Intervention de Paul Giacobbi

Séance en hémicycle du 16 décembre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Plus exactement, il aborde ce vote – je dois le dire avec regret, surtout à vous monsieur le secrétaire d’État – entre exaspération et responsabilité.

À deux reprises, deux de nos amendements ont été adoptés par l’Assemblée nationale, assez largement d’ailleurs. Ils n’étaient pas démagogiques, ils ne pesaient même pas d’un centime sur le budget de l’État : ils se bornaient à desserrer le carcan de la ressource fiscale des chambres de commerce et d’industrie, pour permettre essentiellement aux petites chambres rurales de survivre.

Ces amendements, adoptés à deux reprises par cette Assemblée, lors des deux lectures, ont été rejetés à la suite des demandes réitérées de seconde délibération par le Gouvernement, bien qu’il y ait eu entre-temps une sorte de conciliation.

Notre groupe, vous le comprendrez, accepte difficilement cette manière de faire, assez rare, assez peu démocratique : il nous semblait pouvoir échapper, compte tenu de notre loyauté sans faille, à un comportement, je dois le dire, caporaliste, pour ne pas dire volontairement humiliant.

Notre groupe a longtemps débattu de l’attitude à adopter. Plusieurs d’entre nous, qui auraient voté pour, voteront contre, s’abstiendront ou ne participeront pas au vote. La majorité d’entre nous – votre serviteur le premier – sont tout aussi offusqués, mais, tout en comprenant la réaction de nos collègues, font prévaloir un sens de la loyauté et de la responsabilité à l’égard du Gouvernement d’autant plus méritoire qu’il est, à l’évidence, unilatéral.

Sur le fond, je dois rappeler, une fois encore, qu’en vertu d’un étrange paradoxe, nous débattons, selon la procédure parlementaire, du détail budgétaire, tandis que les autorités monétaires, hors de toute légitimité démocratique, prennent des décisions d’une tout autre portée, qualitative et quantitative, pour l’économie européenne.

Car enfin, notre débat budgétaire, même s’il passionne certains d’entre nous et porte sur la loi de finances de l’année à venir, se résume au plus à des arbitrages qui portent au total sur quelques milliards d’euros, peut-être une ou deux dizaines de milliards d’euros – et encore.

L’Union européenne nous parle d’un plan de relance de 350 milliards d’euros, plan optique, principalement sous forme de prêts, avec un impact budgétaire réel sans doute infiniment plus faible que la valeur affichée. La Banque centrale européenne prend des décisions, à la fois qualitatives et quantitatives, qui représentent des centaines, voire des milliers de milliards d’euros de crédits, de facto, automatiquement renouvelables, mis à la disposition du système bancaire pour un coût proche de zéro.

Nous débattons en public, avec la légitimité démocratique qui est la nôtre, tandis que la BCE débat en secret jusqu’à ce jour, même si elle a décidé de publier, à compter du 1er janvier 2015, les minutes du débat de son Conseil des gouverneurs, ce que fait son homologue aux États-Unis, la Fed, depuis des décennies.

Autrefois, battre monnaie était le privilège des princes, tandis que le consentement à l’impôt a fait naître les parlements.

Il est troublant de constater, après deux siècles de vie parlementaire et démocratique, que l’Europe a confié à des banquiers, publics mais indépendants, le privilège de diriger et d’organiser la création monétaire, tandis que les parlements n’interviennent guère plus qu’à la marge dans le cadre de la procédure budgétaire.

Le Gouvernement dispose de bien peu de marge de manoeuvre budgétaire, vous le savez parfaitement, monsieur le secrétaire d’État. Il agit en responsabilité dans un cadre européen qui associe paradoxalement la plus extrême rigueur budgétaire à un laxisme monétaire sans précédent dans l’histoire. Votre Gouvernement ne peut guère échapper à cette contrainte.

Sur le plan politique, vous ne disposez que d’une faible marge de manoeuvre, ici et maintenant. Il vous serait possible d’élargir, ou au moins de maintenir cette marge. Vous semblez vouloir tout faire pour la réduire. J’avoue ne pas comprendre.

Néanmoins, une majorité du groupe RRDP votera pour cette loi de finances,

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