Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 18 décembre 2014 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous souscrivons volontiers à la poursuite de l’assainissement des finances publiques ; affirmer qu’il s’agit là, après de trop longues années de dérapage budgétaire, d’une oeuvre indispensable est une analyse objective.

Malheureusement, les résultats ne sont pas au rendez-vous – pas même sur le plan idéologique. Vous indiquez, monsieur le secrétaire d’État, que la dépense publique est le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Considérant tout le respect que nous devons à nos concitoyens qui n’ont pas de patrimoine et mesurant l’utilité que peut avoir, particulièrement pour eux, la dépense publique, j’aurais quelque difficulté à la qualifier de « patrimoine ». C’est sans doute là une pudeur de ma part, mais je pense que votre phrase en dit sans doute bien plus que vous ne le pensez sur votre vision, profonde, de ce que doit être le budget de la nation.

Les rendez-vous ne sont pas honorés. S’agissant de la réforme fiscale, nous ne partageons pas votre choix de réforme de l’impôt sur le revenu. Vous aggravez les travers de l’architecture de cet impôt et employez mal les moyens que vous consacrez à une réforme qui, pourtant, serait nécessaire. À l’issue de travaux entrepris en début d’année, nous avions dégagé un certain nombre de pistes, partagées par certains députés de la majorité, que vous n’avez pas même commencé de suivre dans votre réforme.

Le rendez-vous n’est pas davantage honoré en matière de dépenses, Bruxelles l’a rappelé à plusieurs reprises. Nous regrettons la manière très cavalière dont la France traite l’analyse de l’Union européenne et de la Commission sur l’évolution des dépenses dans notre pays et leur constat que les réductions de dépenses affichées ne sont pas respectées. Cela n’est pas de bonne pratique. Vous avez été contraints, en deuxième partie de discussion budgétaire, de consentir des efforts supplémentaires ; vous y serez de nouveau contraints dans les mois qui viennent, et vous le savez. Vous vous honoreriez donc à faire preuve de moins de légèreté.

Par ailleurs, nous nourrissons une grande inquiétude quant à la stratégie de la dette. Le niveau actuel des taux d’intérêt constitue un bienfait, une aubaine même. Mais il n’est pas garanti dans la durée et dépend de l’évolution de la politique monétaire dans les mois qui viennent, en Europe et aux États-Unis. La probabilité, au deuxième semestre de l’année 2015, d’une augmentation significative des taux d’intérêt est très forte, laquelle pourrait peser à la fois sur l’exécution du présent budget et sur la préparation du suivant. Vous le savez, mais n’y préparez pas notre pays. Vous vous placez aujourd’hui dans une stratégie de pure aubaine, qui n’est pas à la hauteur de la situation de la France.

La situation est encore aggravée par l’accumulation de décisions publiques, grandes ou plus modestes, qui abîment considérablement la signature de la France.

Je prendrais l’exemple de la décision de justice qui a annulé hier les textes réglementaires pris par le Gouvernement concernant les véhicules de transport avec chauffeur, les VTC, et les taxis. Ce sujet est grave. Au début de l’année 2014, Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, avait appelé l’attention des pouvoirs publics sur la mauvaise qualité de la loi et le mépris que l’exécutif affichait à l’égard de l’ordre juridique – conformité des circulaires aux règlements, des règlements à la loi, de la loi à la Constitution. Or, hélas avec constance, votre Gouvernement privilégie l’effet d’annonce à la solidité de l’action publique, comme nous l’avons vu avec les VTC donc, mais aussi avec Écomouv ou bien encore les sociétés d’autoroutes. Vous êtes d’ardents communicants sur le plan politique mais vous vous souciez moins de la solidité de l’action publique. Est-ce un sujet budgétaire ? Oui, car un certain nombre de décisions que je viens d’évoquer – d’autres encore, on pourrait le redire avec Marc Goua – emportent des conséquences graves pour les prochaines années, sans doute au-delà de cette législature, ce qui ne doit pas dispenser d’en avoir conscience dès aujourd’hui.

Par ailleurs, ces décisions, de la plus importante à la plus modeste, affectent de manière extrêmement grave la qualité de la signature de l’État. Lorsque le Gouvernement n’attache plus beaucoup de considération à la cohérence de l’État de droit, c’est la crédibilité de l’État qui en souffre, comme nous l’avons vu avec le retrait d’un certain nombre de candidats au moment de l’ouverture du capital de l’aéroport de Toulouse et le verrons avec les taux d’intérêt que notre pays sera inéluctablement amené à payer les prochains mois ou les prochaines années.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas le projet de loi de finances pour 2015.

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