Intervention de Ségolène Neuville

Séance en hémicycle du 27 novembre 2014 à 9h30
Financement de la recherche oncologique pédiatrique — Présentation

Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le sujet qui nous rassemble aujourd’hui est très grave – vous avez eu raison, monsieur Lagarde, de le souligner.

La lutte contre le cancer, notamment lorsqu’il survient chez l’enfant, est et sera toujours une priorité du Gouvernement, quel qu’il soit, car cette lutte dépasse très largement les logiques partisanes. C’est une priorité pour les patients, enfants et adultes, pour leurs familles, les soignants et les chercheurs.

Nous poursuivons tous le même objectif : vaincre ce fléau, ce qui suppose de développer et de produire des médicaments permettant de guérir les enfants. Ce sont bien, en effet, les médicaments qui permettront d’avancer, de les soigner et de les guérir. Nous devons conjuguer nos efforts et considérer avec beaucoup d’attention toutes les initiatives. C’est dans cet esprit, monsieur le député, que la ministre de la santé et moi-même avons étudié avec beaucoup d’attention votre proposition de loi.

Tout d’abord, je souhaiterais préciser quelques données. Selon vous l’effort de recherche sur les cancers pédiatriques ne représenterait que 1,5 % à 3 % des financements de la recherche. Or, la France n’a à rougir ni de ses efforts ni de ses résultats en matière de recherche en oncologie pédiatrique. Bien au contraire, nous sommes en pointe sur ce sujet. D’après les chiffres des deux premiers plans cancer, en effet, entre 2007 et 2011, 38 millions d’euros ont été alloués à la recherche sur les cancers pédiatriques, sur un budget total estimé à 350 millions d’euros. Le calcul est simple : cela représente 10 % du financement de la recherche publique en cancérologie, alors que le taux d’incidence des cancers pédiatriques représente moins de 1 % de l’incidence globale des cancers. Ces chiffres attestent de la priorité donnée aux cancers pédiatriques.

Pour ce qui est des taux d’incidence et de prévalence des cancers pédiatriques en France, je rappelle qu’on dénombre 1 700 nouveaux cas par an chez les enfants de moins de 15 ans et 700 nouveaux cas pour les adolescents et jeunes adultes de 15 à 25 ans. L’ensemble de ces cancers aboutissent malheureusement à 500 décès par an.

Au-delà de ces chiffres, je voudrais également rappeler que les investissements majeurs opérés ces dernières années profitent à la recherche en oncologie pédiatrique comme en oncologie adulte. Un exemple simple, mais important, est celui des investissements en termes d’infrastructure, comme les plateformes de séquençage à haut débit, dont quatre ont déjà été mises en place en 2014 et vingt-huit le seront à terme, et qui permettent de séquencer le génome de ces tumeurs, y compris chez l’enfant. Vous savez l’importance de ce séquençage pour l’individualisation des traitements, que vous préconisez.

De nombreuses actions spécifiques à la lutte contre les cancers pédiatriques sont prévues dans le troisième plan cancer, conformément à la volonté du Président de la République et aux annonces faites en février dernier. Un certain nombre de ces actions ont déjà été mises en oeuvre depuis le mois de février.

Ainsi, en 2014, nous avons labellisé et financé un groupe coopérateur national en cancérologie pédiatrique, qui réunit tout à la fois des chercheurs, des cliniciens et des associations de parents et dont la mission est de rédiger de nouveaux protocoles de recherche et d’essais cliniques.

Par ailleurs, un appel à projets a été lancé, visant à créer des centres d’essais précoces dédiés aux cancers pédiatriques. Ces centres seront labellisés dès le début de l’année 2015 et sont destinés à lancer des essais de phase 1 ou de phase 2, c’est-à-dire des essais extrêmement précoces, avec de nouveaux médicaments immédiatement disponibles pour les jeunes patients dont les premiers traitements seraient en échec.

En 2015, enfin, un programme d’actions intégrées de recherche sera mis en place sur les tumeurs pédiatriques. Ce programme de recherche est financé tant par l’Institut national du cancer que par l’ARC – l’Association pour la recherche sur le cancer – et la Ligue contre le cancer. Chaque année, un nouveau thème est priorisé dans le cadre de ces programmes d’actions intégrées de recherche ; je tiens à souligner que le thème retenu pour 2015 est celui des tumeurs pédiatriques, confirmant ainsi la volonté générale, tant celle du Gouvernement que celle de l’ensemble des institutions qui travaillent sur le sujet, de faire des tumeurs pédiatriques une priorité.

Je veux enfin vous signaler que le programme ACSÉ – Accès sécurisé à des thérapies ciblées innovantes –, initié en 2013 pour permettre l’accès sécurisé aux médicaments innovants, est ouvert aux enfants, dès lors qu’une anomalie moléculaire cible du médicament est détectée. Deux essais cliniques sont déjà ouverts dans ce programme : il s’agit des essais utilisant le crizotinib et le vémurafénib.

Aujourd’hui, la question qui doit animer nos débats n’est pas celle de la création ou non d’une nouvelle taxe sur l’industrie du médicament. Notre ambition qui, je le crois, nous est commune, doit être de donner un nouvel élan à la recherche industrielle pour le développement des médicaments en cancérologie pédiatrique. Il ne faut pas oublier que c’est l’industrie pharmaceutique qui développe et qui produit les médicaments, et non l’Institut national du cancer ; ce dernier fait de la recherche mais ne développe pas et ne produit pas les médicaments.

Votre objectif, monsieur le député, est juste et nous le partageons. Mais les solutions que vous proposez sont possiblement contre productives, et je vais vous donner quelques raisons.

La taxation des laboratoires pharmaceutiques ne les incitera pas à développer plus de médicaments pour traiter les cancers pédiatriques. Vous avez très bien expliqué les raisons pour lesquelles ils ne sont pas forcément incités à fabriquer ces médicaments ; mais en les taxant sur cet aspect, nous risquons d’obtenir un effet pervers qui pourrait conduire au contraire les laboratoires à se sentir dédouanés et à se désengager du sujet.

Des mesures adoptées dans d’autres pays fonctionnent, notamment aux États-Unis avec le Creating Hope Act, qui cherche à l’inverse à inciter l’industrie pharmaceutique à accélérer la recherche sur les médicaments permettant de lutter contre les cancers pédiatriques.

Votre proposition serait de majorer de 0,15 % – même si j’ai compris que vous alliez l’amender et qu’il serait plutôt question de 0,05 % – une contribution assise sur le chiffre d’affaires des exploitants de sociétés pharmaceutiques pour financer l’Institut national du cancer. Or celui-ci est un opérateur aujourd’hui entièrement financé par une subvention pour charge de service public de l’État. La situation financière de l’Institut national du cancer est aujourd’hui préservée, selon la volonté du Président de la République et permet, de l’avis même de ses dirigeants, de soutenir des programmes de recherche.

Il nous faut plutôt travailler aux conditions d’une meilleure attractivité de la recherche industrielle sur les médicaments permettant de lutter contre les cancers pédiatriques. Il faut donc travailler à une redéfinition des critères des essais thérapeutiques sur ces maladies rares, qui ne sont pas forcément adaptés à de petits effectifs – vous avez souligné à juste titre que certains cancers pédiatriques sont en réalité des maladies orphelines, car le nombre de cas est très faible. Il est donc nécessaire de retravailler sur les critères des essais thérapeutiques, d’abord parce qu’il s’agit d’enfants, mais aussi parce que les effectifs peuvent être extrêmement faibles.

Il faut par ailleurs poursuivre les actions de simplification administrative engagées par le Gouvernement qui permettent une accélération des essais cliniques, telle que la convention unique en matière d’essais industriels, autorisant une réduction considérable du délai d’attente avant de démarrer un essai clinique.

Il nous faut également favoriser les conditions d’une coopération internationale dans les études, d’autant plus que le règlement européen sur les essais médicamenteux, adopté au printemps dernier, vise à renforcer l’attractivité de l’Europe en matière de recherche industrielle.

Enfin, il faut poursuivre le développement de l’accès précoce à l’innovation à travers les autorisations temporaires d’utilisation de cohorte ou nominatives, ainsi que la mise en place de mesures incitatives pour les industriels, telles que celles que je citais tout à l’heure.

La deuxième partie de votre proposition de loi porte sur l’individualisation. Pour vous répondre, je veux rappeler qu’actuellement, en première ligne – c’est-à-dire le premier traitement que l’on donne à un enfant atteint de cancer –, 100 % des enfants en France sont traités dans le cadre d’un protocole pour leur permettre de bénéficier des traitements les plus récents. Dans les faits, les traitements évoluent de façon continue depuis les années 1970 et permettent d’enregistrer des progrès importants. Le meilleur exemple est probablement celui du taux de guérison des leucémies aiguës,…

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