Intervention de Pierre-André Buigues

Réunion du 10 décembre 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School :

Les économistes qui se sont penchés sur la question des aides ont démontré qu'elles n'étaient pas toujours efficaces, voire qu'elles étaient contreproductives. Il faut donc, comme nous l'avons écrit dans l'ouvrage que j'ai publié avec Élie Cohen, recenser attentivement les aides publiques ayant un impact réel sur l'économie, pour permettre aux PME de ne plus se perdre dans l'empilement des dispositifs successifs.

Il y a deux catégories d'aides. Les premières sont des aides à la restructuration. Elles ont une dimension sociale, et il est tentant d'y avoir recours, par temps de crise, pour sauver des secteurs et des entreprises en difficulté. Elles font l'objet, de la part de la Commission européenne, d'une vigilance toute particulière, car elles sont susceptibles de fausser la concurrence. Or des études ont démontré qu'un tiers des entreprises ayant bénéficié de ces aides n'ont néanmoins pu échapper à la faillite : nous devons donc nous demander s'il est bien pertinent d'aider les secteurs en crise.

La seconde catégorie d'aides est tournée vers l'économie du futur, le soutien aux infrastructures et à l'économie numérique. Une comparaison entre les cent premiers groupes européens et les cent premiers groupes américains fait apparaître que les cent premiers groupes européens sont aujourd'hui les mêmes qu'il y a quinze ans ; à l'inverse, il y a parmi les cent premiers groupes américains des entreprises très récentes, et le renouvellement est permanent. C'est le signe d'une économie qui s'adapte au progrès technologique, encourage l'innovation et permet l'émergence de nouveaux champions.

Si notre pays a la tentation permanente d'aider ses grands champions nationaux, c'est que, à la différence de l'Allemagne, où les PDG des entreprises y ont souvent effectué une grande partie de leur carrière, à différents niveaux, les dirigeants des grands groupes industriels français n'y ont occupé que des postes de direction, après un passage par les grandes écoles et les cabinets ministériels. Et, du fait de ce que je qualifierais de « relations incestueuses » entre les pouvoirs publics et les grandes entreprises du CAC 40, où l'on retrouve des personnalités issues des mêmes corps, il n'est pas rare qu'un patron fasse jouer ses relations ministérielles pour obtenir des aides, qu'il se verra aisément accorder.

Les données de la Commission européenne sont par ailleurs éclairantes sur les priorités politiques de chacun : alors qu'en Allemagne les aides à l'environnement et aux économies d'énergie ont représenté en 2012 29 % du total des aides recensées par la Commission, ce pourcentage tombe à 2,6 % pour la France ; la recherche et le développement ont absorbé 25 % des aides allemandes, contre 18 % en France. À l'inverse, la France a consacré 6 % de ses aides à la culture, contre seulement 2 % en Allemagne ; plus significatif encore, nous consacrons 30 % de nos aides au soutien social à des consommateurs individuels, poste quasi inexistant en Allemagne.

Les aides allemandes à l'environnement et aux économies d'énergies ou à la recherche et au développement ne sont pas forcément toutes efficaces, mais, validées par la Commission européenne, elles ont permis le développement de filières industrielles. La France, elle, privilégie le soutien social, mais pour quelle efficacité ?

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