Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 5 décembre 2014 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Après l'article 30

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget :

Pardonnez-moi par avance de prendre un peu de temps pour répondre afin que le Parlement soit complètement informé de la position du Gouvernement et qu’il n’y ait pas de malentendu.

Beaucoup d’entre vous ont fait référence à ma position personnelle sur cette question lorsque j’étais rapporteur général de la commission des finances. En accord avec le président de la commission, nous avions saisi l’Autorité de la concurrence de la question des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Cette question avait en effet choqué la commission, notamment à la suite du rapport rendu par la Cour des comptes à ce sujet.

Pour être tout à fait honnête, le rapporteur général que j’étais n’éprouvait aucun enthousiasme pour l’exception qui avait été faite au mécanisme de plafonnement de la déductibilité des frais financiers, pas seulement pour les sociétés concessionnaires d’autoroutes, mais aussi pour toutes les sociétés titulaires de contrats de concession, d’affermage ou de baux emphytéotiques. Car, au-delà des sociétés concessionnaires d’autoroutes, il s’agit là aussi de sociétés concessionnaires de contrats sur l’eau ou l’assainissement qui profitent d’économies d’impôt sur les sociétés parce qu’elles portent des frais financiers pour les collectivités qui leur ont donné mandat.

Les équilibres nécessaires entre la majorité et le Gouvernement avaient conduit à une solution de compromis aux termes de laquelle la déductibilité intégrale était maintenue pour les contrats signés antérieurement, tandis que, pour les futurs contrats, l’abattement de 25 % serait appliqué. Je vous le dis en toute transparence, je n’aurais pas spécialement souhaité que cette disposition soit prise.

Pour autant – et c’est le deuxième point important de mon intervention – les contrats qui ont été négociés par d’autres dans des conditions financières qui sont parfois diversement commentées – c’est un euphémisme – incluent des clauses qui prévoient, pour faire court, qu’en cas de changement de la fiscalité, les compensations seraient apportées aux sociétés concessionnaires.

Bien sûr, comme toutes les clauses juridiques complexes, ceci peut être travaillé, contesté et contourné. Il n’empêche qu’en première analyse, cet amendement dont je comprends parfaitement le sens conduirait probablement de façon assez automatique à ce que les sociétés réclament les compensations prévues, notamment au travers des péages, si la fiscalité change et modifie leur profitabilité telle qu’elle résulte du contrat, même si cela sera contesté et qu’il faudra certainement plusieurs années pour que la question soit départagée devant diverses juridictions. S’il n’y a pas de certitude, le risque existe.

Troisième point de mon intervention : le Gouvernement a clairement indiqué qu’il aurait un dialogue franc et vigoureux avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes, pour employer des termes clairs. Ces discussions sont en cours. La première réunion a eu lieu il y a trois semaines ou un mois autour du Premier ministre lui-même, et j’y étais. La deuxième réunion a eu lieu cette semaine, mais j’ai tellement plaisir à être avec vous que je n’ai pas pu y assister. Ces discussions se poursuivent sous la conduite directe du Premier ministre. Nous sommes donc dans une phase de dialogue rigoureux et exigeant. Le Premier ministre s’est exprimé, et j’ai cru comprendre qu’il serait amené à le faire à nouveau assez rapidement, d’ici la fin de l’année, mais c’est à lui d’en décider en fonction de l’avancement des discussions.

Par ailleurs, votre assemblée, par l’intermédiaire d’un groupe de travail présidé par Jean-Paul Chanteguet a émis un certain nombre de propositions et de suggestions qui incluent celle que propose M. Faure, parmi d’autres pistes de travail. Cette proposition se chiffre à plusieurs centaines de millions, probablement moins puisque j’ai en mémoire que le fameux amendement qui prévoyait l’exonération était chiffré à 300 millions d’euros. Pour les sociétés concessionnaires, c’est à coup sûr un minorant de ce chiffre.

Mais le rapport de ce groupe de travail inclut d’autres dispositions qui vont jusqu’à la dénonciation de certains contrats et l’élaboration d’autres types de gestion et de prestations. Certains appellent cela une nationalisation, c’est probablement excessif. En tout cas, des dispositions sont en cours d’examen permettant d’adopter un autre modèle sur tout ou partie du réseau autoroutier.

Adopter aujourd’hui l’amendement qui nous est présenté priverait le Gouvernement d’un des éléments de la discussion, car cela reste un des éléments de la discussion, même s’il pourrait avoir des conséquences sur le tarif des péages s’il était adopté.

Je demande donc à ce que vous laissiez se poursuivre cette phase de dialogue – mais compte tenu de la réunion à laquelle j’ai assisté, le dialogue s’apparente à un monologue – et que vous fassiez confiance au Gouvernement. Avec l’ensemble des ministères concernés, nous allons intégrer le travail qui a été fait par Jean-Paul Chanteguet – vous imaginez bien que le secrétariat d’État au budget n’est pas le seul – en veillant à garantir les financements de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France ainsi que les investissements, c’est un des points de la discussion.

Des projets ont été élaborés et acceptés par la Commission européenne prévoyant une prise en charge de certains investissements par les sociétés concessionnaires d’autoroutes, avec ou sans contrepartie, c’est également l’un des points de la discussion.

Il me semble donc complètement prématuré d’adopter aujourd’hui cet amendement. J’ai dit au tout début de mon propos combien j’en comprenais la pertinence, mais c’est une des armes dans la discussion exigeante que nous avons avec les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

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