Intervention de Carlos Da Silva

Réunion du 12 novembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCarlos Da Silva, rapporteur :

Nous sommes à nouveau saisis du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, adopté par le Sénat en deuxième lecture le 30 octobre dernier par 175 voix contre 33.

Cette nouvelle étape est décisive pour une réforme qui permet non seulement de bâtir de grandes régions renforcées, mais aussi une France plus équilibrée entre son coeur, la région Île-de-France, et l'ensemble du territoire national. Ce projet de loi vise aussi à mettre en place une architecture mieux adaptée aux enjeux économiques et démocratiques des prochaines décennies dans l'intérêt de nos concitoyens, de nos entreprises et de toutes les forces qui animent le tissu économique et associatif.

Il s'agit d'enclencher le grand mouvement indispensable à l'adaptation et au redressement de la nation. Les Français l'ont bien compris : si la réforme territoriale a pu, dans un premier temps, réveiller quelques passions et susciter quelques revendications excessives, elle est désormais regardée par la plus grande partie de nos concitoyens comme une avancée considérable, indispensable au renforcement du pays, de sa cohésion territoriale et de sa décentralisation. Elle était attendue depuis longtemps et elle a été souhaitée, tour à tour, sur tous les bancs de notre assemblée.

Contrairement au texte adopté par le Sénat en première lecture, qui avait été vidé de sa substance et ne proposait aucune carte, celui que nous examinons aujourd'hui témoigne d'une approche plus constructive. Nous ne pouvons que nous réjouir que le Sénat ait adopté le principe d'un regroupement des régions – il correspond, à deux cas près, à la carte que nous avions adoptée en première lecture –, et celui d'une modification du calendrier électoral, tout en entérinant le souhait du Gouvernement d'organiser les prochaines élections départementales en mars 2015. Je ne doute pas que nos débats en commission et en séance seront tout aussi constructifs.

Le Sénat a cependant apporté des modifications non négligeables au texte que nous avions adopté en première lecture. Je note que certaines d'entre elles semblent méconnaître des règles, comme celle dite de l'entonnoir, voire aller à l'encontre de principes constitutionnels.

Le Sénat a rétabli un article préliminaire réaffirmant les compétences ayant vocation à être exercées par chaque niveau de collectivité.

Concernant la carte, s'il a tenté de respecter la plupart des grands équilibres établis par notre assemblée à l'issue de la première lecture, il a purement et simplement supprimé deux regroupements que nous avions opérés : celui du Languedoc-Roussillon avec Midi-Pyrénées, et celui de l'Alsace, de la Champagne-Ardenne et de la Lorraine. La carte qui nous est proposée compte donc quinze régions métropolitaines, si l'on inclut la Corse.

En ce qui concerne les règles de détermination des futurs noms et chefs-lieux des nouvelles régions, il a confirmé le dispositif de libre choix prévu par notre Commission, en supprimant quelques précisions qui encadrent ces dispositions. Il a également modifié le nom de la région Centre, renommée Centre-Val de Loire, sans que le conseil régional concerné ait pu délibérer sur cette question.

S'agissant des modalités d'évolution volontaire de la carte régionale et de ce qui est improprement désigné sous le nom de « droit d'option », le Sénat a globalement accepté le principe de la suppression des conditions référendaires au profit d'une décision des organes délibérants des collectivités concernées à la majorité des trois cinquièmes. Cependant, s'agissant de la possibilité offerte à un département de changer de région, il a curieusement estimé que la région de départ n'aurait pas à donner son accord, mais pourrait seulement faire part de son opposition, ce qui laisse à penser que cette question pourrait ne pas concerner les élus en question. Il a aussi estimé que ces évolutions ne pourraient être mises en oeuvre que durant l'année 2016, en prévoyant toutefois que les procédures en cours pourraient être achevées par la suite, alors que nous avions prévu d'ouvrir cette possibilité jusqu'en mars 2019, soit un an avant les élections suivantes.

À cette fin, il a imaginé un dispositif permettant de modifier par voie réglementaire le tableau des effectifs des conseils régionaux, voire d'organiser le transfert de certains conseillers régionaux en cours de mandat… Autant le premier point mérite d'être pris en considération, autant il me paraît constitutionnellement périlleux de prétendre, même « à titre transitoire », faire siéger dans un conseil régional des conseillers régionaux élus dans une autre région.

Le tableau des effectifs a été adapté par le Sénat afin de tenir compte des modifications qu'il a apportées à la carte des régions. Une réduction de 10 % des effectifs des conseils régionaux comptant plus de 150 membres, à l'exception de la seule Île-de-France, a été adoptée. Elle concernerait les nouvelles régions regroupant Nord-Pas-de-Calais et Picardie d'une part, Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes d'autre part et également Auvergne et Rhône-Alpes.

Enfin, tout en confirmant le principe du plancher garantissant à chaque département un nombre minimal d'élus au sein du conseil régional, le Sénat a porté ce nombre à cinq, au lieu de deux, comme cela avait été prévu dans le texte de notre assemblée en première lecture. Sur ce point également, il me semble que le risque constitutionnel que fait courir le texte du Sénat est particulièrement élevé.

En ce qui concerne les prochaines échéances électorales, le Sénat a adopté les dispositions relatives au remplacement des conseillers départementaux votées par l'Assemblée nationale. À la demande du Gouvernement, il a modifié le calendrier électoral afin de supprimer le report des élections départementales de mars à décembre 2015, et il a entériné le déroulement des prochaines élections régionales en décembre 2015. Contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur, il a fixé l'échéance des mandats acquis en 2015 à mars 2021 plutôt qu'au mois de mars 2020, date prévue dans le projet initial.

Le Sénat a également ébauché une solution concernant la situation des candidats et des collectivités territoriales ayant, de bonne foi, engagé des dépenses pouvant être considérées comme relevant de la propagande électorale avant le 28 octobre 2014, date de la déclaration du Premier ministre devant le Sénat confirmant le souhait du Gouvernement d'abandonner le report des élections départementales de mars à décembre 2015.

À la demande de certains élus réunionnais et guadeloupéens, il a inséré des dispositions nouvelles concernant l'évolution des deux collectivités ultramarines et la perspective de mise en place des collectivités uniques. Ces ajouts me semblent contraires à la règle de l'entonnoir qui prévaut à ce stade de la procédure parlementaire.

Enfin, le Sénat a supprimé les dispositions insérées par l'Assemblée, à l'initiative de M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du Développement durable et de l'aménagement du territoire, visant à organiser la place des oppositions au sein des conseils régionaux, et les dispositions relatives au calendrier d'organisation de la carte intercommunale en Île-de-France.

Le texte qui nous est soumis comporte quelques avancées, mais aussi des retours en arrière, voire des dispositions nouvelles qui ne peuvent constitutionnellement prospérer en deuxième lecture. Mes amendements tâcheront d'apporter des réponses concrètes et conformes à notre droit sur chacun de ces sujets. En tenant compte des apports du Sénat, je proposerai de rétablir les grands équilibres que nous avions réussi à trouver en première lecture.

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