Intervention de Émilienne Poumirol

Réunion du 16 décembre 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilienne Poumirol, rapporteure :

Je pense moi aussi qu'il sera intéressant que nos collègues se saisissent un jour à nouveau du sujet pour mesurer les évolutions intervenues. Mais venons-en au blessé de guerre et au système mis en place par le service de santé pour le secourir. Ce système joue un rôle fondamental dans le moral du soldat et participe de ce fait pleinement à l'efficacité opérationnelle. Il est important de rappeler également que le déploiement précoce des structures médicales en OPEX est un élément essentiel de la faculté d'entrer en premier qui est une caractéristique française.

Le système repose sur le sauvetage au combat et sur la médicalisation de l'avant, voire de l'extrême-avant pour les forces spéciales, qui est, elle aussi, une exception française. Le sauvetage au combat répond à un déroulement chronométré : dans les dix premières minutes le blessé doit avoir reçu les premiers soins, généralement prodigués par le camarade de combat le plus proche. Pour cela, tous les soldats ont été formés et possèdent une trousse de secours. Il s'agit principalement de stopper les hémorragies qui sont la première cause de décès, dont 90 % sont évitables s'ils sont pris en charge dans les premières minutes. Dans l'heure qui suit, un médecin doit avoir vu le blessé, qui doit bénéficier d'une intervention chirurgicale de sauvetage avant la fin de la deuxième heure. Le service de santé installe sur le terrain plusieurs structures qui peuvent aller, selon l'environnement et les nécessités découlant de l'engagement, du poste médical avancé au plus près des combats à un véritable hôpital, comme à Kaboul. Une fois mis en condition pour être transporté, le blessé est évacué vers une structure de soin, par avion, par hélicoptère ou par voie terrestre selon les circonstances. Il reste sur place s'il peut être soigné et reprendre son service, ou bien il est évacué vers la France pour y être soigné. La blessure peut également se produire sur un navire. La chaîne de soins y est évidemment différente puisque le médecin y est contraint à l'autonomie, qu'il s'agisse d'une structure hospitalière remarquable sur un BPC, comme nous l'avons vu à Toulon, ou de la structure rustique de deux mètres carrés dont dispose le médecin d'un sous-marin nucléaire d'attaque et je peux confirmer, pour l'avoir vu, que l'espace dévolu aux soins est extrêmement restreint.

L'évacuation aérienne est soit individuelle, soit collective. Les moyens aéronautiques sont adaptés à l'urgence et à la gravité de l'état du blessé, exprimés sous forme de classements parfaitement maîtrisés par l'ensemble de la chaîne santé. En cas d'urgence, il s'agit d'un Falcon de la flotte gouvernementale dont la mise à disposition est demandée au ministre. Si l'urgence est moindre, il peut s'agir d'un avion du commandement européen de transport aérien (EATC), dont le siège se trouve à Eindhoven et auquel appartient la France, ou même d'un avion de ligne civil. Les blessés sont toujours accompagnés par du personnel médical et un convoyeur de l'air, une fonction très importante, et nous présentons dans notre rapport le corps des convoyeurs qui joue un rôle très précieux. En cas de situation de crise et d'un grand nombre de blessés, l'armée dispose d'un outil exceptionnel, le module MORPHEE. Ce module de réanimation permet de transformer, comme nous avons pu le voir sur la base aérienne d'Istres où nous nous sommes rendus, un Boeing C135 en un service de réanimation volant pouvant accueillir jusqu'à douze patients. C'est un outil remarquable équipé de tout le matériel nécessaire au soin et au suivi du blessé qui a servi une fois au Kosovo et quatre en Afghanistan. De retour en France, les blessés intègrent ensuite la filière de soins hospitalière qui les mène, toujours dans l'excellence, jusqu'à la réadaptation.

Mais dans l'intervalle, et c'est là que le système devient complexe à appréhender, interviennent d'autres acteurs auprès des familles, puis des blessés : le régiment, l'action sociale et surtout les cellules d'aide aux blessés. Chaque armée possède la sienne, sauf la gendarmerie, dont le dispositif d'aide fonctionne différemment, mais qui envisage d'en créer une, tellement ces cellules rendent de services au soldat. Ces cellules sont très attachées à la spécificité de leur armée et, si nous avons au cours de nos auditions évoqué une possibilité de fusion des cellules, nous avons vite battu en retraite tant cela paraît inenvisageable à chacune des armées. Les cellules fonctionnent toutes selon le même principe : elles procurent au blessé et à sa famille un soutien moral, matériel et administratif qu'elles assurent dans la durée. Pour ce faire elles ne disposent, ce ne fut pas le moindre de nos étonnements, … d'aucun budget ! Leurs actions sont entièrement financées par les associations qui sont très réactives et viennent pallier l'urgence ou les lacunes de la prise en charge institutionnelle. Là aussi chaque armée a sa (ou ses) propre association de soutien. À titre d'exemple, l'action sociale de la Défense finance un séjour de 21 jours auprès du blessé pour deux membres de sa famille. Une fois ce temps écoulé, la cellule pourra, en cas de nécessité, solliciter une association pour le financement de la prolongation du séjour. À ce propos, un grand progrès vient d'être franchi puisque la première pierre de la maison des blessés et des familles a été posée le 1er juillet dernier par le ministre de la Défense dans l'emprise de l'hôpital Percy, une cérémonie à laquelle nous avons assisté. Cette maison proposera cinq appartements pour les familles et six studios pour les blessés en hôpital de jour. Cette maison voit le jour dans le cadre d'un partenariat caractéristique de la politique de soutien menée par l'État en faveur des militaires blessés : il assure le principal, très largement, et laisse le complément à l'initiative privée, dans ce cas précis, la décoration, à rebours du modèle anglo-saxon dans lequel le suivi des blessés est principalement assuré par les charities.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion