Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 29 octobre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, l’annonce de la sanctuarisation du budget de la culture était nécessaire après deux années consécutives de baisse. Pour autant, au regard des objectifs ambitieux de cette mission, la question des moyens alloués reste cruciale.

Les secteurs des médias, du livre et des industries culturelles sont très fragilisés car ils traversent une période de perturbations liée à la nécessaire adaptation aux nouvelles technologies et aux attentes du public. Il est donc nécessaire de mener une réflexion globale sur leur mode de fonctionnement, afin de les accompagner au mieux dans cette modernisation, sans amoindrir, bien entendu, leur mission d’intérêt général, que l’État doit avoir à coeur de soutenir.

Les enjeux numériques, nous commençons à bien les connaître. Ils ont été soulevés dans de nombreux rapports avec, à chaque fois, des propositions de solutions dont le législateur doit désormais se saisir pleinement afin d’en débattre.

Avec l’arrivée du numérique, les frontières s’étiolent entre presse papier, télévision et radio, et l’offre multimédia ne cesse de se développer. C’est pourquoi l’idée d’envisager un système d’enrichissement mutuel des contenus éditoriaux des partenaires de l’audiovisuel public prend tout son sens. Les potentialités semblent en effet importantes. Développer des offres numériques communes aux différents médias relevant du service public de l’audiovisuel peut permettre de nouveaux usages bénéfiques pour l’ensemble des supports traditionnels, à condition, bien entendu, que cela soit source d’enrichissement culturel, et non pas d’homogénéisation de l’offre.

En outre, le numérique offre de nouvelles possibilités qu’il serait vraiment dommage de ne pas soutenir ou exploiter, notamment au regard de l’interaction permise avec les citoyens. Je pense par exemple au Web participatif. Aujourd’hui, certains réseaux sociaux, certains blogs concourent directement à la diffusion de l’information, ce qui devrait nous conduire à remettre en cause les principes qui régissent notre système de soutien.

Compte tenu de ces éléments, nous devons nous interroger sur la pertinence d’un système où l’aide est distribuée en fonction des supports. Il faut ainsi aller plus loin dans la réforme des aides et du soutien public. Une réforme structurelle, prenant en compte les médias dans leur globalité, est nécessaire, car quel que soit le support, les médias concourent au bon fonctionnement de notre démocratie. C’est la pluralité de l’offre en matière d’information qui est une nécessité démocratique, tout comme sa qualité ; peu importe que la diffusion se fasse sur papier, radio, télévision ou Internet.

C’était d’ailleurs le sens de notre soutien à l’harmonisation des taux de TVA entre presse papier et presse électronique, qui répondait à un souci d’égal traitement entre papier et numérique. Comme je l’ai dit en commission élargie, il serait aujourd’hui intéressant d’avoir un retour sur les effets de cette harmonisation, en particulier sur l’essor de la presse numérique, domaine dans lequel la France accuse un retard important. Agir via la TVA apparaît d’ailleurs d’autant plus intéressant que les subventions font toujours l’objet de suspicion de conflits d’intérêts et interrogent la notion d’indépendance des médias.

Pour en revenir à la réforme structurelle des aides que nous appelons de nos voeux, celle-ci doit donc prendre en compte, pour la presse, un meilleur accompagnement vers le numérique, mais aussi une rationalisation des aides à la distribution pour que celles-ci se complètent au lieu de se concurrencer, ou encore un recentrage des aides directes à la presse conditionnées à des obligations de qualité, d’indépendance, de déontologie et de transparence.

Aujourd’hui, sans nier les difficultés spécifiques que traverse la presse papier, le ratio entre presse papier et presse numérique pose vraiment question au vu de l’essor du numérique, qui bénéficie de moins de 10 % des aides budgétaires.

Concernant la radio, la question de l’investissement en faveur de la radio numérique terrestre se pose très clairement. Il est plus que nécessaire de clarifier la position des pouvoirs publics à ce propos.

J’en profite pour rappeler notre attachement au maintien de la gratuité d’accès à tous les podcasts. Il ne saurait être question de faire payer aux auditeurs ce qu’ils ont par ailleurs déjà contribué à financer. Et cette gratuité de l’offre diffusée contribue aussi à la spécificité du service public. Pour les mêmes raisons, maintenir la gratuité de la plate-forme RF8 est important.

Enfin, je tiens à évoquer la question de la régulation.

Comme vous le savez, le respect du principe de la neutralité du Net est pour nous un impératif. Or, la situation actuelle n’est pas clairement satisfaisante. Les risques inhérents à des initiatives privées comme le Fonds pour l’innovation numérique de la presse, le FINP de Google et de l’Association de la presse d’information politique et générale, illustrent l’urgence de clarification.

Quant à l’Hadopi, une révision de ses missions s’impose. La suppression de la riposte graduée se fait d’autant plus attendre qu’elle n’a aucun effet pédagogique sur les internautes. Elle a en outre contribué au départ de sites de pair à pair vertueux au bénéfice de réseaux mafieux.

Ces questions concernent aussi directement l’industrie du livre, avec notamment l’essor du livre numérique et les problèmes posés par les plates-formes de vente en ligne.

Madame la ministre, nous voterons ce budget qui tente de préserver autant que possible le soutien à la lecture pour tous et témoigne de votre engagement à moderniser la presse, mais nous espérons que les différents points évoqués trouveront rapidement un écho favorable.

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