Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 4 novembre 2014 à 10h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau, président :

Nous sommes aujourd'hui réunis pour désigner un rapporteur d'information sur le projet de loi déposé par Mme Marisol Touraine à l'Assemblée, le 15 octobre dernier, et relatif à la santé.

Le système de santé dans les Outre-mer présente en effet de nombreuses difficultés qui sont récurrentes :

– Les populations sont moins bien desservies en termes de professionnels de santé que dans l'hexagone ;

– Les remboursements de sécurité sociale, effectués par les CGSS, laissent aux assurés des sommes « à charge » plus élevées que dans la métropole ; ce n'est pas que le ticket modérateur soit plus élevé ; c'est que le tarif de la consultation médicale autorisé est supérieur par rapport à l'hexagone (par exemple pour les consultations des médecins en ville, y compris les médecins conventionnés du secteur 1) ;

– L'offre de soins hospitaliers est moins importante qu'en métropole (l'hôpital public étant le pivot du système de santé outre-mer), ce qui fait d'ailleurs que la question des urgences se pose avec encore plus d'acuité qu'en métropole ;

– On note une propension à la dépendance à un âge souvent moins élevé que dans l'hexagone (en fait à partir de 50 ans), ce qui fait que les personnes dépendantes sont proportionnellement plus nombreuses outre-mer qu'en métropole ;

– Il y a, outre-mer, des maladies infectieuses mal éradiquées (comme la tuberculose) et d'autres, relativement nouvelles, qui sont tout aussi difficiles à combattre (comme la dengue ou le chikungunya) ;

– Il y a également des maladies chroniques (comme le diabète) ;

– Enfin, il y a des conduites addictives qui touchent certaines fractions de la population (par exemple l'addiction à l'alcool).

Face à cela, la Délégation pense, comme l'on dit, qu'il serait peut-être possible de « faire bouger les lignes » en se servant du projet de loi relatif à la santé comme vecteur pour des amendements qui seraient bien adaptés à la résolution des problèmes de santé propres aux ultramarins.

Le projet de loi relatif à la santé est un texte assez conséquent (57 articles) et il aborde de très nombreux sujets (la prévention, les dépistages, le service public hospitalier…).

Pour notre part, nous souhaitons nous saisir des articles 1, 4, 5, 7, 12, 18, 26, 37, 38 et 56 du projet.

Je vais faire quelques observations sur ces articles.

L'article 56, avant-dernier article du projet de loi, est le seul qui vise expressément les Outre-mer. Il prévoit le renvoi à des ordonnances, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, pour mettre en oeuvre, d'une part, les dispositions du projet de loi lui-même dans les DOM et dans les COM (en respectant leurs spécificités et leurs contraintes particulières) et, d'autre part, pour aligner le droit de la sécurité sociale applicable à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon sur le droit applicable soit en métropole soit dans les collectivités qui relèvent de l'article 73 de la Constitution.

Les autres articles, sans concerner exclusivement les Outre-mer, peuvent avoir des incidences sur ces collectivités.

L'article 1er a trait aux objectifs qui prévaudront dans la loi. Il ne vise pas spécifiquement les DOM ou les COM, mais il serait sans doute possible de prévoir à leur intention, dans cet article, par amendement, la mise en place d'un programme de santé publique orienté autour d'un certain nombre de grandes priorités.

L'article 4 prévoit de renforcer la lutte contre l'alcoolisation des jeunes. Il devrait être possible de raccorder à cet article, par amendement, des dispositions permettant de lutter plus efficacement contre les addictions des jeunes ultramarins.

L'article 5 prévoit d'améliorer l'information nutritionnelle des jeunes. De même, il devrait être possible de raccorder à cet article, par amendement, une information mettant en garde les jeunes ultramarins contre les aliments trop sucrés générant de l'obésité – une présence exagérée de sucre dans l'alimentation étant une question récurrente dans les DOM ou dans les COM.

L'article 7 prévoit d'instituer des tests d'orientation diagnostique pour déceler les maladies infectieuses. À ce dispositif, on pourrait raccorder, par amendement, la nécessité de prévoir des tests pour dépister la dengue et le chikungunya.

L'article 12 prévoit l'institution d'un service territorial de santé au public (STSP). Il devrait être possible d'y adjoindre, par amendements, des dispositions concernant l'amélioration de l'offre de soins ambulatoires outre-mer.

L'article 18 prévoit la généralisation du tiers-payant pour les consultations médicales en ville. Il faudra s'assurer que cette mesure trouve bien à s'appliquer aussi outre-mer, compte tenu des différences tarifaires que l'on peut rencontrer par rapport à l'hexagone.

L'article 26 réaffirme l'existence d'un service public hospitalier ancré dans les territoires. Dans cet article, on pourrait poser le principe qu'il faut donner des moyens accrus aux hôpitaux ultramarins – hôpitaux qui ne possèdent, à l'heure actuelle, selon les informations dont je dispose, que de tout petits fonds de roulement (environ 3 jours de dépenses) pour faire face à tous leurs imprévus. Pour ce faire, il faudra, bien entendu, trouver une formulation qui ne tombe pas sous le coup de l'article 40 de la Constitution.

L'article 37 concerne la recherche. De même, dans cet article, on pourrait suggérer qu'il faut améliorer la lutte contre les maladies tropicales.

Enfin, l'article 38 concerne les Agences régionales de santé. Conformément à une recommandation de la Cour des comptes, dans un rapport thématique de juin 2014 consacré à la santé dans les Outre-mer, on pourrait suggérer, par amendement, qu'il convient de rééquilibrer leur pratique financière au sein des DOM, afin de l'orienter vers davantage de prévention.

Comme on peut le voir, les idées d'amendements ne manquent pas, dans le cadre du projet de loi relatif à la santé, pour améliorer la situation sanitaire des Outre-mer ; et telle est la raison pour laquelle il m'a paru souhaitable que la Délégation se saisisse de ce texte.

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