Intervention de Fatiha Mlati

Réunion du 14 octobre 2014 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Fatiha Mlati, directrice de l'intégration à France terre d'asile :

Le ministère de l'intérieur nous a informés du lancement de groupes de travail sur les modalités de mise en oeuvre de la réforme, en particulier sur l'identification de la vulnérabilité. Depuis quinze ans, le dispositif national d'accueil est configuré essentiellement pour les familles, puisque le nombre de places dans les centres d'accueil est restreint. Aujourd'hui, il faut affiner le repérage des personnes les plus fragiles qui ont subi des persécutions soit dans leur pays, soit en venant en Europe, soit sur notre sol du fait des conditions d'accueil, comme les hôtels en dehors des villes, où sévissent des réseaux de prostitution. Or le texte ne dit rien sur l'identification de ces vulnérabilités, sans compter qu'il ne définit pas cette notion. Pourtant, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) en a donné une définition très claire, qui satisfaisait entièrement le milieu associatif en étant parfaitement en phase avec la réalité sur le terrain. Nous pensons donc que le projet de loi doit définir clairement la vulnérabilité, car la loi est un garde-fou contre les dérives en termes de pratiques sociales.

Le texte indique que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) procédera à un examen individuel de chaque demande, mais nous sommes sceptiques sur la capacité de celui-ci à remplir ce rôle d'identification des vulnérabilités. Le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile n'a jamais prévu de protocole d'alerte et de mise à l'abri des femmes victimes de violences, d'où la nécessité d'une concertation entre le ministère de l'intérieur et les autres ministères en charge de ces questions afin d'assurer une protection efficace.

Jusqu'à aujourd'hui, les réfugiés ont bénéficié d'un régime dérogatoire favorable, mais la procédure de rapprochement familial est très longue, ce qui peut générer des violences conjugales car l'époux qui vient rejoindre sa femme trois à cinq ans après l'arrivée de celle-ci en France ne la reconnaît plus – elle parle français, elle travaille, etc. Or le projet de loi codifie pour la première fois le rapprochement familial des demandeurs d'asile, en prévoyant que le ressortissant étranger peut demander à être rejoint par son conjoint si le mariage est antérieur à la date d'obtention de la protection. Par conséquent, les personnes qui se marieront après l'obtention de leur statut devront faire venir leur famille dans les mêmes conditions de ressources et de logement que le regroupement familial de droit commun. Mais dans la mesure où il faut en moyenne trois à cinq ans à un réfugié pour se stabiliser sur le plan social et économique, cela reviendra à reculer encore plus la possibilité de réunification familiale et donc à maintenir les violences intrafamiliales. Il est donc dommage de toucher à la procédure du rapprochement familial des bénéficiaires du statut de réfugié en vigueur.

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