Intervention de Noël Mamère

Séance en hémicycle du 16 décembre 2014 à 15h00
Réforme de l'asile — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile intervient dans un contexte mondial extrêmement fragile. La preuve vient de nous en être donnée durant ces dernières heures avec l’attentat barbare commis à Peshawar au Pakistan où quatre-vingts enfants ont trouvé la mort.

Dans d’autres parties du monde – je pense au Proche-Orient, notamment à la Syrie et à l’Irak –, des conflits extrêmes conduisent au départ de très nombreux réfugiés. C’est la raison pour laquelle il nous semblait important que la réforme du droit d’asile confirme la vocation de la France, eu égard à la ratification de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, dans sa capacité d’accueil de ceux que Frantz Fanon appelait Les damnés de la terre.

Nous avons devant nous une ardente obligation que nous ne partageons pas forcément. Durant nos débats, nous avons constaté une ouverture de la part du ministre de l’intérieur et de nombreux amendements des écologistes ont été acceptés par le Gouvernement et par notre rapporteure Sandrine Mazetier.

Cependant, compte tenu de certains points choquants à nos yeux, nous nous abstiendrons sur le vote de ce projet de loi.

Le projet de loi intervient également au lendemain du discours du Président de la République sur l’immigration. Je déplore qu’au cours de nos débats, la droite dite républicaine ait procédé à des amalgames et voulu transformer le débat sur l’asile en un débat sur l’immigration qui serait présenté comme un fardeau pour la France.

Au regard des chiffres et de la réalité de ce que sont à la fois le droit d’asile et l’immigration dans notre pays, nous sommes très loin des fantasmes cultivés par la droite extrême et l’extrême droite qui, hélas, se rejoignent pour défendre une société de la peur et du repli identitaire se réfugiant derrière les thèses avancées par un extrémiste de droite, Renaud Camus, qui parle du fameux « grand remplacement ».

Le droit d’asile n’est pas une vertu française, malheureusement. Nous consacrons un millième de notre budget national à l’asile. En termes d’accueil des réfugiés, nous sommes derrière bien des pays de l’Union européenne, tels la Suède ou l’Allemagne.

Puisque nous versons des larmes de crocodile sur les réfugiés syriens, les chrétiens d’Orient, les Yézédis, rappelons que nous n’avons accueilli que 3 500 réfugiés syriens depuis le début de ce conflit alors que la Suède, l’Allemagne, le Royaume-Uni font des efforts beaucoup plus importants pour accueillir ces réfugiés, victimes de la barbarie de l’extrémisme religieux et de la guerre.

Finalement, avec ce texte, nous n’avons fait que mettre en oeuvre des directives européennes que nous ne respections pas. Ne nous payons pas de mots ! Qu’on ne fasse pas croire que nous sommes en train de vivre l’une des plus grandes réformes du droit d’asile alors que nous nous contentons d’appliquer des directives européennes.

Certes, nous n’allons pas nous plaindre que la protection des demandeurs des droits d’asile soit plus grande ni qu’en apparence, les procédures soient accélérées. Mais à y regarder de plus près, cette accélération correspond davantage à une volonté du Gouvernement de gérer les flux que d’élargir le droit d’asile.

Un pays comme le nôtre, cinquième puissance mondiale, peut-il se permettre de se contenter d’une gestion des flux, de réduire sa vocation de droit d’asile, de réduire l’accueil des immigrés alors que nous savons que c’est une chance pour la France ?

Dois-je vous rappeler qu’un réfugié afghan, accueilli dans notre pays, demandeur d’asile en 1985, Atiq Rahimi a obtenu le prix Goncourt en 2008 ? Ce réfugié afghan qui a obtenu le droit d’asile est devenu l’un des plus grands écrivains français.

Dois-je rappeler ici que Costa-Gavras, l’un de nos plus grands cinéastes, avait fui le régime des colonels ?

On doit s’interroger aujourd’hui sur cette notion dangereuse et très floue, de pays sûr. Les homosexuels, dans l’Égypte du maréchal Al-Sissi, sont-ils protégés alors que, la semaine dernière, plusieurs d’entre eux ont été mis au ban et arrêtés ? Ces personnes ont le droit d’exiger le droit d’asile lorsqu’ils viennent dans notre pays.

Pour toutes ces raisons, nous approuvons certaines dispositions de cette réforme. Cependant, compte tenu des limites que j’ai tenté d’exprimer au nom du groupe écologiste, nous nous abstiendrons.

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