Intervention de Isabelle Attard

Séance en hémicycle du 5 décembre 2014 à 9h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Après l'article 25

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, le présent amendement vise à résoudre simultanément trois problèmes majeurs du marché du livre numérique, chacun d’entre eux étant suffisamment sérieux pour en justifier l’adoption.

Le marché du livre numérique en France est prisonnier d’opérateurs étrangers : Amazon avec Kindle, Apple avec iTunes et Google avec Google Play Books. Leurs clients croient acheter des livres numériques mais c’est faux : ils souscrivent en réalité une licence de lecture extrêmement limitée. S’ils changent de système de lecture, ils ne peuvent plus accéder aux livres qu’ils croient avoir achetés.

La solution s’appelle l’interopérabilité : acheter un livre numérique doit y donner accès sur n’importe quel appareil, sans limitation. J’ai entendu beaucoup de discours en faveur d’un tel principe ; il est temps aujourd’hui de passer aux actes. Je vous propose donc de restreindre la TVA réduite aux ventes de vrais livres numériques, c’est-à-dire aux fichiers fournis sans logiciel verrou, sans DRM.

Nous réglerons ainsi, du même coup, trois problèmes. Premièrement, nous favoriserons les petits éditeurs et vendeurs qui optent pour des systèmes ouverts et nous leur donnerons les moyens de lutter à armes égales contre les systèmes fermés des multinationales. Si Hachette a tant souffert de son conflit avec Amazon, c’est qu’il n’est pas en position de se retirer. L’interopérabilité est une condition importante de la limitation des monopoles. À ce titre, l’éditeur français Bragelonne, leader français du livre numérique, qui n’applique aucun logiciel verrou à ses fichiers, n’a pas de problème.

Deuxièmement, nous inciterons au respect des lecteurs : il n’est pas normal que l’on puisse vous priver de l’usage des livres que vous avez achetés si, par exemple, vous souhaitez changer de matériel.

Troisièmement, nous offrirons un compromis acceptable à la procédure engagée par la Commission européenne contre la France. La Commission prétend en effet que les livres numériques sont non pas des livres mais des services, ce qui impliquerait l’application d’un taux de TVA normal, soit 20 %. La Commission a raison mais seulement à propos des licences de lecture limitées. La France soutient quant à elle qu’un livre numérique est toujours un livre et qu’il faut lui appliquer un taux réduit de TVA. La France a raison, mais uniquement s’agissant des fichiers numériques librement réutilisables.

Le Syndicat national de l’édition vient de recommander à ses membres de se préparer à la condamnation de la France et à la suppression en urgence de la TVA réduite sur le livre numérique.

Établissons une distinction au plan fiscal entre les livres numériques selon qu’ils ont ou non un verrou logiciel et nous obtiendrons tous les bénéfices que je vous annonce.

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