Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 19 novembre 2014 à 9h45
Commission des affaires économiques

Alain Vidalies, secrétaire d'état chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais à mon tour saluer les parlementaires allemands présents parmi nous, au moment où nous abordons un sujet éminemment européen puisque c'est très souvent le droit européen qui s'applique en la matière.

Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir convié à venir échanger sur la pêche et plus largement sur tous les sujets maritimes. J'ai cru un instant, monsieur le président, que vous envisagiez d'élargir notre propos. J'étais hier devant la commission du développement durable pour parler transports ; et si je suis aujourd'hui devant vous, c'est pour parler la pêche. Mais bien entendu, si les deux commissions veulent tenir des réunions communes, je viendrai volontiers pour y parler des deux sujets.

La politique maritime revêt une importance majeure pour notre pays. La mer est au croisement de tous les enjeux du développement au sein du secteur maritime. La pêche et l'aquaculture sont des activités économiques importantes et structurantes pour notre littoral.

Dans le cadre de ma communication en Conseil des ministres, le 1er octobre, j'ai qualifié la France de grande puissance halieutique. Le poids de la filière pêche et aquaculture dans notre pays en fait un acteur majeur au niveau européen. Les ventes totales par les bateaux de pêche français ont généré en 2012 un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros, pour un volume total d'environ 500 000 tonnes. Le secteur emploie plus de 18 000 marins-pêcheurs embarqués sur des navires français. L'aquaculture constitue également un secteur important, dont la France est un acteur majeur, avec un chiffre d'affaires de 695 millions d'euros en 2011 au total, dont 523 millions pour la conchyliculture et 172 millions pour la pisciculture.

La pêche en France, c'est toute une filière économique pour amener le poisson de la mer à l'assiette : le mareyage, qui regroupe 300 entreprises, pour un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros et 4 500 emplois ; les entreprises de la transformation, pour un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros et 16 000 emplois, et les poissonneries de détail. À cela, il faut ajouter tout le secteur logistique, la réparation navale et l'avitaillement.

Ce secteur doit faire face à une réalité : les Français sont de gros consommateurs de produits de la mer. La consommation moyenne annuelle par habitant est de 35 kilos et les ménages dépensent un peu plus de 7 milliards d'euros pour ces produits.

L'autre caractéristique du secteur des pêches françaises est sa diversité et sa polyvalence. C'est la force de la pêche française, tous les types de pêche jouent un rôle dans notre économie maritime : la petite pêche côtière, la pêche artisanale, la pêche hauturière ou la pêche lointaine. Le secteur de la pêche et de l'aquaculture est l'un des piliers de la politique maritime ; parmi tous les usages de la mer, c'est un secteur clé de la « croissance bleue ».

Ces quelques chiffres montrent que le secteur de la pêche et de l'aquaculture est une économie maritime à part entière. Une réforme de la politique commune de la pêche a été discutée et négociée tout au long de ces deux dernières années, dans toutes ses composantes : règlement de base et organisation commune des marchés.

Nous devons désormais mettre en oeuvre cette réforme. Lors de mes premiers entretiens, notamment avec les représentants du secteur, lors d'un déplacement sur le terrain, au Guilvinec, j'ai pu mesurer les enjeux de cette entreprise. La question de l'interdiction des rejets est au coeur des préoccupations. Nous devons utiliser au mieux, lorsque c'est nécessaire et justifié, les différentes souplesses et flexibilités qui ont été obtenues dans les discussions, à la demande de la France. L'obligation de débarquement de toutes les captures s'appliquera au 1er janvier prochain pour les pêcheries pélagiques. Des plans de rejets ont été adoptés, suite à des discussions constructives entre États membres, avec l'appui des structures professionnelles. Ces plans ont permis de valider, dans le cadre des flexibilités obtenues, un certain nombre d'exemptions qui tiennent compte des spécificités des différentes pêcheries pélagiques. Le chantier est engagé pour toutes les autres espèces, pour lesquelles l'interdiction des rejets s'appliquera à partir de 2016 dans l'Atlantique et de 2017 en Méditerranée. Des travaux sont également en cours au niveau européen, qui doivent aboutir dans les meilleurs délais pour simplifier certaines réglementations.

La question de la valorisation des rejets reste entière. Comment transformer un handicap productif en atout économique ? Il faudra trouver les moyens de valoriser les captures non désirées qui pourraient subsister. J'ai échangé sur cette question, lundi dernier, avec le nouveau commissaire européen, M. Karmenu Vella. Une réponse doit être apportée pour que les coûts de manutention supplémentaires engendrés par l'interdiction des rejets puissent à tout le moins être couverts par une recette qui, pour l'heure, reste à trouver.

Autre enjeu important dans la mise en oeuvre de la réforme de la politique commune de la pêche (PCP) : la nouvelle organisation des marchés et le rôle renforcé des organisations de producteurs. Elles bénéficieront de financements importants pour la mise en oeuvre de plans de production et de commercialisation, dont l'objet est l'amélioration de l'adéquation entre l'offre et la demande.

La grande avancée de la réforme de la PCP est l'augmentation significative de l'enveloppe attribuée à la France, au titre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Au total, 588 millions de crédits européens sont disponibles pour la période 2014-2020, dont 369 millions pour le volet relatif au développement durable de la pêche, de l'aquaculture et des zones côtières, en augmentation de 70 % par rapport à la période précédente, le Fonds européen pour la pêche (FEP) s'élevant à 216 millions pour la période 2007-2013.

La mise en oeuvre du FEAMP est la priorité des prochaines semaines. C'est un exercice important, car il s'agit de définir la stratégie pour la pêche française et l'aquaculture à l'horizon 2020 et la mobilisation des soutiens financiers européens et nationaux pour accompagner cette stratégie. C'est un chantier lourd, en raison d'exigences européennes élevées et d'une nouvelle gouvernance à construire, associant notamment les régions.

