Intervention de Denis Baupin

Séance en hémicycle du 4 décembre 2014 à 9h30
Principe d'innovation responsable — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Le principe de précaution est un principe directeur du droit de l’environnement. C’est l’article 5 de la Charte de l’environnement qui l’établit. Je me permets d’en rappeler le texte, car il est important et tout le monde ne semble pas l’avoir en tête : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

Il s’agit donc d’un principe de responsabilisation et non d’inaction : un principe qui conduit à faire avancer la connaissance, la recherche scientifique, pour réduire les risques et éviter des dommages irréversibles à l’environnement.

Deuxième raison de le défendre : contrairement à ce qui a pu être affirmé ici ou là, le principe de précaution n’est pas un frein à l’action. Jean-Yves Le Déaut évoquait le texte approuvé par la majorité de l’OPECST, malgré le vote négatif des élus écologistes, mais il y a des choses intéressantes dans le compte rendu des auditions : « Les constitutionnalistes présents ont toutefois fait remarquer que ce principe de précaution n’avait conduit ni le Conseil constitutionnel, ni le Conseil d’État, ni la Cour de cassation, à prendre des dispositions conduisant à l’inaction. »

Cette remarque conforte la conviction des promoteurs de l’innovation, qui estiment que le principe de précaution est d’abord un principe d’action. C’est l’Office parlementaire qui le dit, dans un texte qui vise pourtant à défendre d’autres principes.

Je pourrais aussi me référer au très instructif rapport rendu fin 2013 par le Conseil économique, social et environnemental sur le thème « Principe de précaution et dynamique d’innovation ».

Selon ce rapport, « la juste application du principe de précaution favorise un effort accru de recherche pour améliorer les connaissances sur les risques potentiels. Il ne s’agit pas d’un principe d’abstention, exigeant la preuve de l’innocuité au préalable. » Et le CESE conclut : « Le principe de précaution peut être considéré comme un élément moteur de l’innovation au service des hommes et des générations futures, lorsque les conditions de sa juste application sont réunies. »

L’OPECST devrait peut-être se souvenir que, selon sa propre plaquette de présentation, il est né de l’idée que l’évaluation des technologies apparaissait indispensable aux milieux scientifiques et politiques. Il s’agissait de mettre en place un mécanisme permettant de maîtriser le cours du progrès technique en anticipant ses conséquences : le principe de précaution s’inscrit pleinement dans cette logique.

Le troisième élément tient à l’absurdité juridique à laquelle conduirait l’adoption de cette proposition. Aujourd’hui, le principe de précaution est défini en droit international ; il est défini en droit européen ; il est défini dans la loi française, dans la loi Barnier qui provient de vos propres rangs.

Tout à coup, on inscrirait dans la constitution française un principe d’innovation responsable qui viendrait remplacer le principe de précaution ! Au moment où tout le monde en appelle à la simplification, bonjour la complexité du droit : on voit celle que vous introduiriez dans la jurisprudence, avec les contentieux opposant différents textes sans qu’on sache quel principe doit s’appliquer.

Enfin, qu’il est stupide…

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