Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Séance en hémicycle du 4 décembre 2014 à 9h30
Principe d'innovation responsable — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

C’est une erreur que de penser que le principe de précaution est responsable de la défiance à l’encontre de la science et qu’il serait un frein à la recherche et à l’innovation. C’est confondre l’oeuf et la poule.

Oui, les mots « principe de précaution » sont souvent utilisés n’importe comment – certains de nos collègues l’ont dit. Ils sont parfois utilisés pour justifier des attitudes de défiance à l’égard de la science, c’est vrai.

Oui, le principe de précaution est souvent invoqué à contretemps. Mais vouloir le supprimer, c’est justement tomber dans le piège de ceux qui utilisent cette expression à tous propos, et très souvent hors de propos. J’avais déjà eu de tels débats, lorsque j’étais rapporteure de la discussion sur la Charte de l’environnement, avec une frange qui traverse d’ailleurs tout l’échiquier politique. Certains voudraient faire du principe de précaution un totem, et d’autres, tels certains signataires du présent texte, un tabou. Cela revient à se placer sur le même terrain, et c’est un mauvais terrain. C’est une mauvaise bataille. Ni totem, ni tabou, le principe de précaution a sa place dans la Charte de l’environnement et doit la garder.

Le principe d’innovation y a aussi sa place, mais il y est déjà bien présent. La modification sémantique qui consisterait à reformuler le principe de précaution en innovation, dans le seul but de faire apparaître ce mot, est inutile, puisque l’article 9 dispose déjà que : « La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement. »

Par ailleurs, l’innovation est présente au coeur même de la précaution. L’article 5, s’il ne mentionne pas lui-même le mot d’innovation, le suppose. Le principe de précaution est un chemin, non pas pour casser l’industrie ou interdire la recherche, mais au contraire pour inventer une nouvelle économie, pour trouver des avantages concurrentiels dans de nouveaux secteurs, ceux de l’environnement, ceux des énergies renouvelables, et tous ceux qui permettent d’inventer une nouvelle croissance et une nouvelle compétitivité. Mes chers collèges vous l’aurez compris, je trouve que cette bataille de mots est vaine. Le principe de précaution est un principe de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Il ne bloque pas le progrès, bien au contraire.

Il a permis à la France de reprendre l’initiative et de constituer de nouvelles références dans le monde, face aux événements d’une dimension inattendue qui menacent aujourd’hui la nature. Nos sociétés ne peuvent, ni ne doivent, se résoudre à renoncer au progrès, et le principe de précaution a déjà donné l’occasion de renouer avec la vocation universelle de la France, qui est d’aller au-devant des défis du siècle. Pour que la France reste un pays d’innovation, de progrès technique, de technologies de pointe, il faut qu’elle soit un pays dans lequel la science est crédible, parce qu’elle sait anticiper.

Enfin, pour mener ce mauvais combat, monsieur le rapporteur, vous choisissez un chemin étrange : garder le texte, tout en en changeant les notions. Ou bien l’application de l’article 5 de la Charte pose un problème et il faut tout supprimer, ou bien, comme je le crois, ce n’est pas le cas. Dès lors, pourquoi en changer les termes, à supposer d’ailleurs que cela change quoi que ce soit ?

Je voterai donc contre cette proposition de loi constitutionnelle, et j’appelle nos collègues à faire de même.

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