Intervention de Michel Sapin

Réunion du 4 septembre 2012 à 14h30
Commission des affaires sociales

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Sur la question du dialogue social, ne soyez pas plus royaliste que le roi ! Les partenaires sociaux, en accord avec le Gouvernement, ont eux-mêmes souhaité, au cours de la grande conférence sociale, que la mise en oeuvre de cet engagement du Président de la République de création de 150 000 emplois d'avenir financés par des fonds publics ne soit pas précédée d'une négociation sociale. La situation sera évidemment différente pour les contrats de génération et elle le sera davantage encore pour la sécurisation de l'emploi. C'est donc en conformité avec le droit du travail, notamment la loi Larcher du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, et en accord avec les partenaires sociaux que ces derniers n'ont pas été saisis de ce projet.

Je sens chez bon nombre d'entre vous une inquiétude sur la montée en puissance des emplois d'avenir qui s'effectuerait au détriment des contrats aidés. Or, nous avons accru le nombre de contrats aidés de 80 000 car beaucoup d'entre eux avaient été d'une durée beaucoup trop limitée, moins de six mois en moyenne, pour intégrer des personnes – dont certaines étaient jeunes – en situation de grande difficulté. Les emplois d'avenir sont donc un complément à ces contrats. Le projet de budget que j'aurai le plaisir de vous présenter dans quelques semaines maintiendra l'effort pour les contrats aidés tout en permettant la création de 100 000 emplois d'avenir en 2013. Les moyens dévolus au budget de l'emploi seront accrus, d'où l'engagement de dépenses nouvelles, à l'intérieur d'un cadre global qui respectera nos obligations internationales ainsi que celles que nous devons à nous-mêmes en matière de réduction des déficits.

Les emplois d'avenir ne devraient connaître, à écouter certains d'entre vous, aucune limite quant au public concerné et aux employeurs potentiels. Il ne peut en être ainsi puisque leur objectif est de s'attaquer prioritairement au noyau dur du chômage des jeunes. Comme ce dispositif est pensé pour les jeunes en très grande difficulté, seuls les employeurs capables de les encadrer pourront y avoir accès – ce dont conviennent d'ailleurs tout à fait les employeurs du secteur privé. Le contrat de génération pourra, en revanche, être signé dans toutes les entreprises y compris les très petites. Les deux systèmes seront donc complémentaires.

Dresser la comparaison entre les emplois jeunes et d'avenir est légitime – et extrêmement honorable pour les emplois jeunes – mais, au-delà de la différence du public concerné, les modalités de ces deux systèmes divergent. Dans le mécanisme des emplois jeunes, des postes étaient créés pour les jeunes alors que les emplois d'avenir sont attachés à la personne. Ainsi, par exemple, les collectivités territoriales étaient en quelque sorte titulaires du poste occupé par un emploi jeune, alors que ce sont les individus qui disposent d'un droit dans le cadre des emplois d'avenir. Par ailleurs, l'expérience du système des emplois jeunes nous a enseigné que la bonne durée pour permettre à une personne éloignée de l'emploi de s'appuyer sur une expérience qui l'aidera à s'en rapprocher est de trois ans. Vous aurez probablement à coeur, au cours de vos délibérations, de préciser l'articulation entre ce plafond de trois ans et le plancher fixé dans le projet de loi à une année.

Le dispositif des emplois d'avenir est d'ordre législatif. Une loi est nécessaire à leur création. Le cadre de ces emplois doit être défini par la loi, le reste étant du domaine du règlement. Le débat sur la nature de cette répartition est constant ; il est inhérent à l'application de la Constitution de la Ve République qui distingue le domaine de la loi de celui du règlement et qui exige du Gouvernement l'exercice de l'intégralité de son pouvoir réglementaire. Néanmoins, avant même la publication des décrets d'application, vous serez informés du contenu de leurs dispositions, qui sera d'ailleurs en partie influencé par les débats parlementaires.

Enfin, s'agissant des modalités de pilotage, les missions locales joueront un rôle essentiel. Le fonctionnement de Pôle emploi devra également être adapté à la mise en oeuvre des emplois d'avenir. Des conventions cadres vont être signées avec les grandes associations d'élus. La création de ces emplois doit être l'occasion d'une grande mobilisation. Les divergences sur ce texte sont légitimes et sont la marque de la démocratie, mais je suis absolument persuadé que nous serons tous engagés sur le terrain pour la réussite de ce dispositif. Apporter des solutions à la situation actuelle est, vous le savez tous, un impératif absolu. L'échec, sur ce sujet, de l'éducation nationale est lié à la baisse des moyens qui lui ont été accordés au cours des dix dernières années. Ainsi, le nombre de jeunes quittant le système scolaire sans formation n'a cessé de croître et a doublé depuis dix ans ; le chômage des jeunes a parallèlement augmenté de façon continue pour atteindre 500 000 personnes. Il ne s'agit pas d'un hasard mais du produit d'une politique ou d'une absence de politique. C'est un échec pour la société qui sanctionne également les politiques menées en matière d'emploi et de formation. Et c'est à cette réalité que nous tâchons de répondre aujourd'hui.

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