Intervention de Stéphane Travert

Séance en hémicycle du 6 novembre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, des esprits chagrins et conservateurs estiment encore aujourd’hui que la politique culturelle est accessoire, qu’elle est une variable d’ajustement dans les budgets de l’État et des collectivités territoriales. Ces menaces, perçues dans certains territoires, doivent nous mobiliser plus que jamais pour la défense des politiques culturelles, de leurs acteurs et de l’accès de tous nos concitoyens aux contenus culturels quel que soit leur bassin de vie.

À l’heure où différents rapports – l’un de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles sur l’apport de la culture à l’économie française, l’autre sur la place des industries culturelles au coeur du rayonnement et de la compétitivité française commandé par France Créative – soulignent le rôle de la culture comme étant porteuse d’emploi, de croissance et d’attractivité pour les territoires, l’argument économique selon lequel la culture serait un gouffre financier ne tient plus. J’en suis pour ma part persuadé, comme bon nombre d’entre nous sur ces bancs.

La culture a donc un coût, certes, mais elle doit rester accessible à tous, car elle nous lie, nous éveille, nous émancipe et nous libère. Elle est un pilier de notre pacte républicain au même titre que l’éducation ou encore la santé et l’accès aux soins. C’est pourquoi il revient à l’État d’intervenir pour développer les réseaux culturels sur l’ensemble du territoire, développer la création et la diffusion des oeuvres, protéger, rénover notre patrimoine et concevoir des politiques du patrimoine fortes et ambitieuses, répondant ainsi à l’attachement des Français à ce qui constitue une excellence nationale.

Compte tenu du caractère essentiel que revêt la politique culturelle, je ne peux que me féliciter de l’engagement du Gouvernement à préserver les crédits de la mission « Culture », qui a précédemment largement contribué au redressement des comptes publics de notre pays. L’engagement du Gouvernement à sanctuariser les crédits de cette mission est d’ailleurs garanti dans la loi de programmation triennale 2015-2017 que nous avons votée.

Les crédits de la mission « Culture » répondent à trois objectifs : sauvegarder, protéger et mettre en valeur le patrimoine culturel sous toutes ses formes ; favoriser la création, la diversité et la diffusion des oeuvres d’art et de l’esprit ; renforcer l’enseignement supérieur culturel, favoriser le contact de chacun avec les oeuvres grâce à l’approfondissement de la politique d’éducation artistique et culturelle.

Concernant ce dernier objectif, je tiens ici à souligner le travail en bonne intelligence mis en oeuvre entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture, notamment au travers de la signature de conventions pour l’éducation artistique et culturelle engageant les médias publics dans une démarche pédagogique, à l’instar de celle qui a été signée il y a peu à la Maison de la radio avec Radio France et les recteurs d’académie d’Île-de-France. Madame la ministre, la généralisation d’une telle convention à tout le territoire national, par le biais du réseau France Bleu par exemple, serait à mes yeux de nature à contribuer à l’égalité d’accès de tous les élèves à la culture et permettrait de se défaire de la fracture si souvent décrite entre « Paris et le désert Français », encore très tenace en matière culturelle.

Je souhaite m’arrêter sur le programme « Patrimoines » et, en particulier, sur les crédits alloués à la réhabilitation des monuments historiques. Soulignons que les crédits sont ici stabilisés à hauteur de 312 millions d’euros sur les trois prochaines années. Ils seront également reconduits au même niveau pour ce qui concerne les crédits alloués aux DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, assurant ainsi la qualité du dialogue de l’État avec les collectivités territoriales et les propriétaires privés, mais aussi les savoir-faire des entreprises spécialisées dans ce domaine.

Le patrimoine est le fruit d’un héritage qui nous a été légué par l’histoire, les siècles et les époques. Je ne peux évoquer ce sujet sans parler de ma région, la Basse-Normandie. Il y a soixante-dix ans, un patrimoine historique disparaissait sous les bombes, rayant de la carte des villes comme Valognes, Coutances, Saint-Lô, Caen. Nos villes ont été ensuite reconstruites, et leur style architectural nous ramène à ces heures sombres.

Aujourd’hui, l’heure est venue de repenser cette architecture, cette deuxième peau autour de ce patrimoine porté par des populations qui avaient vécu l’horreur et qui devaient mettre les leurs à l’abri et recommencer une nouvelle vie. Il leur fallait réinventer la ville. Sans cesse nous devons réinventer ce patrimoine que nous léguerons nous aussi aux générations futures.

Il y a une excellence française en matière de politique patrimoniale qui consiste à placer nos concitoyens au coeur d’une ambition nationale. Nos monuments doivent être entretenus et restaurés pour répondre à cette attente si forte. Nous devons cette ambition culturelle en matière de patrimoine aux dizaines de millions de visiteurs étrangers qui viennent chaque année en France découvrir la richesse de nos musées, la splendeur de nos monuments, nos châteaux, nos plages. Je pense à l’inscription des plages du débarquement au patrimoine mondial de l’Unesco.

Nous devons sans cesse innover et inventer de nouveaux lieux de vie culturelle dans des sites parfois improbables ; Le Lieu unique à Nantes, Le Cent Quatre à Paris, La Papeterie d’Uzerche, chère à Sophie Dessus, rapporteure spéciale, la Fermeture éclair et la Station Mir à Caen, anciens locaux industriels devenus aujourd’hui des lieux de création. Ces différents exemples montrent que les collectivités sont à l’oeuvre pour inscrire notre patrimoine dans notre image collective. La concertation avec les collectivités territoriales est un élément indispensable des politiques du patrimoine pour réaliser des projets à la hauteur des ambitions de notre pays, qui est observé et attendu sur ces sujets dans le monde entier.

La France nourrit une vision moderne du patrimoine, loin de la vision passéiste et nostalgique dans laquelle certains veulent résolument le confiner. Concevoir, décider et agir au service de celles et ceux qui font vivre le patrimoine au quotidien, c’est la tâche que vous devez accomplir, madame la ministre, au sein de ce beau ministère de la culture.

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est au regard du maintien de ce budget de la culture, sanctuarisé au service de la grande ambition culturelle que nous nous sommes assignée, que le groupe SRC votera les crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour l’année 2015.

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