Le chantier est bien engagé et mes équipes sont fortement mobilisées. La fixation de la répartition de l'enveloppe financière, consacrée à l'axe développement durable de la pêche, de l'aquaculture et des zones côtières, entre les mesures nationales et régionales était une étape importante ; cette affaire est désormais derrière nous. J'ai décidé, en accord avec les régions, que 180 millions seraient affectés aux mesures régionales et 154 millions aux mesures nationales. La répartition de la partie régionale de l'enveloppe est également finalisée, puisque j'ai fait une proposition pour chacune des régions.

Le travail de construction du programme opérationnel, en étroite concertation avec les professionnels et les régions, doit désormais nous permettre de travailler sur les mesures éligibles et la maquette financière. Mon objectif est la transmission, dans les meilleurs délais, d'une première version du programme opérationnel. Nous réunirons, le 9 décembre prochain, le deuxième comité État-régions, que je copréside avec Pierrick Massiot, président de la région Bretagne, pour valider les grandes orientations et les premiers éléments de ce premier envoi du programme opérationnel.

Autre enjeu important, l'exercice traditionnel des discussions sur les totaux admissibles de captures (TAC) et quotas de pêche pour 2015.

L'état des stocks dans les eaux de l'Union n'a cessé de s'améliorer au cours de ces dernières années. Ainsi, dans les eaux de l'Atlantique, au sens large, le nombre de stocks pêchés durablement est en augmentation constante, autrement dit ceux qui ont atteint le rendement maximal durable (RMD), permettant à la ressource de se renouveler. Selon les chiffres de la Commission européenne, 6 % des stocks étaient pêchés durablement en 2007, contre 28 % en 2010 et 61 % en 2013. Cette réalité, extrêmement positive, est trop souvent oubliée. Certes, des efforts sont encore à faire, notamment en matière de connaissances scientifiques, mais nous sommes sur la bonne voie.

Les propositions de la Commission ont été publiées pour de nombreux stocks. Lors de ce conseil, où des centaines de stocks de poissons seront examinés, je souhaite avoir une méthode de négociation. Lorsque les cibles de rendement maximal durable sont connues, nous devons fixer les quotas de pêche de manière à atteindre le RMD dès 2015 lorsque cela est possible, et au plus tard en 2020. La réforme de la politique commune de la pêche, que nous venons d'adopter, prévoit ce calendrier progressif. Il est raisonnable, nous devons donc nous y tenir. En effet, pour certains stocks, atteindre le RMD dans des délais trop courts aurait des conséquences socio-économiques excessives.

Pour les stocks dont les données scientifiques sont incomplètes, nous préconisons de fixer les quotas au cas par cas, sur la base des tendances figurant dans les avis scientifiques. À cet égard, je ne suis pas favorable à l'application d'une marge de précaution qui consisterait à les réduire automatiquement de 20 %. Cela concerne notamment nos stocks du golfe de Gascogne. Je ne citerai pas l'ensemble des stocks de poissons qui préoccupent les pêcheurs français ; toutes nos façades sont concernées, ainsi que toutes nos pêcheries.

L'actualité européenne est riche, mais d'autres chantiers nous mobilisent au niveau national. Le chantier du renouvellement de la pêche est une priorité. Nous devons travailler à des solutions innovantes pour que les navires soient sélectifs, économes en carburant, plus modernes, plus confortables et plus sûrs pour les marins.

Les moyens pour faciliter ce renouvellement doivent être également définis à travers une ingénierie financière et un modèle économique repensé des entreprises de pêche. Un bateau de pêche neuf représente un coût important, et les aides publiques à la construction de navires ne sont plus autorisées depuis dix ans. Un rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires maritimes me sera prochainement remis. Sur la base de ce rapport, qui sera rendu public, je souhaite que nous puissions avancer concrètement, avec tous les acteurs de la profession, les parlementaires si vous le souhaitez, monsieur le président, et les collectivités, sur des dispositifs tout à la fois innovants et euro-compatibles.

Les questions liées à l'enseignement maritime sont également importantes. S'agissant de l'École nationale supérieure maritime et des douze lycées maritimes, il faut développer une filière plus cohérente, qui donne à la jeunesse plus de chances et plus de perspectives. La création des BTS maritimes répond à cette exigence, qui constitue un axe fort de ma communication en Conseil des ministres.

Enfin, je souhaite donner une impulsion au secteur aquacole.

Pour répondre à la demande des consommateurs, La dépendance de notre pays aux importations de produits de la mer est de 80 % environ. Face à cette situation, l'aquaculture doit devenir un secteur stratégique. La nouvelle Politique commune de la pêche prévoit l'élaboration, pour chaque État membre, d'un plan national stratégique pluriannuel pour l'aquaculture. Ce plan s'articule autour de plusieurs axes forts : planification spatiale, simplification administrative, renforcement de la compétitivité. Il prend en compte les questions, importantes pour le secteur aquacole, de partage de l'espace, d'articulation avec les politiques environnementales et d'image du produit.

Le FEAMP constituera un des outils majeurs pour atteindre ces objectifs et plusieurs mesures sont spécifiquement dédiées au développement d'une aquaculture durable : aides aux investissements productifs, aides dans le domaine de l'environnement et de la santé animale, aides pour l'identification des sites les plus adaptés, aides transversales relatives à la production et à la transformation.

Voilà, dans les grandes lignes, les sujets d'actualité concernant le secteur de la pêche et de l'aquaculture et les grands chantiers passionnants que nous avons devant nous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion