Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du 16 décembre 2014 à 15h00
Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2014, qui a été profondément amélioré par nos collègues sénateurs, et ce, contre l’avis du Gouvernement, cela va de soi. Le Sénat, monsieur le secrétaire d’État, a joué pleinement et parfaitement son rôle d’opposition sur ce texte.

La majorité sénatoriale a souhaité remanier largement ce projet de loi de finances rectificative, ce qui démontre, s’il en était encore besoin, que la politique que vous menez ne va pas dans le bon sens. Témoignent de votre échec la baisse drastique des recettes attendues – il manque 6 milliards d’euros pour le seul impôt sur le revenu des personnes physiques, ce qui est colossal ! –, tout comme l’explosion des dépenses de guichets et de la masse salariale de l’État, bien supérieure à ce qui était inscrit dans la loi de finances initiale. Tout cela démontre votre incapacité à tenir les dépenses, comme vous vous y étiez pourtant engagé en projet de loi de finances initiale. Mais le signe le plus patent de votre échec, c’est la baisse des dépenses d’investissement. Alors que ces dépenses créeront les emplois et la croissance de demain, vous rognez sur elles, comme à chaque fois.

Permettez-moi à présent de revenir, avec un certain enthousiasme, je dois bien le dire, sur les dispositions adoptées par le Sénat. Celui-ci a supprimé l’article 13 bis, qui avait été introduit pars l’Assemblée nationale, et qui met fin à l’exonération d’impôt sur les sociétés dont bénéficient les sociétés d’investissement professionnelles spécialisées. Selon le rapporteur général du Sénat, cet article a fait l’objet d’une concertation insuffisante et pose une série de problèmes non réglés.

Le Sénat est également revenu sur la non-déductibilité de la taxe systémique et de la taxe sur les bureaux en Île-de-France. En revanche, la non-déductibilité pour la contribution au fonds de résolution unique et pour la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurances est conservée. La non-déductibilité de la taxe systémique est un mauvais coup que vous portez au système bancaire français, monsieur le secrétaire d’État, puisque celui-ci sera en quelque sorte soumis à une double peine. En effet, les banques seront encore soumises pendant deux ans à la taxe systémique, qui ne va pas à un fonds dédié, mais au budget de l’État, alors qu’on les empêche de déduire cette somme de leur résultat final, et elles vont par ailleurs devoir financer le fonds de résolution unique.

Troisièmement, le Sénat a décidé d’instaurer une majoration facultative – je dis bien « facultative » – de la valeur locative utilisée dans le calcul de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains constructibles situés en zone tendue. Cet amendement du rapporteur général donne aux communes la faculté de moduler cette augmentation, en transformant la majoration imposée en un maximum. Il autorise par ailleurs les communes à délibérer jusqu’au 28 février 2015 pour instituer cette majoration au titre de l’année 2015.

Quatrièmement, le Sénat a décidé de supprimer l’article 20 nonies, adopté à l’Assemblée nationale, qui instaurait une majoration de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales – la fameuse Tascom – pour les grandes surfaces, supérieures à 2500 mètres carrés. Les sénateurs ont dénoncé une majoration qui alimentera, non pas les caisses des collectivités locales, mais celles de l’État. Alors que Mme la rapporteure générale a rappelé tout à l’heure combien il est nécessaire d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages, c’est sur les consommateurs que va peser cette mesure. Vous portez donc à nouveau atteinte au pouvoir d’achat des Français avec cette augmentation de 50 % de la Tascom.

Les sénateurs ont instauré un mécanisme d’amortissement exceptionnel sur vingt-quatre mois pour l’investissement des PME dans les matériels et outillages de production. Seront éligibles à ce dispositif les investissements réalisés entre le 1er décembre 2014 et le 1er décembre 2016.

Ils ont également mis en place une procédure d’information systématique du Parlement avant le dépôt de chaque candidature française à l’accueil d’une compétition sportive internationale relevant du régime fiscal favorable prévu par l’article 24.

Ils ont supprimé l’article 30 terdecies, qui soumettait, à compter de 2015, les sociétés d’autoroutes au mécanisme de plafonnement de la déductibilité des charges financières.

Enfin, les sénateurs ont décidé de supprimer les conditions d’emploi et de nombre d’associés ou actionnaires pour l’ensemble des holdings, exigées pour bénéficier des réductions d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune au titre des souscriptions au capital de PME.

J’ai l’espoir – peut-être vain, monsieur le secrétaire d’État – que la majorité tiendra compte de ces avancées et ne les remettra pas systématiquement en cause, sous le seul prétexte qu’elles émanent de l’opposition actuelle.

Monsieur le secrétaire d’État, ce projet de loi de finances rectificative comportait, avant son passage au Sénat, trop de nouvelles mesures, trop de taxes néfastes et coûteuses. Malgré les promesses réitérées du Président de la République, du ministre de l’économie et de vous-même, de procéder à une véritable pause fiscale pour l’ensemble des contribuables français, ce texte comporte encore trop de nouvelles mesures fiscales : alourdissement de la fiscalité des banques, alourdissement de la fiscalité des entreprises, hausse de la taxe d’habitation, majoration de la taxe sur les surfaces commerciales, mise en place du passe Navigo à tarif unique, modification du calcul de la fiscalité du tabac. Le Sénat est fort heureusement venu corriger cette overdose.

Selon le ministre des finances et des comptes publics, M. Michel Sapin, le projet de loi de finances rectificative est un exercice qui procède à des ajustements classiques. Considérez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que les mesures que je viens d’énumérer sont à la marge et infimes ? Ce projet de loi de finances rectificative ne mérite pas d’être considéré comme un exercice purement formel. Il est plutôt un moment de vérité, qui entérine, hélas, un nouveau dérapage du déficit de l’État, qui atteindra, comme chacun sait, 88,2 milliards d’euros à la fin de l’année 2014, soit 13 milliards de plus qu’en 2013. Cette dégradation est édifiante !

En maintenant des ratios et des taux de croissance surévalués, vous banalisez une forme d’insincérité des lois de finances. Vous laissez filer les déficits, vous renoncez à vos engagements européens : en réalité, vous banalisez vos échecs.

Naturellement, monsieur le secrétaire d’État, vous assumez pleinement ces échecs, et vous offrez de la France, à la face du monde, l’image d’un pays surendetté et incapable de s’adapter aux enjeux internationaux.

Les faits sont là : votre amateurisme menace même l’équilibre de la zone euro. Vos marchandages et rabotages ne donnent aucun sens ni ne fixent aucun cap à votre politique budgétaire et fiscale. Le Sénat a fort heureusement corrigé vos erreurs et vos échecs ; les modifications qu’il a apportées améliorent sensiblement ce projet de budget rectificatif. J’ose espérer que nous pourrons maintenir certaines de ces modifications opérées par le Sénat.

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