Intervention de Pascal Brice

Réunion du 15 octobre 2014 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Pascal Brice, directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, OFPRA :

Madame la présidente, madame la rapporteure, merci beaucoup de nous donner cette opportunité d'échanger et de répondre à vos questions sur ce projet de loi et sur la place de l'OFPRA dans le nouveau dispositif de l'asile. Je vais répondre aux différents points que vous avez abordés, en me concentrant sur la question des droits des demandeuses d'asile, mais un mot d'abord sur le contexte et la réforme en cours à l'office.

On observe une augmentation très importante de la demande d'asile en France depuis 2007, avec un ralentissement depuis le début de l'année, de l'ordre de 4 %. Cependant, compte tenu du contexte européen et de la sortie du Kosovo de la liste des pays d'origine sûrs, suite à une décision récente du Conseil d'État, cette tendance à la hausse constatée depuis 2007 pourrait reprendre, ce qui justifie pleinement la réforme actuellement engagée.

En outre, les directives européennes dites « qualification » et « procédures », qui seront mises en oeuvre à partir de l'été prochain, comportent des droits et des garanties nouvelles, qui concernent notamment les femmes, et qui justifient à la fois la réforme récente de l'OFPRA et les mesures prévues par ce projet de loi.

Il convient en effet de répondre à l'augmentation importante des demandes d'asile et des objectifs de réduction des délais d'instruction ont été fixés par le Gouvernement. En tant que directeur général de l'OFPRA, j'adhère pleinement à cet objectif, qui ne me semble pas exogène à ses missions, dans la mesure où la réduction des délais est indispensable au regard de la situation des hommes, des femmes et des enfants concernés, mais aussi pour la crédibilité de cette politique publique.

Cet objectif, que l'OFPRA fait totalement sien, est inscrit dans son contrat d'objectifs et de performance. Ainsi, à l'horizon 2016, nous devrons avoir réduit de moitié le délai moyen d'instruction, pour le faire passer de six à trois mois, de manière à ce que, pour l'ensemble de la procédure, les délais d'examen des demandes d'asiles passent de vingt à neuf mois.

Pour atteindre cet objectif, c'est une sorte de fusée à trois étages qui a été mise en place, dont la réorganisation de l'OFPRA constitue le premier niveau. J'ai souhaité l'engager très tôt, à la demande du ministre de l'intérieur de l'époque, M. Manuel Valls, compte tenu du caractère très ambitieux des objectifs qui nous étaient fixés et de la nécessité d'adapter le fonctionnement interne de l'office. C'est la raison pour laquelle, depuis maintenant un an, est engagée une réforme très profonde de l'OFPRA s'appuyant sur un plan d'action, que j'ai élaboré avec les agents et qui a été approuvé à l'unanimité par les organisations syndicales.

Il s'agissait notamment de placer l'OFPRA en situation de mettre en oeuvre plus aisément la loi portant réforme de l'asile et les dispositions issues des directives européennes. Les acteurs de l'asile en France, et en premier lieu les agents de l'office, doivent pouvoir se recentrer sur les besoins de protection réels des demandeurs. À cet égard, je suis heureux d'être accompagné aujourd'hui par Cécile Malassigné, qui est cheffe de section à l'OFPRA et pilote nos travaux sur les questions relatives aux violences faites aux femmes. Notre leitmotiv est de ne pas passer à côté d'un besoin de protection, et singulièrement s'agissant des femmes.

Dans un souci de plus grande efficacité et pour réduire les délais, il convient de consacrer moins de temps au traitement de demandes qui ne relèvent pas de besoins réels de protection, dans le respect des garanties fondamentales, qui sont renforcées par les directives. Tout demandeur, toute demandeuse d'asile a le droit à l'examen de sa demande et à un entretien à l'OFPRA. Cependant, nous devons organiser – et c'est l'objet de notre réforme interne et du traitement accéléré prévu dans la loi – les moyens d'une différenciation du traitement de la demande d'asile, reposant sur un socle fondamental de garanties, renforcées par les directives et la loi, mais aussi permettant de faire un partage par rapport à la réalité des besoins de protection, de manière à lutter contre ce que le Haut-commissaire aux réfugiés appelle la « dilution de l'asile ».

Cette réforme interne vise également à mieux harmoniser la mise en oeuvre du droit d'asile au sein de l'OFPRA. Nous avons notamment mis en place un comité d'harmonisation, dont la vocation est de mieux prendre en compte la jurisprudence de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). C'est particulièrement important pour les besoins de protection concernant les femmes.

Nous avons par ailleurs mis en place des groupes de référents thématiques, tels que celui qu'anime Cécile Malassigné sur les violences faites aux femmes. Ces cinq groupes thématiques, constitués d'agents de différents services de l'office, portent sur des besoins de protection, qui correspondent assez largement à la notion de vulnérabilité au sens des directives européennes. À mon sens, ce projet de loi, outre la réforme de l'OFPRA, met pleinement en oeuvre les directives européennes. Nous avons anticipé cette réforme avec la constitution de groupes de référents sur les violences faites aux femmes, la torture, la traite des êtres humains, qui concerne très largement les femmes, mais aussi les victimes de persécution en raison de leur orientation sexuelle, et les lesbiennes notamment, ainsi que les mineurs isolés, parmi lesquels naturellement des jeunes filles.

Les groupes de référents travaillent très activement depuis un an sur ces besoins de protection, en lien avec le monde associatif et des partenaires institutionnels tels que les ministères de la justice et de la santé. Il s'agit d'aider les officiers de protection lorsqu'ils instruisent des cas très particuliers sur lesquels ils peuvent être démunis, en les y sensibilisant et en mettant à leur disposition des outils d'appui à l'instruction. C'est un aspect très important de la réforme que nous avons engagée depuis maintenant plus d'un an.

Cette réforme comporte d'autres aspects, tels que la mise en oeuvre d'un traitement adapté de la demande d'asile, qui repose sur un principe de différenciation et sur des outils d'appui à l'instruction, pour aller plus vite lorsque des demandes relèvent a priori d'un besoin de protection inexistant, avec un socle de garanties fondamentales pour tous. Ainsi, lorsque nous constatons que les demandeurs albanais ou kosovars relèvent de taux de protection à l'OFPRA de l'ordre 2 ou 3 %, je considère qu'il y a une forme de présomption qui fait que, dans le respect fondamental de garanties dues à tous les demandeurs, les officiers de protection doivent pouvoir aller plus vite. Ils ont des outils pour cela, avec aussi l'obligation de sortir immédiatement de ce cadre de traitement adapté s'il s'avère que la personne relève bien d'un besoin de protection réel.

Dans le même temps, lorsque les officiers de protection ont à traiter de cas de personnes syriennes, pour lesquels le taux d'accord est de 96 %, ou encore dans d'autres types de situation, concernant notamment l'excision, ils peuvent s'appuyer sur d'autres outils d'appui à l'instruction afin, là encore, de pouvoir se prononcer plus rapidement. Il est essentiel d'organiser, de structurer et d'harmoniser le traitement des demandes de sorte que, dans tous les cas, les garanties fondamentales soient présentes, mais il n'y a pas d'autre possibilité, à mon sens, que de renforcer les garanties fondamentales et dans le même temps d'utiliser des outils formalisés permettant cette approche différenciée. C'est le rôle des officiers de protection, c'est le rôle de leur hiérarchie à travers les chefs de section, et c'est mon rôle en tant que directeur général, que de veiller à ce que les droits et garanties ainsi que ces éléments de différenciation soient mis en oeuvre.

La mise en oeuvre du plan d'action pour la réforme de l'OFPRA, qui n'a pas encore produit tous ses effets, va se poursuivre, et cela va notamment permettre de gérer la réforme en cours de l'asile. Si je ne puis présenter dans le détail l'ensemble de ce plan, qui est très large, il convient de souligner que nous avons déjà atteint nos deux principaux objectifs en un an.

En effet, le premier objectif que j'avais fixé, même s'il ne dépend que partiellement de nous, a été atteint : il s'agissait de faire en sorte d'inverser une tendance, qui m'est apparue comme une bizarrerie, selon laquelle, historiquement, le juge d'appel en matière d'asile reconnaissait un plus grand nombre de protections que l'administration en première instance. Cette inversion s'est produite pour la première fois depuis un an : l'OFPRA reconnaît ainsi un plus grand nombre de protections que la CNDA. Cela résulte à la fois d'une évolution de la demande d'asile, et notamment de l'augmentation de la demande syrienne, mais aussi de la volonté de l'OFPRA, à travers les travaux du comité d'harmonisation en particulier, de mieux prendre en compte la jurisprudence de la CNDA. À la mi-2014, les taux d'accord à l'office sont ainsi supérieurs à ceux de la CNDA.

D'autre part, tout l'enjeu pour nous est de ne pas passer à côté d'un besoin de protection et d'être plus efficace, et donc plus rapide globalement. L'activité de l'OFPRA a crû de 17 % sur les neuf premiers mois de 2014, par rapport à la même période en 2013, grâce à des recrutements mais aussi des gains d'efficacité. Cela a permis, pour la première fois depuis 2007, de stabiliser et de commencer à réduire le nombre de dossiers en attente, qui est passé en dessous de 30 000.

Les recrutements à l'OFPRA ont constitué le deuxième étage de la fusée. Depuis 2012, les moyens humains de l'office ont été augmentés de dix officiers de protection chaque année. En outre, dans le projet de loi de finances pour 2015, il est prévu d'augmenter de façon importante le nombre des officiers de protection à l'office, et cela correspond très précisément au nombre d'agents supplémentaires nécessaire pour atteindre l'objectif de trois mois de délai d'examen fixé pour 2016, en complément des gains d'efficacité résultant de la réforme de l'office.

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