Intervention de Stéphane Travert

Séance en hémicycle du 17 décembre 2014 à 21h30
Modernisation du secteur de la presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert :

...qui disait, dans son discours sur la liberté de la presse : « Après la faculté de penser, celle de communiquer ses pensées à ses semblables est l’attribut le plus frappant qui distingue l’homme de la brute. Elle est tout à la fois le signe de la vocation immortelle de l’homme à l’état social, le lien, l’âme, l’instrument de la société, le moyen unique de la perfectionner, d’atteindre le degré de puissance, de lumière et de bonheur dont il est susceptible. »

La presse traverse une crise économique sans précédent mettant en péril un grand nombre de titres nationaux mais aussi de journaux de la presse quotidienne, qui voient leur lectorat s’éroder et leurs recettes publicitaires s’effondrer.

Ces titres, qui nous rattachent à nos territoires, sont l’émanation du lien démocratique qui lie les citoyens à la vie publique. Le numérique a bouleversé les usages, transformé la fonction de la presse, qui, en plus d’informer, « éditorialise », inspire des angles de réflexion et diffuse des débats dans notre société tout entière.

La proposition de loi défendue par Michel Françaix est attendue par l’ensemble des professionnels de la filière. Elle vise tout d’abord à réformer la distribution de la presse, secteur en crise qui compte deux acteurs majeurs, Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse, les MLP. Elle propose ensuite une amélioration considérable du statut de l’AFP, notre agence mondiale de presse à vocation généraliste. Nous voulons ici rappeler notre attachement à la fois à la qualité de l’information qu’elle fournit et à l’ensemble de ses salariés. Enfin, elle crée le statut d’entreprise solidaire de presse d’information afin de permettre, demain, l’émergence de nouveaux modèles économiques dans le secteur de la presse.

Depuis de nombreuses années, et par manque de décisions claires, le système coopératif de distribution de la presse papier est dans une situation préoccupante. Cette proposition de loi tend à renforcer les principes de coopération et d’équilibre financier pour garantir la survie du système. Nous avons notamment proposé en commission de renforcer l’indépendance de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, l’ARDP, en confiant à l’Autorité de la concurrence la nomination de la personnalité qualifiée prévue par la proposition de loi.

Il est notoire que le système coopératif de distribution de la presse souffre à tous les niveaux d’une crise structurelle qui fragilise les messageries, les dépositaires et les diffuseurs, et de fait, empêche les lecteurs d’accéder à la totalité de la presse sur l’ensemble du territoire.

Cette conjoncture, qui menace gravement les intérêts fondamentaux de la filière, a suscité de profondes réformes. Leur conception et leur mise en oeuvre ont intensément mobilisé les éditeurs et les acteurs de la distribution, avec le concours actif des pouvoirs publics. Les éditeurs ont consenti de gros efforts, en dépit d’un contexte économique très difficile, pour en assurer l’exécution. Une restructuration de la filière doit maintenant être engagée.

La proposition de loi aborde donc un sujet capital pour la pérennité de l’économie de la presse papier : le renforcement de la régulation de la distribution de la presse. Notre volonté est d’accélérer la transition de ce secteur tout en évitant la rupture.

Au coeur de la proposition de loi que nous examinons, il y a la réforme de la gouvernance de l’AFP. Ce texte vise clairement à permettre le sauvetage de l’agence France-Presse, et au-delà à faire d’elle une agence unique au monde. Pour opérer dans les meilleures conditions le virage de l’ère numérique, l’AFP, troisième agence de presse mondiale, se doit de lancer une nouvelle vague d’investissements qui lui permettront de proposer des produits diversifiés, innovants et conformes à l’exigence de qualité grâce à laquelle elle est reconnue mondialement.

Ses instances de direction doivent également traduire cette modernisation.

Du fait de son statut et de son histoire, l’AFP est une entreprise d’intérêt national. C’est un fleuron parmi les grandes entreprises françaises, avec un potentiel de développement international que chacun a souligné, à condition qu’on lui donne la possibilité de prendre les décisions économiques susceptibles d’améliorer son efficacité.

Pour lui donner une plus grande indépendance, le mode de gouvernance de l’agence est modifié par des dispositions qui vont dans le bon sens, comme l’introduction de cinq personnalités qualifiées au sein de son conseil d’administration, le respect de la parité, l’allongement du mandat du président de trois à cinq ans.

L’AFP doit aussi prendre le virage du numérique et proposer des informations en plusieurs langues en trouvant le bon dosage entre le payant et le gratuit.

Cette proposition de loi garantit ainsi trois éléments majeurs : le fait qu’il n’y aura pas de licenciement parmi le personnel, le maintien du statut d’agence généraliste et la valorisation de l’exception culturelle française à l’international.

En effet, l’Agence France-presse n’est pas une agence comme les autres. À la différence des agences américaines ou anglaises, l’AFP est composée de 2 900 collaborateurs répartis dans 165 pays, qui rendent compte en six langues de la marche de la planète, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sous forme de vidéos, textes, photographies, multimédia et infographies. Ce réseau unique au monde permet d’assurer une couverture de fond de l’actualité internationale, bien loin de l’information superficielle et de la culture du buzz produites par la plupart des grandes agences de presse mondiales.

Aujourd’hui, après quatre siècles d’existence, la presse doit se diversifier et réinventer de nouveaux modèles. Avec le souci permanent de son indépendance, de sa pluralité et de son avenir, le législateur doit proposer un nouveau modèle entrepreneurial, une troisième voie qui sera viable dès lors qu’elle sera assortie d’un dispositif fiscal permettant à ces entreprises de trouver des partenaires financiers : ce modèle, c’est celui de l’entreprise solidaire de presse d’information, sur le modèle des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Dans un contexte difficile pour la presse écrite, où de nouvelles sources d’information naissent de nouveaux supports, en dehors des circuits classiques, il est indispensable de soutenir la vitalité de la presse d’information politique et généraliste, garantie par le traitement professionnel de ses équipes de journalistes. Les entreprises solidaires de presse seront plus fortes parce qu’elles réinvestiront leurs bénéfices dans leur activité.

Nous devons envoyer un message fort à toute la filière de la presse d’information en votant cette proposition de loi, voie vers la modernisation. Ce sera, n’en doutez pas, le choix des parlementaires du groupe socialiste et républicain.

1 commentaire :

Le 19/12/2014 à 10:29, laïc a dit :

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« Après la faculté de penser, celle de communiquer ses pensées à ses semblables est l’attribut le plus frappant qui distingue l’homme de la brute. Elle est tout à la fois le signe de la vocation immortelle de l’homme à l’état social, le lien, l’âme, l’instrument de la société, le moyen unique de la perfectionner, d’atteindre le degré de puissance, de lumière et de bonheur dont il est susceptible. »

En 1793-1794, sous la coupe du "regretté" Robespierre, il valait mieux ne pas trop exprimer ce que l'on pensait, la guillotine vous attendait Place de la Révolution.

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