmerie.

Encore une fois, ce budget tient compte de la priorité accordée à la sécurité. Le problème principal sera d'obtenir dès le début de l'année la levée de la mise en réserve, sans laquelle je ne pourrai pas acquérir les 2 000 véhicules programmés, pour un montant de 40 millions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion