Intervention de Jérôme Lambert

Séance en hémicycle du 18 décembre 2014 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, nous achevons en lecture définitive l’examen du projet de loi de finances pour 2015 qui devait, comme lors de la première lecture, faire l’objet d’une discussion générale commune avec le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Comme l’a annoncé le groupe RRDP en première puis en nouvelle lectures, la programmation des finances publiques sur trois années est avant tout un exercice de construction intellectuelle. De ce point de vue, en l’absence de véritable dynamique de croissance et compte tenu des restrictions budgétaires qui permettront d’atteindre l’épure des 3 % de déficit public, nous devons à notre sens nous prémunir contre les risques de déflation.

La situation de l’Europe en est une parfaite illustration. À cause des plans de rigueur excessifs mis en oeuvre sur le vieux continent, sous l’impulsion dogmatique de la Commission européenne sortante, l’OCDE a estimé la semaine dernière que la croissance devrait continuer à s’infléchir en Europe et plus spécifiquement en Allemagne, pays dont le PIB a déjà reculé de 0,2 % au deuxième trimestre, ainsi qu’en Italie – au point qu’un membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne évoque cette semaine un « affaiblissement massif de l’économie de la zone euro ».

Depuis le 30 juin, l’euro a d’ailleurs plongé de pas moins de 10 % face au dollar, et rien ne semble plaider en faveur d’une inversion de tendance, même si le dynamisme des États-Unis est avant tout provoqué par une gigantesque création de monnaie.

En France, la croissance s’est élevée à 0,3 % du PIB en 2012 et en 2013. Elle est estimée à 0,4 % cette année. Comme l’a indiqué le Président de la République le 8 octobre dernier à Milan, lors du sommet européen pour l’emploi, « il faut ajuster le rythme des politiques budgétaires par rapport à l’enjeu de la croissance ». Il faut en effet ajuster le rythme des politiques budgétaires nationales aux enjeux économiques, régionaux et internationaux dans lesquels elles s’inscrivent. C’est en partie ce que propose le Gouvernement dans ces deux textes.

Il ne faut pas non plus feindre collectivement de croire que la croissance sera mécaniquement relancée par les allégements de charges et les crédits d’impôts, qui sont prévus à hauteur de 41 milliards d’euros en trois ans dans le pacte de responsabilité et de solidarité. Nous ne nions pas les éventuels effets positifs de ce pacte, que nous appelons de nos voeux, mais il ne produira que peu de résultats en l’absence de réformes structurelles visant à restaurer l’attractivité de l’investissement en France et, en l’absence d’accords de branche, il perdrait tout intérêt véritable.

Ainsi, nous avons entendu avec satisfaction les déclarations prononcées la semaine dernière par M. le Premier ministre, qui s’est dit « convaincu que le pacte de responsabilité sera une réussite ». Il précisait que six accords de branche ont déjà été conclus et qu’un autre accord représentant 28 000 emplois vient d’être signé dans le secteur de l’assurance, et ajoutait avoir espoir que « d’autres seront possibles très vite dans le bâtiment et la banque ». En outre, M. le Premier ministre a dit espérer que plus de la moitié des salariés seront concernés très prochainement par ces accords permettant de préserver l’emploi, d’embaucher et de former les salariés. Nous l’espérons avec force car le chômage culmine toujours à plus de 10 %.

C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons des nouveaux accords conclus la semaine dernière dans les branches des services, de l’automobile et des transports urbains de voyageurs.

Quant au projet de loi de finances pour 2015 dont nous achevons ici l’examen, il comporte un programme d’économies relativement raisonnable de 21 milliards d’euros tout en allégeant l’impôt sur le revenu des ménages modestes et moyens, ce que nos compatriotes vont constater avec satisfaction.

Il y a cependant un élément négatif. La forte baisse des concours financiers de l’État aux collectivités locales, d’un montant de 3,7 milliards d’euros en 2015, pourrait amener la plupart des collectivités à renoncer à des projets d’investissement, induisant le risque d’un repli massif de l’investissement local qui représente aujourd’hui plus de 70 % de l’investissement public. Un tel repli serait évidemment préjudiciable à l’activité économique, à la croissance et à l’emploi.

Malgré tous les efforts consentis, le déficit public représente encore 4,4 % du PIB en 2014. Certains vous en font grief, monsieur le secrétaire d’État ; pas le groupe RRDP, bien au contraire. Depuis le mois de juillet 2012, les députés de notre groupe sont en effet intervenus à cette tribune lors de l’examen de chaque loi de finances afin de plaider contre un rythme trop rapide de réduction du déficit public et en faveur d’une baisse des prélèvements obligatoires, pour relancer l’activité économique par le dynamisme de la demande.

En première lecture, de nombreux amendements présentés par notre groupe ont été adoptés, concernant la surélévation d’immeubles ou la reconstitution des titres de propriété par exemple. Au sujet des collectivités, nous avons approuvé la majoration du Fonds de compensation de la TVA – le FCTVA – et le soutien particulier apporté à l’investissement local, dont notre groupe souhaite qu’il bénéficie pour partie et en priorité aux « communes nouvelles », afin d’inciter nos plus petites communes à la fusion en renforçant leurs moyens d’investissement par l’augmentation du taux de dotation d’équipement des territoires ruraux. Nous nous réjouissons donc de l’abondement à hauteur de 200 millions d’euros de cette dotation, ainsi que des mesures favorables annoncées par le Premier ministre pour les maires bâtisseurs même si, compte tenu de la baisse des dotations, nous estimons, je le répète, que le compte n’y est pas encore.

Plusieurs mesures proposées par notre groupe ont été conservées par le Sénat : le relèvement du plafond de la taxe sur les transactions financières au bénéfice du Fonds de solidarité pour le développement, la possibilité ménagée aux établissements publics de coopération intercommunale d’établir un dispositif de convergence entre l’ancien et le nouveau barème de la base minimale de cotisation foncière des entreprises, ou encore la prorogation en 2015 de l’abattement de 30 % dont bénéficient les logements sociaux situés en zone urbaine sensible.

D’autres articles ont été supprimés par le Sénat. L’un d’entre eux prévoyait la publication annuelle de la liste des agréments accordés aux organismes ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu pour les particuliers effectuant des dons. Dans une logique de transparence, nous avions proposé à notre Assemblée de le restaurer en nouvelle lecture, cette dépense fiscale représentant tout de même près de 2 milliards d’euros par an. Après avoir émis un avis de sagesse en première lecture, le Gouvernement a néanmoins considéré la semaine dernière que cette publication annuelle des agréments triennaux au Journal Officiel était trop contraignante pour l’administration ; nous le regrettons vivement.

Nous saluons en revanche le vote en nouvelle lecture des amendements présentés par notre groupe concernant les chambres d’agriculture, qui permettent d’ajuster la répartition de l’effort structurel demandé sur les trois prochaines années et de simplifier le dispositif d’utilisation du Fonds national de solidarité et de péréquation.

Toutefois, s’agissant des chambres de commerce et d’industrie, la double seconde délibération exigée par le Gouvernement sur les amendements de notre groupe visant à déplafonner, dans un esprit de consensus et, je le rappelle, sans implication sur le solde budgétaire, le plafond initial de la taxe affectée payée par les entreprises pour permettre essentiellement aux petites chambres rurales de survivre, pose la question de la capacité du Parlement à légiférer sous la pression de l’exécutif et des procédures dont celui-ci dispose pour contraindre notre Assemblée.

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