Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 31 octobre 2012 à 16h15
Commission élargie : Économie

Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme :

Même s'il couvre des secteurs essentiels pour notre économie, le budget pour 2013 du ministère de l'artisanat, du commerce et du tourisme n'est pas moins concerné que les autres par les efforts de redressement de nos comptes publics, et est donc soumis lui aussi à la norme budgétaire fixée par le Premier ministre.

Cela étant, par rapport à cette norme, le bras armé de l'État pour le développement de notre politique touristique, Atout France, sur lequel plusieurs d'entre vous m'ont interrogée, voit ses crédits relativement préservés. Cette agence réalise un important travail de promotion : plus de 2 000 actions de communication chaque année, l'organisation à l'international de 450 événements professionnels ainsi que de 350 campagnes à destination du grand public, l'accueil en France de plus de 9 000 professionnels… C'est un excellent bilan, mais on peut encore mieux faire, sans même qu'il soit nécessaire de doter l'agence d'un budget équivalent à celui que certains de nos voisins et principaux concurrents consacrent à leur propre promotion touristique.

Tout d'abord, je souhaite poursuivre et développer le partenariat d'Atout France avec des acteurs publics et privés. L'agence accompagne en effet 1 100 partenaires – les collectivités locales, bien sûr, mais aussi des entreprises privées – dans leurs opérations de promotion touristique, en France et à l'étranger. Pour un euro qu'elle dépense, le partenaire en apporte en moyenne cinq : cet effet de levier est vertueux pour nos finances publiques, mais il est aussi une garantie de la qualité du projet présenté.

Je veillerai également à assurer une meilleure coordination entre les actions d'Atout France et celles des comités régionaux ou départementaux du tourisme. S'agissant en particulier des salons de portée internationale – et je rejoins Nicole Bricq sur ce point –, l'ensemble des collectivités locales doivent se réclamer de la « bannière France » et non se présenter de manière dispersée. Notre pays a en effet un rayonnement important en matière touristique, et nous devons mieux mettre en avant son image à l'étranger.

Enfin, il faut une meilleure adéquation entre la mission prioritaire d'Atout France et son organisation. Le président du nouveau conseil d'administration, que j'ai nommé le 17 octobre, devra porter une attention particulière à la recherche de synergies entre les différentes missions de l'agence, correspondant aux institutions dont elle est issue, ODIT France et Maison de la France. Je ne pense pas en effet que toutes les conséquences aient été tirées de la fusion.

Le nouveau président devra également faire des propositions en matière de stratégie, compte tenu des priorités que j'ai fixées en juillet lors de ma présentation du plan tourisme : je souhaite qu'Atout France joue un rôle moteur dans l'élaboration des futurs contrats de destination, qui permettront de mieux structurer la filière touristique. Je souhaite également examiner en détail la politique de promotion de la France, notamment la présence française à l'étranger. Il faut en particulier rechercher des synergies entre les bureaux d'Atout France, ceux d'Ubifrance, ceux de l'AFII et les ambassades. Le président devra dresser un état des lieux et faire les propositions nécessaires pour que ces évolutions puissent être mises en oeuvre dès 2013.

Monsieur Mancel, le fait que le projet de budget ne comporte pas de crédits en vue de l'exposition universelle de 2015 à Milan ne signifie pas que notre pays n'entend pas participer à cet événement. Simplement, il est encore trop tôt pour se prononcer sur le montant nécessaire. Un financement spécifique sera prévu lorsque les modalités de notre participation auront été définies.

Plusieurs orateurs ont évoqué le nombre d'emplois non pourvus dans le secteur du tourisme, que les professionnels évaluent à 50 000. Ces métiers souffrent en effet d'un déficit d'image et doivent être revalorisés auprès des jeunes. Les formations, également, doivent être plus attractives et plus performantes. Je travaille donc avec Vincent Peillon sur les moyens de valoriser l'enseignement professionnel dans le secteur. Une attention particulière devra être portée à l'apprentissage de langues étrangères, sujet crucial.

Il faut par ailleurs mieux identifier les raisons pour lesquelles ces postes ne sont pas pourvus, ainsi que les types d'emplois plus particulièrement concernés. Du reste, les métiers du tourisme ne sont pas les seuls à mériter une meilleure considération ; c'est aussi le cas de ceux de l'artisanat, et notamment des métiers de bouche, vers lesquels se tourne un nombre insuffisant de jeunes. Nous allons donc analyser les besoins avant de sélectionner et de développer les formations adéquates, en les adaptant si nécessaire aux situations locales.

