Intervention de Antoine Prudent

Réunion du 15 octobre 2014 à 10h30
Délégation aux outre-mer

Antoine Prudent, président de l'Observatoire national des originaires de l'outre-mer :

Monsieur le président, avant de vous présenter notre tableau de bord avec les indicateurs de suivi, je vous précise que l'ONDOM a pour mission d'étudier, d'analyser, de préconiser et d'accompagner toutes les démarches aussi bien économiques, sociales que culturelles des ultramarins.

Pour construire ce tableau, nous sommes partis d'extractions de données très simples, de l'INSEE et de l'INED. Nous avons utilisé des travaux d'Opinion Way et du DD, ainsi que de certaines données prospectives.

Concernant la présence des ultramarins dans l'hexagone, nous constatons que 48 % d'entre eux sont Antillais (70 % dans la région parisienne) et 20 % Réunionnais (28 % dans la région parisienne et 72 % en province), que les Mahorais vivent essentiellement en province, et surtout dans le Sud, tandis que les Guyanais vivent pour moitié en région parisienne et pour moitié en province. 60 % des jeunes domiens ont 18 à 29 ans, ce qui représente 2 % de la population générale. Un ultramarin sur deux est un descendant des domiens natifs des DOM.

Nous sommes partis de la base INSEE pour dire qu'aujourd'hui on peut identifier 377 500 personnes nées dans les outre-mer. Ajoutons qu'en termes de logement, 48 % des Réunionnais sont propriétaires, contre 30 % des Antillais.

J'observe que nous parlons surtout des domiens, et un peu moins des ultramarins en général. En effet, aujourd'hui, nous avons un déficit de chiffres et de données statistiques sur l'ensemble des autres COM. Voilà pourquoi nous raisonnons essentiellement sur une base domienne. Mais à l'avenir, il faudra combler cette lacune.

Concernant l'accès aux soins, nous constatons que l'état de santé des ultramarins installés dans l'hexagone est quasiment identique à celui de la population majoritaire et que seulement 10 % d'entre eux ont la CMU, contre 30 % de ceux qui vivent outre-mer – ce qui révèle une très grande précarité. Les ultramarins de l'hexagone possèdent un niveau de vie plus confortable, qui leur permet d'avoir un rapport à la santé plus axé sur le curatif que sur le préventif.

J'en viens au niveau de formation et à l'emploi des ultramarins :

De 1960 à nos jours, un bond phénoménal a été fait en matière de formation. En 1960, une majorité des ultramarins avaient un niveau CEP et CAP. En 2007, 42,7% d'entre eux ont une formation supérieure. 80 % de nos jeunes ont un niveau « bac plus 3 ». Cela veut dire que les ultramarins de France représentent un fort potentiel social et économique.

Si les domiens de la première génération connaissaient pratiquement le plein emploi, leurs descendants connaissent un taux de chômage équivalent à celui de l'ensemble de la population française – 8,3 % en 2007, et aujourd'hui, plutôt 10,3 %.

58 % sont encore fonctionnaires, même si le schéma parental n'a pas été forcément reconduit par la nouvelle génération – il y a eu jusqu'à plus de 78 % de fonctionnaires parmi les ultramarins ! 10 % sont cadres, contre 17 % au niveau national ; 12 % exercent des professions intellectuelles. Enfin, le niveau augmente tous les deux ans.

Autre élément : le sentiment de discrimination des ultramarins de l'hexagone.

Un chercheur que j'ai rencontré dernièrement à l'ONDOM m'a fait remarquer que la discrimination n'était pas seulement ressentie aux périodes charnières de la vie, mais tout au long de la vie. Cela commence dès l'école ; cela devient compliqué pour ceux qui souhaitent aller dans une filière d'excellence ; et ça l'est encore plus dans le monde du travail, où il est difficile de progresser. 58 % des ultramarins de l'hexagone affirment ressentir cette discrimination, ce qui est énorme. 59 % seulement des ultramarins se sentent français avant tout. Mais quid des 41 % qui restent ?

Pour lutter contre ces discriminations, un certain nombre d'outils ont été mis en place : élaboration d'un plan d'action interministériel ; formation de 12 associations antillaises par les équipes du Défenseur des droits ; présence d'associations ultramarines dans les COPEC (commissions pour la promotion de l'égalité des chances et de la citoyenneté) ou dans les instances de pilotage.

Le dernier élément de ce tableau de bord concerne la veille médiatique, destinée à vérifier la visibilité ultramarine.

Nous avons mobilisé quatre chercheurs de l'ONDOM, qui ont travaillé pendant une semaine à relever un certain nombre d'informations, dans les journaux, la presse écrite, audiovisuelle et télévisuelle. Cette semaine-là, le judoka Teddy Riner avait encore gagné, mais on s'intéressait surtout à ses parents guadeloupéens, qui étaient venus le supporter. Ensuite, on nous informait que le rhum x avait été primé. Enfin, à l'occasion d'un article sur les immigrés de la France métropolitaine, on apprenait que les Antillais s'identifiaient aux immigrés parce qu'ils subissaient le même type de discriminations. Ainsi, sur toute une semaine, on n'a trouvé que trois références liées aux ultramarins : hors des médias communautaires, point de salut !

En conclusion, cette étude de 43 pages nous a montré là où des progrès avaient été faits, là où il fallait vraiment travailler, et tout ce qu'il restait à faire. La Délégation tirera ses propres conclusions. Mais je pense que si nous sommes là aujourd'hui, c'est parce que nous sommes tous concernés. L'ONDOM reste mobilisé et continuera à agir avec l'aide de tous ceux qui le voudront bien.

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