Intervention de Michel Ruffin

Réunion du 13 novembre 2012 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Michel Ruffin, chef du service Prospective, études, observation territoriale et évaluation de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale :

Il m'est impossible de répondre à certaines de vos questions sans être entraîné sur des terrains qui ne sont pas les miens. Ainsi, ce qui relève de la mise en oeuvre de politiques publiques n'est pas de mon ressort.

S'agissant du socle commun, je peux vous rassurer : l'aménagement du territoire a toujours du sens à l'échelle nationale. La démarche de « Territoires 2040 » se fonde simplement : premièrement, sur le constat que les territoires obéissent à des logiques de plus en plus différenciées ; deuxièmement, sur ce changement institutionnel majeur qu'est la décentralisation, puisque la montée en compétence des acteurs locaux et la multiplicité des initiatives nous obligent à modifier le cadre de référence de la prospective territoriale et des politiques d'aménagement qui pourraient en découler.

Il n'est pas surprenant que certains des scénarios que je vous ai présentés inquiètent : ils sont là pour faire réfléchir, mais aussi pour faire réagir. Nous ne prétendons pas cependant qu'ils épuisent le sujet. Mais il y a un moment où il faut quitter le simple constat pour se risquer à construire une vision, aussi imparfaite et critiquable soit-elle. Ceci dit, si nous avons été à l'initiative de la démarche, si nous l'avons coordonnée et pilotée, ces scénarios ne sont pas le produit de la seule DATAR : chacun des espaces fonctionnels que je vous ai présentés a été pris en charge par un groupe de travail réunissant experts et acteurs locaux, qui ont construit une réflexion collective.

L'année 2040 est un terme à la fois proche et éloigné. S'agissant de questions d'aménagement du territoire, c'est la bonne échelle de temps pour réfléchir, prendre des décisions et les voir porter leurs fruits. C'est ce qui explique la tradition prospective de la DATAR, les sujets que nous sommes amenés à traiter nous contraignant à nous projeter dans le moyen et long terme.

C'est faute de temps que je n'ai pas davantage développé le rôle des villes. Celui-ci apparaît notamment dans les scénarios imaginés pour « l'urbain-métropolisé français dans la mondialisation », « les systèmes métropolitains intégrés » ou « les portes d'entrée de la France ». De même, si je n'ai pas parlé de l'Europe, développer comme espace fonctionnel « l'urbain dans la mondialisation » revient clairement à dire que nous ne vivons pas en circuit fermé et que l'approche territoriale doit se concilier avec l'approche du grand large. C'est aussi une invite à repenser sous cet aspect nos politiques d'aménagement du territoire. Le territoire français tend à se structurer autour d'un certain nombre de grandes villes fonctionnant en réseaux, à la fois ouvertes sur le grand large et structurant le territoire environnant. Tout l'enjeu est de parvenir, à partir de l'identification du fonctionnement de ces systèmes urbains, à construire des stratégies de développement à l'échelle de tout un territoire.

Dans cette perspective, nous avons pu cartographier la France des réseaux, c'est-à-dire déterminer les modalités d'organisation des flux entre les principales métropoles françaises : sans surprise, il apparaît que les flux dominants relient Paris aux grandes villes, mais d'autres flux se développent entre les métropoles de province, et entre elles et le tissu urbain dans lequel elles s'inscrivent. Il y a là une carte à jouer en termes de définition de projets de développement territorial. C'est toujours la question de l'échelle pertinente pour définir une stratégie et la porter collectivement.

En prospective, les « signaux faibles » permettent d'identifier des tendances dès leur émergence et de déterminer un futur possible. Les tendances structurantes, quant à elles, sont des phénomènes comme le vieillissement – si je ne l'ai pas développé en tant que tel, c'est par souci de la clarté de l'exposé – le réchauffement climatique ou l'urbanisation, qui ont des conséquences sur le fonctionnement des territoires et doivent être pris en compte en tant que tels.

Je n'entrerai pas dans le débat sur les ZRR, ce sujet n'étant pas du tout de mon ressort. Je voudrais simplement insister sur le fait que les espaces ruraux eux-mêmes connaissent une diversification croissante. Il est désormais difficile de parler du monde rural comme d'un monde unifié et homogène : s'il existe une ruralité traditionnelle, dans des zones très peu denses, parfois vieillissantes et centrées sur l'agriculture, certains espaces ruraux connaissent au contraire un renouveau économique et industriel.

Loin de nous l'idée que le numérique est la panacée. Il peut constituer une forme de réponse aux besoins de développement des territoires, qu'il s'agisse de créer des entreprises ou d'accéder à certains services publics, mais il ne réglera pas tout, et notamment pas la problématique des déplacements. Celle-ci ne se limite pas à la rénovation d'infrastructures de transports parfois vieillissantes : elle appelle des solutions innovantes pour répondre aux besoins réels de la population. Dans cette mesure, le numérique a un rôle à jouer, ne serait-ce que pour diffuser l'information sur cette nouvelle offre, fluidifier les nouveaux modes de déplacement et faciliter de nouvelles mobilités, y compris dans des territoires peu denses.

Si je n'ai pas évoqué la réflexion menée par la DATAR sur les espaces littoraux, c'est, encore une fois, pour ne pas allonger excessivement mon exposé. Une des évolutions significative du peuplement de la France au cours des dernières années est une transition forte vers les espaces littoraux. Il est vrai cependant que les activités économiques liées à la mer n'ont pas été prises en compte en tant que telles.

La diffusion de nos travaux est assurée à travers diverses publications. En outre, les travaux cartographiques de « Territoires 2040 » ont fait l'objet d'une exposition au Conseil économique, social et environnemental, qui sera présentée prochainement au Salon des maires et doit circuler dans toute la France au cours de l'année 2013, à l'occasion du cinquantenaire de la DATAR.

Vous avez été plusieurs à me demander comment agir. Le temps de l'analyse est désormais derrière nous : il faut maintenant tester les différentes hypothèses sur le terrain. Dans cette perspective, nous sommes en train de nouer des partenariats avec des territoires afin qu'ils puissent s'approprier ces outils. Des conférences de terrain ont déjà permis d'expliquer la démarche et d'évaluer sa pertinence dans des contextes locaux. Certains territoires ont souhaité aller plus loin et tenter de décliner à leur niveau le cadre d'analyse proposé, afin de construire une stratégie de développement. Je tiens cependant à souligner à nouveau le caractère d'abord théorique de notre démarche ; libre à chacun de se l'approprier en fonction de sa situation et de ses intérêts. Notre objectif n'est absolument pas de dire aux uns et aux autres ce qu'ils doivent faire, d'autant moins qu'il peut arriver que les territoires, n'étant pas forcément monofonctionnels, relèvent de plusieurs cadres analytiques.

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