En ce qui concerne la réhabilitation de l'immobilier de loisir, un groupe de travail avait réuni des acteurs locaux, des élus, des parlementaires et des opérateurs privés. Ses travaux l'ont conduit à proposer à dix stations volontaires de tester une boîte à outils. Les causes du phénomène bien connu « lits froids, volets clos » étant multiples, la réponse ne peut pas être unique mais doit résulter de la combinaison de plusieurs mesures. Cette boîte à outils ne doit donc pas être un instrument imposé « d'en haut » sur une situation complexe, car dans ce cas elle ne répondrait pas aux besoins des professionnels. Les outils proposés doivent au contraire varier en fonction des problèmes qui se posent au niveau local.

Les instruments disponibles sont de trois ordres : les outils nécessaires à la gouvernance et à la stratégie, les outils de restructuration des biens physiquement hors marché ou vieillissants, et les outils de facilitation et d'incitation à la commercialisation des meublés de tourisme.

Cette dernière question, vous le savez, fait partie de mes priorités. Après une expertise approfondie de ces propositions, comportant nécessairement un important volet interministériel, je présenterai un plan cohérent de réhabilitation dans le but de remettre ces biens sur le marché en sorte qu'ils contribuent au développement touristique des stations.

Il est vrai que la mise aux normes a un coût élevé pour le secteur touristique, en particulier pour la petite hôtellerie familiale qui avait déjà dû se plier à la nouvelle réglementation sur le classement, assortie de normes de sécurité spécifiques. La succession de nouvelles normes inquiète de nombreux professionnels, qui hésitent à se lancer dans une réhabilitation faute de certitude sur la viabilité et la pérennité de leur entreprise. Marie-Arlette Carlotti a rendu public un rapport sur l'accessibilité qui comporte d'ailleurs des éléments économiques relatifs au tourisme. J'ai pour ma part demandé que des professionnels du secteur puissent être entendus dans le cadre de la mission d'évaluation en cours au Sénat, afin que soit pris en compte l'impact de ces normes sur les entreprises de tourisme et que des solutions adaptées soient trouvées.

Bien sûr, il ne s'agit pas de remettre en cause le droit pour les personnes handicapées à accéder aux hôtels ou à l'hébergement de plein air, mais un équilibre doit être trouvé. En tout état de cause, il convient d'accompagner les professionnels qui doivent réaliser des investissements.

S'agissant du tourisme d'affaires, je ne partage pas votre analyse, monsieur Mancel, même s'il est exact que ce secteur a une grande importance pour notre pays. Notre stratégie porte ses fruits, puisque Paris occupe en 2011 la deuxième place dans le classement de l'Association internationale des congrès et des conventions, derrière Vienne et devant Barcelone. Je reconnais toutefois la nécessité d'une action volontariste dans ce domaine. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'un comité « grands événements » a été constitué au sein d'Atout France pour coordonner notre politique en matière de grands événements sportifs ou culturels, de foires, de salons et de congrès.

J'en viens aux questions sur le taux de TVA dans la restauration. Je remercie M. Thévenoud pour le rapport qu'il a présenté hier devant la Commission des finances : cette utile contribution viendra en complément du bilan que je suis en train d'établir avec les organisations professionnelles signataires du contrat d'avenir. Quand une mesure coûte chaque année plus de 3 milliards d'euros au budget de l'État, il me semble légitime, monsieur Straumann, que les parlementaires et le Gouvernement procèdent à l'évaluation la plus précise possible de ses effets. Des groupes de travail ont donc été constitués, correspondant aux quatre engagements prioritaires fixés lors de la signature du contrat d'avenir. Des réunions supplémentaires ont toutefois dû être organisées en raison de la persistance d'une forte divergence entre les chiffres obtenus par mes services et ceux fournis par les professionnels. Un bilan sera effectué à la mi-novembre, en fonction duquel nous prendrons les décisions qui s'imposent.

Il ne servirait à rien de prendre des décisions hâtives au moment même où un bilan est dressé de manière contradictoire avec les professionnels. Mais si le gouvernement précédent avait pris la peine de rédiger un contrat – et surtout un avenant – clair, lisible et précis, nous n'en serions sans doute pas là. De même, je regrette qu'il ait négligé de procéder régulièrement à des évaluations ponctuelles, car nous aurions eu quelque chose sur quoi nous appuyer plutôt que de devoir construire entièrement ce bilan. Quoi qu'il en soit, nous travaillons sereinement avec les professionnels, et les décisions que nous prendrons seront conformes à la justice et à l'efficacité économique.

