Intervention de Haoua Lamine

Réunion du 14 octobre 2014 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Haoua Lamine, avocate, représentante du Groupe d'information et de soutien des immigré-e-s, GISTI :

Le GISTI a élargi ses combats et changé de nom – le terme « travailleurs » a disparu de son appellation. Il est une association spécialiste du droit des étrangers.

Le projet de loi institue une attestation de demande d'asile commune à toutes les personnes qui sollicitent la protection. Or le droit au séjour actuel donne accès à de nombreux droits – couverture maladie universelle, ouverture d'un compte, perception de l'allocation de subsistance, scolarisation. La question est donc de savoir si cette attestation ouvrira les mêmes droits.

Ensuite, le projet de loi substitue à la procédure prioritaire actuelle la procédure accélérée. Or des situations justifient un examen spécifique de la demande sur la base soit de la présomption légale, soit d'une appréciation laissée à la discrétion de l'administration. Les personnes qui, sans raison valable, n'auront pas présenté une demande d'asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de leur entrée en France, pourront donc faire l'objet de cette procédure accélérée, alors que celle-ci présente moins de garanties – ce qui posera problème, par exemple, si la femme met au monde une fille risquant l'excision.

Le projet de loi prévoit également la présence d'un tiers lors de l'entretien devant l'OFPRA. Selon nous, cette disposition devrait être encadrée de plusieurs manières. D'abord, le demandeur d'asile devrait être libre d'être assisté ou non lors de l'entretien, et le tiers avoir la possibilité d'intervenir lors de cet entretien. Nous recommandons également la transcription par écrit de l'entretien et la possibilité pour le demandeur ou le tiers accompagnant d'apporter immédiatement des commentaires, afin de rectifier certains points. Cela n'exclut pas la possibilité de procéder en parallèle à un enregistrement pour permettre à la personne de revenir sur certains points durant l'entretien. En outre, au nom du respect de l'égalité de traitement, le texte devrait préciser clairement que l'aide sera apportée soit par un membre d'une association, soit par un avocat, mais également prévoir la prise en charge de ce tiers, en particulier l'aide juridictionnelle en cas de recours à un avocat. Enfin, cette réforme devrait renforcer les exigences en matière de formation et d'encadrement des interprètes à l'OFPRA, notamment sur les questions liées au genre.

Par ailleurs, le projet instaure la possibilité pour l'OFPRA de demander un certificat médical lorsqu'une protection a été accordée à une mineure exposée à un risque d'excision. Certes, le risque zéro n'existe pas. Néanmoins, si l'article 18 de la directive 201332UE prévoit un examen médical, il précise que cet examen a lieu sous réserve du consentement du demandeur, qu'il doit être réalisé par un professionnel de santé qualifié, et que le refus de se soumettre à un tel examen n'empêche pas l'autorité responsable de prendre une décision sur la demande de protection internationale. Je ne suis donc pas certaine que le certificat médical soit la bonne solution : des séances d'information et de sensibilisation me semblent préférables au contrôle. À mon sens, l'exigence d'un certificat médical pourrait aboutir à une systématisation, dénoncée par plusieurs associations, sans compter qu'elle engendrerait une confusion entre médecine de soins et médecine de contrôle. Au final, plusieurs questions se poseront. Comment éviter le traumatisme d'un examen systématique et la stigmatisation d'une catégorie de personnes ? Comment garantir une procédure sans la coopération du demandeur ?

Enfin, la notion de vulnérabilité est corrélée dans le projet de loi avec l'adaptation des conditions d'hébergement, à la prise en charge matérielle et aux garanties procédurales spécifiques. C'est ainsi que la qualification de personne vulnérable pourrait avoir pour un demandeur d'asile des conséquences importantes en termes d'accès aux droits. Or la reconnaissance de la vulnérabilité ne doit ni induire une discrimination entre les demandeurs d'asile, ni avoir pour conséquence de renfermer certains d'entre eux dans une catégorie et donc de les stigmatiser.

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