Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 6 novembre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de budget de la mission « Santé » pour l’année 2015 est en baisse de 7 %. Il s’inscrit dans la politique d’austérité menée par le Gouvernement. Il confirme également le désintérêt croissant – et inquiétant – pour les politiques de prévention et d’éducation à la santé : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » diminue en effet de 25 %. Cette baisse contredit totalement les orientations affichées par le Gouvernement qui répète, avec raison, que ce qui est dépensé aujourd’hui dans la prévention sera économisé demain dans les soins.

Les crédits consacrés à l’éducation à la santé diminuent de plus de 4,2 %. Ainsi, par exemple, le contrat d’objectif et de gestion signé en juillet dernier entre l’État et la Caisse nationale d’assurance maladie a abandonné purement et simplement, dès cette année, les actions de prévention bucco-dentaire en milieu scolaire. Cette prévention a pourtant fait ses preuves : ma collègue Jacqueline Fraysse est particulièrement bien placée pour en témoigner, puisque Nanterre – au même titre d’ailleurs que le département du Val-de-Marne – est à la pointe dans ce domaine. Le nombre d’enfants ayant besoin de soins dentaires y a nettement reculé, et les conséquences des inégalités sociales dans ce domaine y ont été atténuées.

De même, les crédits consacrés à la prévention des risques infectieux sont en baisse de près de 10 % : c’est très préoccupant, d’autant plus que le virus Ebola frappe à nos portes. Cet été, la Caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis a annoncé qu’elle abandonnerait toutes les actions de vaccination et de dépistage de la tuberculose et des maladies sexuellement transmissibles dans ce département. Cette annonce, elle aussi, est inquiétante, d’autant plus qu’en Seine-Saint-Denis, la prévalence de la tuberculose est quatre fois supérieure à la moyenne nationale. Elle préfigure en outre la baisse constatée dans ce budget.

Les crédits consacrés à la prévention des maladies chroniques diminuent également de 5,6 %. Cette baisse aussi est étonnante, car ces maladies chroniques représentent les deux tiers des dépenses d’assurance maladie. À La Réunion, où le diabète touche 10 % de la population, nous savons à quel point la prévention est primordiale pour lutter contre cette épidémie silencieuse. Dans le même ordre d’idée, je déplore la diminution de 1,4 % des crédits consacrés à la prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation, alors que les maladies liées au travail représentent un cinquième des dépenses de santé dans notre pays.

On peut lire, dans la présentation de ce budget, que la stratégie poursuivie en 2015 en termes de prévention s’inscrit « en cohérence avec le projet de loi relatif à la santé ». Dans son avis sur ce projet de loi, la Conférence nationale de santé a salué la priorité accordée à la prévention et à la promotion de la santé, mais a déploré que « le contenu du texte soit en deçà du nécessaire pour que cette priorisation devienne une réalité. »

Cette incohérence apparente cacherait donc, au fond, une certaine cohérence : le budget de cette mission « Santé » aussi bien que le projet de loi de santé affichent des ambitions en matière de prévention, mais ne prévoient pas les moyens correspondant à ces ambitions. C’est pourquoi nous voterons contre ce budget.

Avant de conclure, je voudrais dire un mot de l’aide médicale de l’État. L’AME, seul programme en hausse de ce budget, attire les foudres d’une partie de la droite pour laquelle cette augmentation conduirait à la baisse du budget consacré à la prévention. Cette attitude vise, une fois de plus, à opposer les citoyens entre eux et à désigner des boucs émissaires responsables des difficultés de nos concitoyens.

Je voudrais préciser deux points à ce sujet. Ce n’est pas l’AME qui est responsable de la baisse du budget consacré à la prévention ; c’est la politique d’austérité suivie par le Gouvernement et la nécessité de financer le pacte de responsabilité. Si des économies sont possibles sur ce dispositif, les attaques dont il fait l’objet sont irresponsables en termes de santé publique. D’abord, parce que la transmission et la multiplication des virus et des épidémies n’ont que faire de la situation administrative des individus. Ensuite, parce que soigner les malades en situation irrégulière, c’est aussi – et peut-être surtout – préserver l’ensemble de la population, ce qui est notre devoir et notre responsabilité dans ce pays dit « des Lumières ».

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