Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 16 décembre 2014 à 15h00
Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Cette situation est lourde de dangers pour notre pays et pour l’Europe.

Bruxelles a placé la France sous surveillance renforcée en mars 2014, et le Haut conseil des finances publiques a déclenché le mécanisme de correction en juin 2013. Loin de prendre des mesures courageuses pour respecter les objectifs fixés en accord avec la Commission européenne, le Gouvernement a fait le choix de les différer, sans concertation préalable avec nos partenaires européens. La nouvelle loi de programmation des finances publiques consacre une trajectoire bien moins ambitieuse, qui renie d’ailleurs tous nos engagements européens. Aussi, craignant un « manquement grave » – au sens des traités européens – de la France à son engagement de réduction du déficit budgétaire, la Commission européenne a demandé que des mesures supplémentaires soient prises dès 2015, sous peine d’opposer un avis défavorable au projet de budget. C’est pourquoi le Gouvernement a dû présenter en urgence 3,6 milliards d’euros d’économies supplémentaires.

Ces dernières ne proviennent pas – nous le déplorons – de réformes structurelles. Elles sont au mieux des économies de constatation, pour ce qui concerne les intérêts de la dette. Elles sont également – nous le dénonçons – le produit de nouvelles taxes, malgré la promesse de « pause fiscale » maintes fois renouvelée par le Président de la République. Il semble que cette promesse ne sera tenue qu’à compter du 1er janvier 2015. Ces économies auront seulement permis au Gouvernement de gagner quelques mois, puisque fin novembre, Bruxelles a décidé d’accorder jusqu’à mars 2015 à la France pour présenter des réformes structurelles « propices à la croissance en vue d’améliorer la viabilité des finances publiques à moyen terme ».

Ces réformes structurelles, que nous appelons de nos voeux depuis deux ans et demi, ne doivent plus être repoussées. Le projet de loi Macron, qui est une sorte de patchwork législatif, ne constitue pas en lui-même une réforme structurelle : ce ne sont que des petits aménagements, pour faire croire à une réforme structurelle ! Au-delà des exigences de Bruxelles, des réformes courageuses et profondes doivent être menées pour préparer l’avenir de notre pays, pour lutter contre l’aggravation de la dette et des déficits, et pour favoriser le retour de la croissance.

La réforme de l’État et des collectivités territoriales, la réforme de la protection sociale et de la santé, la réforme du paritarisme, la transition écologique, la valorisation de la ressource humaine de notre nation sont autant de chantiers qu’il est urgent de lancer et sur lesquels vous piétinez. Il faut le répéter : sans ces réformes structurelles, il sera impossible de réaliser les 50 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques dont dépendent pourtant notre souveraineté budgétaire et la survie de notre modèle social.

Troisième point : le Gouvernement ne parvient pas à réduire effectivement la dépense publique globale, mais seulement à freiner sa croissance. La Cour des comptes a pourtant indiqué que la France se place au plus haut niveau de dépenses de l’OCDE. Pour être plus précis, les dépenses publiques représentent 57,7 % du PIB selon la nouvelle comptabilité nationale, qui considère un certain nombre de crédits d’impôts comme des dépenses – thèse que l’UDI a soutenue sous cette majorité comme sous la précédente. Nous avons la médaille d’argent des dépenses publiques : vous avez de bonnes chances, monsieur le secrétaire d’État, d’obtenir la médaille d’or avant la fin de la législature !

Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes, fait remarquer qu’avec ce niveau de dépenses publiques, nous devrions avoir des services publics d’une très grande qualité. Or, selon lui, la qualité des services publics en France « n’est pas forcément à la hauteur » de ces prélèvements !

Vous aviez annoncé, en 2013, 10 milliards d’euros de baisse de la dépense publique. Or les dépenses publiques sont passées de 56,6 % du PIB en 2012 à 57,1 % en 2013, soit une augmentation d’environ 10 milliards d’euros. Il n’y a donc pas eu d’économies en 2013, seulement un léger freinage de la hausse des dépenses.

Pour l’année 2014, vous avez fièrement annoncé 15 milliards d’euros d’économies sur les dépenses. Mais regardons les chiffres du budget de l’État : la dépense totale était de 371,9 milliards d’euros en 2013, elle sera encore de 370,5 milliards d’euros en 2014. Vous ne faites donc pas 15 milliards d’euros d’économies, mais 1,5 milliard d’euros : c’est dix fois moins que ce que vous avez annoncé !

Par ailleurs, vous surévaluez les économies sur l’ONDAM, vous prenez en compte une fausse économie sur le gel du point d’indice – qui est pourtant gelé depuis quatre ans – et vous vous attribuez les économies dues aux décisions prises par les partenaires sociaux. À cela il faut ajouter les économies de constatation sur les intérêts de la dette, dont j’ai parlé tout à l’heure, et à propos desquelles la plus grande prudence s’imposerait. Enfin, vous utilisez de multiples fusils à un coup. C’est le cas de ce que l’on peut appeler le « hold-up budgétaire permanent » sur les opérateurs – vous prélevez notamment 175 millions d’euros sur les agences de l’eau, sans compter les sommes prises aux chambres consulaires. Nous dénonçons tous ces procédés douteux ! Par définition, vous ne pourrez pas utiliser chaque année tous ces fusils à un coup : vous aurez donc de plus en plus de difficultés à redresser effectivement les finances publiques.

Ce manque de courage conduit à une succession de non-choix, qui ne freineront pas le déclin du pays mais contribueront sans nul doute – hélas – à rendre toujours plus vulnérable notre modèle social. Ce PLFR le démontre : vous ne réussissez pas à tenir la masse salariale, puisque pour la moitié, les ouvertures de crédits de ce PLFR – soit 688 millions d’euros – sont affectées aux dépenses de personnel. Il s’agit principalement de la défense et de l’enseignement scolaire.

En outre, la situation de la défense est particulièrement critique : les OPEX, pour lesquelles 450 millions d’euros seulement avaient été budgétés dans la loi de finances initiale, dépasseront 1,2 milliard d’euros. C’était pourtant prévisible ! Dès à présent, nous demandons donc au Gouvernement d’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2015 des crédits pour les OPEX cohérents avec nos engagements militaires, à savoir au moins 1 milliard d’euros.

Nous sommes par ailleurs très inquiets quant au respect de la loi de programmation militaire, d’autant que nous savons tous ici que les recettes exceptionnelles ne seront pas au rendez-vous. L’an prochain, en effet, l’État français n’encaissera pas un seul euro de la vente des fréquences hertziennes. Vous comptiez sur ces recettes, mais elles ne seront réalisées ni en 2015 ni en 2016.

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