En ce qui concerne les auto-entrepreneurs, j'ai en effet confié à l'Inspection générale des affaires sociales et à l'Inspection générale des finances la mission de dresser un état des lieux objectif du dispositif afin d'en corriger les dérives. Contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, le Gouvernement ne veut en aucun cas casser ce régime, mais simplement le faire évoluer, l'adapter pour permettre à l'ensemble des professionnels, artisans comme auto-entrepreneurs, d'exercer leur activité dans des conditions équitables. Il souhaite également faire bénéficier les entrepreneurs relevant de ce régime, qui sont souvent dans une situation de précarité, d'une meilleure protection sociale et empêcher les pratiques frauduleuses telles que le recours au salariat déguisé ou la sous-déclaration de chiffre d'affaires. Le dialogue se poursuit avec l'ensemble des acteurs concernés ; les conclusions de cette mission nous seront rendues à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine.

Comme vous, monsieur Thévenoud, je suis préoccupé par la situation des distributeurs indépendants de carburant. Quand ils opèrent dans des zones rurales mal desservies, ils y sont des agents du lien social, particulièrement lorsqu'ils sont associés à un commerce multiservices. Les solutions proposées pour contenir la hausse des prix des carburants s'appliquent difficilement à ces petites entreprises dont les marges sont déjà faibles. Je souhaite engager une discussion avec Delphine Batho afin que leur existence et leur pérennité ne soient pas remises en cause par l'application en 2015 de nouvelles normes environnementales.

Le FISAC est indéniablement utile pour aider commerçants et artisans à moderniser leur activité. Le gouvernement précédent a tout à la fois diminué les crédits et augmenté les besoins de financement en élargissant les critères d'éligibilité, ce qui n'a pas manqué de provoquer une augmentation du nombre de dossiers. À mon arrivée à Bercy, 1 600 projets étaient ainsi en cours d'instruction. Aujourd'hui, 700 projets sont instruits, pour un montant de 35 millions d'euros. Le solde, 13 millions d'euros, est insuffisant pour financer le reste du stock.

Je ne suis pas sûre, cependant, que l'amendement auquel il a été fait allusion représente la meilleure solution. J'ai donc demandé un rapport détaillé au Contrôle général économique et financier – CGEFI – sur ce sujet. Lorsqu'il me sera remis, nous travaillerons avec mon collègue chargé du budget afin de résoudre, en gestion 2013, cette question importante pour les collectivités locales et pour les territoires.

Je souhaite en outre revoir entièrement les critères d'attribution des aides afin de rendre celles-ci plus efficaces et de les concentrer sur les territoires les plus fragiles ou sur les opérations ayant le meilleur effet de levier. Bien entendu, les parlementaires pourront être associés à cette réflexion et nous faire part de leurs propositions.

Le projet de loi de finances pour 2013 étend le champ du plafonnement des taxes affectées. Cette extension, qui a vocation à se poursuivre en 2014, concerne en effet les organismes consulaires, madame Grommerch. Elle conduit à faire passer le périmètre des ressources plafonnées de 3 milliards d'euros en 2012 à 4,5 milliards d'euros en 2013.

De nombreux opérateurs de l'État et autres organismes chargés de missions de service public sont financés, partiellement ou intégralement, par des impositions de toute nature. Celles-ci leur sont affectées directement, sans transiter par le budget de l'État. Ce mode de financement présente l'inconvénient de faire échapper les dépenses ainsi financées à l'effort partagé de maîtrise de la dépense, qui se traduit par la stabilisation en valeur des dépenses de l'État. Il aurait été inéquitable de concentrer les efforts de rationalisation de la dépense publique sur les seules administrations ; pour être juste, la répartition de l'effort de redressement doit tenir compte uniquement des priorités du Gouvernement et des économies potentielles. C'est la raison pour laquelle nous avons pris cette décision.

Monsieur Straumann, avec les contrats de destination et avec la structuration de la filière touristique, notre ambition est de faire mieux travailler ensemble les collectivités territoriales et les acteurs privés. La généralisation du contrat de destination sera l'outil de cette collaboration, mais nous aurons aussi à rénover le Conseil national du tourisme. Sa composition sera resserrée, pour être réduite à moins de 50 membres, et ses missions seront recentrées sur la production, non de rapports, mais de préconisations plus opérationnelles. Le plan de travail annuel sera élaboré par un comité directeur et soumis pour approbation au ministère.

Enfin, je souhaite que la mission sur l'économie numérique puisse examiner les questions relatives au tourisme, y compris dans leurs aspects communautaires, en vue de parvenir à la constitution d'un espace commun s'agissant des règles fiscales ou des règles de responsabilité des professionnels.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion