Intervention de Pascal Brice

Réunion du 15 octobre 2014 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Pascal Brice, directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, OFPRA :

Je suis diplomate et c'est un ministre de l'intérieur qui m'a proposé pour ce poste, et c'est un autre ministre de l'intérieur qui m'a fait l'honneur de m'accorder sa confiance. À partir du moment où la feuille de route de l'asile est dissociée de celle de la politique migratoire, comme c'est le cas depuis 2012, et dès lors que l'indépendance fonctionnelle de l'OFPRA est reconnue, la tutelle ne pose aucune difficulté… mais peut-être ai-je été victime du syndrome de Stockholm !

Et si, à titre personnel, j'avais pu avoir par le passé des réserves sur ce changement de tutelle, cette tutelle administrative peut être utile à certains égards et de nature à faciliter les choses. Cela a par exemple été le cas lorsque je me suis rendu récemment à Calais, pour vérifier la protection des demandeurs d'asile, en accord avec le ministre et la préfecture. De la même manière, lorsque des familles syriennes étaient présentes sur le parc de la ville de Saint-Ouen au printemps dernier, un guichet a pu être mis en place et cela a permis de régler la situation en quinze jours. Or cela n'aurait pas probablement pas été fait dans le même esprit, ni dans les mêmes délais, dans une autre configuration.

Le projet de loi comporte une autre disposition très importante, avec la possibilité qui sera désormais accordée à l'OFPRA de sortir certains demandeurs de la procédure accélérée. Il s'agit là d'une avancée majeure, qui permet de faire prévaloir des impératifs liés au fond de la demande par rapport aux décisions des préfets. C'est fondamental notamment pour les droits des demandeuses d'asile. En effet, et c'est un point commun aux cinq besoins de protection particuliers que j'évoquais précédemment, et c'est particulièrement vrai pour les femmes, ces besoins relèvent peu de l'évidence, et notamment parce qu'ils touchent à l'intime, qu'il s'agisse de l'orientation sexuelle, de violence conjugale, d'excision ou de violence sexuelle. Une attention toute particulière est donc nécessaire pour que les officiers de protection puissent identifier le besoin de protection, organiser l'entretien et accueillir le récit, et c'est pourquoi nous avons voulu travailler sur ces questions dans le cadre de la réforme de l'OFPRA. Par ailleurs, et cela concerne aussi les droits des femmes, tous les officiers de protection reçoivent une formation à l'accueil des récits de souffrance, qui est assurée par une association lyonnaise – Forum Refugiés – afin qu'ils soient sensibilisés à ces questions.

Ces besoins de protection relèvent d'une définition très jurisprudentielle, sur le fondement notamment de la Convention de Genève relative au statut de réfugié et des dispositions relatives à la protection subsidiaire. Il nous revient de mieux intégrer les évolutions jurisprudentielles de la CNDA et du Conseil d'Etat en cassation pour ne pas passer à côté de ces besoins de protection. En tout état de cause, la possibilité de sortir un dossier de la procédure accélérée à l'initiative de l'OFPRA constitue à mes yeux une avancée majeure.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit l'arrivée des conseils dans les entretiens, et c'est une révolution pour nous. En effet, les demandeurs pourront être accompagnés par des avocats ou représentants d'une association. Il s'agit d'une garantie fondamentale, en particulier pour les plus fragiles, et cette évolution majeure peut contribuer à ne pas passer à côté d'un besoin réel de protection.

Néanmoins, un encadrement est nécessaire pour que cette garantie fonctionne pleinement au bénéfice du demandeur et de façon compatible avec la réduction des délais qui est attendue de l'OFPRA. C'est pourquoi le projet de loi prévoit la définition du conseil, l'habilitation par le directeur général de l'office, selon des modalités définies en Conseil d'État, et en précisant également que l'intervention éventuelle de la personne accompagnant le demandeur n'ait lieu qu'à la fin de l'entretien. Si cela ne figure pas dans la loi, je vous indique par ailleurs que l'entretien sera enregistré. Et je suis convaincu que c'est une évolution fondamentale, notamment pour les demandeuses d'asile.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion