Intervention de Christophe Caresche

Séance en hémicycle du 16 décembre 2014 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dit projet de loi DDADUE, a pour objet de permettre la transposition en droit interne de nombreux textes communautaires intervenus récemment.

Il s’agit essentiellement des directives et règlements sur la résolution bancaire, des directives Solvabilité II , Transparence, Comptable, CSDR – Central securities depositories regulation ou règlement sur les dépositaires centraux de titres –, MIF II – directive sur les marchés d’instruments financiers –, OPCVM – organismes de placement collectif en valeurs mobilières –, ou encore d’une directive sur le crédit immobilier et d’une autre sur le règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

Le projet de loi a été adopté en première lecture par notre assemblée et par le Sénat en des termes différents, respectivement les 18 septembre et 16 octobre derniers. Parce que la procédure accélérée avait été engagée sur ce texte, une commission mixte paritaire s’est réunie le 11 décembre et est parvenue à adopter un texte commun, qui vous est soumis aujourd’hui et que je vous invite à voter.

Je dirai d’abord un mot sur la méthode de transposition retenue, qui consiste pour l’essentiel à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Le texte de la commission mixte paritaire contient ainsi quinze articles d’habilitation à recourir aux ordonnances.

La transposition de textes communautaires en droit interne par voie d’ordonnance est une méthode assez classique compte tenu de leur technicité et des faibles marges de manoeuvre du législateur national. Ces textes ont souvent fait l’objet de longues négociations dans les instances communautaires, et nous ne pouvons guère nous en écarter au stade de la transposition. Ce projet de loi s’inscrit dans cette démarche. La méthode de transposition par ordonnance se justifie aussi par l’urgence de mener à bien la consolidation du système financier européen.

Pour autant, le Parlement reste vigilant face à cette procédure. Notre assemblée a ainsi supprimé en première lecture l’habilitation qui concernait le secteur de l’open data car ce sujet exige incontestablement un débat parlementaire approfondi. Nous avons d’ailleurs appris que le Gouvernement présenterait un texte sur ce sujet l’année prochaine.

De même, sur l’initiative du Sénat, la commission mixte paritaire a réduit certaines habilitations pour en exclure la matière répressive. Le Sénat a en effet considéré que la matière pénale ne devait pas faire l’objet d’une délégation à l’exécutif. Nous avons dû tenir compte de cette position de principe pour permettre la réussite de la commission mixte paritaire. Selon cette même logique, l’habilitation relative à la transposition des textes relatifs aux abus de marché a été supprimée puisqu’il s’agit d’un domaine essentiellement répressif. Un nouveau texte sera donc nécessaire dans les prochains mois pour transposer dans leurs aspects répressifs certains règlements et directives que ce projet de loi prévoyait initialement de transposer.

Par ailleurs, sur l’initiative du Sénat, plusieurs délais d’habilitation ont été réduits.

Sous ces quelques réserves, le recours aux ordonnances est apparu largement justifié.

Sur le fond, ce projet de loi traite essentiellement de trois domaines : l’achèvement de l’union bancaire et financière, la transparence financière des entreprises et la protection des consommateurs.

Le premier point, l’achèvement de l’union bancaire et financière, est primordial pour prévenir les crises financières. Danielle Nouy, qui était auditionnée cet après-midi même par la commission des affaires européennes, a transmis à cette occasion des informations tout à fait intéressantes qui renforcent le présent projet de loi. Je souligne qu’un travail considérable a été accompli au niveau européen pour tirer les enseignements de la crise financière de 2008, ce qui s’est traduit par une activité législative soutenue du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen. Les progrès réalisés au cours des cinq dernières années ont été nombreux et il convient de les saluer.

L’Union bancaire est une étape historique importante. Le mécanisme de résolution unique, c’est-à-dire l’ensemble des règles et des procédures de gestion et de financement des crises bancaires, permettra d’en parachever l’édifice grâce à l’instauration récente d’un mécanisme de surveillance unique. C’est l’objet des articles 1er et 2 bis de ce projet de loi, qui habilitent le Gouvernement à transposer la directive du 15 mai 2014 et le règlement du 15 juillet 2014 concernant le mécanisme de résolution unique et le fonds de résolution bancaire unique.

Des règles harmonisées à l’échelon européen en matière de résolution bancaire sont plus que jamais nécessaires. Un fonds de résolution unique, le FRU, financé par les banques, sera créé. C’est seulement ainsi que nous pourrons rompre le lien entre banques et dettes souveraines, lien qui a été un élément important de l’accélération de la crise de 2008.

Selon certaines informations, et j’insiste sur ce point, car nous avons eu ce débat lors de l’examen du projet de loi de finances, la part des banques françaises dans le financement du FRU correspondrait à 30 % des 55 milliards d’euros, ce qui ferait de la France le premier pays contributeur, et de loin. Cela nous paraît beaucoup vu la solidité dont ont fait preuve les banques françaises. Nous devons rester vigilants sur le montant de la contribution des banques françaises au FRU. Nous voulons une équité de traitement entre les secteurs bancaires des différents pays participant à l’union bancaire. La contribution des banques françaises ne doit pas être excessive. Je sais que cette discussion est suivie de près par le Gouvernement et qu’elle n’est pas encore totalement achevée.

J’approuve l’amendement adopté au Sénat tendant à ce que la transposition du règlement soit conditionnée à la ratification par le Parlement de l’accord du 21 mai 2014 sur les contributions au FRU. Le texte de la commission mixte paritaire reprend cette clause de prudence.

L’Union bancaire suppose aussi une unification des systèmes nationaux de garantie des dépôts. L’article 2 du projet de loi habilite ainsi le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive intervenue dans ce domaine le 16 avril 2014.

Nous devons également saluer le renforcement de la régulation du secteur des assurances grâce à la refonte globale du régime prudentiel permise par la directive Solvabilité II. Celle-ci vise notamment à renforcer les fonds propres et à revoir la méthode de calcul des risques. L’article 3 habilite le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance cette directive.

Par ailleurs, l’article 16 étend à la Caisse des dépôts et consignations les normes prudentielles de gestion applicables aux établissements de crédit et sociétés de financement.

Ce projet de loi adapte aussi, c’est le second point, les obligations de transparence des entreprises.

Il est ainsi prévu, à l’article 8, une obligation de transparence renforcée pour les industries du secteur extractif et forestier. Afin de lutter contre la corruption, ces entreprises devront publier les sommes qu’elles versent aux gouvernements des pays dans lesquels elles ont une activité. Nous avons eu un large débat sur ce point en première lecture. Je suis convaincu que beaucoup de nos collègues se féliciteront que cette obligation de transparence ait été précisée et enrichie par l’Assemblée nationale en première lecture. Elle a d’ailleurs été votée en des termes identiques par le Sénat.

Plusieurs simplifications bienvenues sont également prévues. La transposition de la directive Transparence, prévue à l’article 6, s’inscrit dans le cadre du choc de simplification souhaité par le Président de la République grâce à des mesures concrètes en faveur des entreprises, en particulier des PME. La transposition de la directive prolongera de deux à trois mois le délai de publication des rapports financiers semestriels. D’autre part, elle prévoit la suppression de l’obligation de produire une information financière trimestrielle, qui entraînait des coûts administratifs élevés et incitait le marché à se concentrer sur la performance de court terme des entreprises.

Enfin, troisième point, le texte renforce la protection des consommateurs en prévoyant la transposition aux articles 10 et 11 de directives sur le crédit immobilier et sur la médiation d’entreprise.

En cas de litige persistant avec un professionnel, les consommateurs pourront s’adresser à un médiateur clairement identifié afin de résoudre le différend, évitant ainsi un éventuel recours à la justice. Le Gouvernement s’est engagé à créer un comité de pilotage associant des parlementaires et des associations de consommateurs afin que la médiation se généralise en matière de litiges de consommation. Ce comité de pilotage est à présent constitué ; j’en suis d’ailleurs le président. Il se réunira au début du mois de janvier 2015 et je pense que nous avancerons rapidement pour mener à bien ces travaux.

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