Intervention de Catherine Teitgen-Colly

Réunion du 22 octobre 2014 à 16h15
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Catherine Teitgen-Colly, vice-présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, CNCDH :

Certaines notions, comme celle du pays d'origine sûr, du pays tiers sûr ou de la demande manifestement infondée ont été introduites dans les résolutions de Londres des 30 novembre et 1er décembre 1992, à l'époque où l'asile faisait l'objet d'une coopération intergouvernementale. Il était alors traité par les ministères de l'intérieur en même temps que les questions d'immigration. Ces notions restrictives du droit d'asile ont été pérennisées ensuite à l'issue de la communautarisation des politiques d'asile.

La notion de pays d'origine sûr a été très critiquée parce qu'à l'époque, elle était imparfaitement définie. Les directives « procédures » de l'Union européenne l'ont depuis définie, mais cette définition, qui figure en annexe, ne constitue pas une réelle garantie. En effet, il ne suffit pas d'avoir ratifié les instruments internationaux de protection des droits de l'homme pour que ceux-ci soient effectivement protégés, les critères de sûreté sont tels qu'aucun pays ne peut objectivement y satisfaire. Une telle qualification relève dès lors de la fiction.

Cette notion de pays d'origine sûr aurait toutefois pu présenter un minimum de pertinence si l'Union européenne était parvenue à établir une liste européenne des pays d'origine sûrs. Mais l'idée en a été abandonnée. De ce fait, chaque pays établit sa propre liste au regard de son histoire politique et des liens qu'il a avec certains pays. En outre, comme nous l'avions fait remarquer à l'ancien ministre de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale, M. Éric Besson, il est assez troublant de constater que l'on qualifie souvent de pays d'origine sûr le pays qui est classé premier par l'importance de ses demandeurs d'asile arrivant sur le sol français. Cette notion de pays d'origine sûr a donc pu être utilisée pour réguler les flux migratoires. Enfin, la présence ou non de certains pays sur la liste des pays d'origine sûrs peut s'expliquer par des raisons diplomatiques.

Dans notre pays, il y a eu déjà neuf listes successives, qui donnent régulièrement lieu à contentieux devant le Conseil d'État. Ce fut récemment le cas pour le Kosovo, dont l'inscription sur la liste s'est trouvée annulée. Il y a donc une grande volatilité de la notion de sûreté et de pays d'origine sûr. Pourtant, l'inscription du pays d'origine est déterminante pour la suite de la procédure. Aujourd'hui, les personnes venant d'un pays d'origine sûr n'ont pas droit au séjour provisoire mais peuvent seulement se maintenir sur le territoire jusqu'à ce que l'OFPRA ait statué. Demain, elles seront placées en procédure accélérée avec un « droit au maintien » jusqu'à décision de la CNDA.

Je tiens à réagir à ce que vous venez de dire sur la distorsion qui peut exister entre le droit et la pratique. Ainsi, le Mali figurait sur la première liste des pays d'origine sûrs établie en 2005 sans que soit dissocié le cas des femmes de celui des hommes. On considérait alors que la situation politique au Mali était suffisamment stabilisée, que son régime était démocratique, et l'on prenait en compte le fait qu'il avait adopté un ensemble d'instruments en faveur des droits de l'homme. Contesté une première fois sans succès, il a fallu attendre 2010 pour voir cette inscription en partie annulée par le Conseil d'État qui a alors jugé que ce pays ne pouvait être considéré comme un pays d'origine sûr pour les femmes, en raison des pratiques de mutilations sexuelles, qui n'avaient rien de résiduel.

En conclusion, cette notion n'est pas pertinente et constitue seulement un instrument de régulation de la demande d'asile.

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