Intervention de Olivier Audibert Troin

Réunion du 16 décembre 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Audibert Troin, rapporteur :

Après la prise en charge sur le théâtre d'opérations, l'hospitalisation, vient pour les blessés et leur famille, le droit à réparation. Nous nous sommes donc également intéressés à l'aspect administratif de la prise en charge et d'abord au statut du blessé durant sa convalescence. Le blessé en service bénéficie d'un statut très favorable puisqu'à l'issue du congé maladie initial de six mois, il peut se voir proposer, selon son affection, un congé de longue maladie, ou de longue durée maladie, pouvant aller jusqu'à cinq ou huit ans. Mais ce congé fait sortir le blessé de son régiment, c'est un élément important que je tiens à souligner, pour l'attacher à une unité administrative de gestion, laquelle s'occupe notamment des renouvellements successifs de son congé et de la prise des rendez-vous auprès du praticien hospitalier que le blessé a consulté initialement, souvent loin de chez lui. Comme le système ne donnait pas entière satisfaction et que le respect du secret médical laissait à désirer, le service de santé a décidé de rapatrier en début d'année prochaine le livret médical des personnels en congé longue durée dans les centres médicaux des armées proches du domicile du patient. Celui-ci peut être en effet amené à se déplacer pour des visites de contrôle très loin de son domicile, ce qui entraîne une gêne et a également un impact budgétaire. Une initiative que nous saluons car ce rapprochement géographique aura certainement pour effet de recréer un lien avec un patient qui, n'appartenant plus à son régiment, s'est isolé au fil du temps.

Il est utile de rappeler que le patient militaire, blessé ou non, a la liberté du choix de son praticien, hormis en OPEX. Les soins en secteur civil liés à une blessure sont remboursés par la caisse nationale militaire de sécurité sociale à 100 % du tarif de responsabilité de la sécurité sociale si le médecin militaire a rempli une déclaration d'affection présumée imputable au service. Il s'agit d'un lien de causalité que nous allons retrouver très régulièrement dans le cadre du droit à réparation. Cela implique notamment que tous ceux qui ont la charge de rédiger les documents qui permettront de garder une trace de la blessure et de ses circonstances ne fassent pas passer cette tâche administrative au second plan, alors qu'elle est de la plus haute importance pour l'avenir du blessé.

Ce patient que nous venons d'évoquer a vraisemblablement dû déposer au début de son congé une demande de pension militaire d'invalidité, une procédure dont il va malheureusement tarder à voir le terme. À moins qu'il ne soit un blessé en OPEX, pour lequel a été mise en place une procédure particulière de traitement de son dossier en 180 jours maximum, sur une demande expresse du ministre de la Défense. Dans le cas contraire, il devra attendre longtemps, pour ne pas dire très longtemps. La sous-direction des pensions annonce un délai de traitement de 380 jours fin 2014, malheureusement en augmentation, ce qui nous inquiète beaucoup. Mais à ce délai moyen, dont on peut penser qu'il est parfois bien plus élevé en fonction de la complexité du dossier, s'ajoutent les délais de transmission du dossier par les intermédiaires. Il peut s'agir, là encore, d'une tâche considérée comme secondaire par les groupements de soutien des bases de défense (GSBdD) et cent jours s'écoulent parfois avant la transmission du dossier. Le délai atteint alors facilement 600 jours et plus. Comment cela se fait-il ? Nous avons cherché à comprendre et les raisons sont multiples : une déflation des effectifs du service peut-être trop rapide et trop importante, des réorganisations multiples, dont la fermeture des directions interdépartementales des anciens combattants, un code et une procédure complexes, un réseau d'experts civils sous-payés qui ne cesse de diminuer… L'insatisfaction est grande chez les blessés et les malades, qu'ils soient en attente de leur première pension ou anciens combattants présentant une demande d'aggravation. La situation est paradoxale à mon sens, car l'excellente prise en charge médicale se trouve en quelque sorte battue en brèche par les difficultés administratives. La situation doit donc être redressée mais cela ne sera pas facile. Des mesures simples, telles qu'une pause des réformes et des déflations, une meilleure information de tous les acteurs de la chaîne, une meilleure documentation de la blessure et de ses circonstances pourraient peut-être y contribuer ainsi qu'un audit du service. Mais les résultats seront modestes et loin d'être immédiats pour résorber l'ensemble du retard.

Le blessé peut, depuis 2003, obtenir du ministère une indemnisation complémentaire en vertu de l'arrêt « Brugnot ». Il s'agit de l'indemnisation, après consolidation de la blessure, de préjudices tels que les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et le préjudice moral. Le « Brugnot », c'est ainsi que le nomme le monde de la Défense, nécessite une expertise à l'instar de la pension militaire d'invalidité mais d'un périmètre et à un moment potentiellement différent. Les expertises sont effectuées par le service de santé des armées à la satisfaction de tous, semble-t-il. Nous avons en revanche souvent entendu déplorer le manque d'information à propos de cette indemnisation que beaucoup de blessés ignoreraient encore.

L'ensemble de ces démarches représente souvent pour le blessé et sa famille un parcours du combattant, c'est de rigueur, qui nécessite un accompagnement en règle générale assuré, comme nous l'avons vu, par les cellules d'aide. Mais des initiatives ont été prises pour aller au-delà, non seulement pour s'assurer de la bonne marche du présent mais également pour préparer l'avenir. Des structures transverses ont été créées par le ministère pour fédérer l'action de tous ces acteurs : un poste de commissaire chargé de mission « blessés et familles endeuillées » auprès du secrétaire général pour l'administration et un bureau « offre de soins », comptant deux médecins, au sein du service de santé des armées. Les avancées sont nombreuses, nous les énumérons dans notre rapport, et leur mérite est de mettre en place des outils dans une vision globale qui n'exclut aucun aspect de la prise en charge du blessé. Parmi ces avancées, nous tenons à saluer la prise en charge des prothèses nouvelle génération. Jusqu'à l'année dernière ces prothèses n'étaient prises en charge que partiellement par l'État, les partenaires institutionnels et associatifs assurant la part, très importante, du financement complémentaire. Une convention de gestion a été signée en juillet 2013 avec la caisse nationale militaire de sécurité sociale et une main bionique d'un montant de 56 400 euros et une prothèse piedcheville de 15 000 euros ont déjà été financées dans ce cadre. Il est prévu d'appareiller environ quinze militaires par an qui, pour bénéficier de ces prothèses, doivent avoir été blessés en service et s'inscrire dans un parcours de réinsertion formalisé. Les partenaires de l'État, dégagés de cette charge, se sont tournés vers le financement de prothèses de sport.

En effet, nous avons pu constater la place centrale que tient le sport dans la vie du soldat. Il y consacre beaucoup de temps et la blessure vient interrompre cette activité brutalement, ce que beaucoup vivent très mal. Mais le sport est aussi un élément essentiel de la réadaptation et de la reconstruction, non seulement pour ses vertus physiques mais aussi, et presque surtout, pour ses vertus psychologiques en renforçant la confiance en soi et favorisant la resocialisation. De très nombreux stages sont donc mis en place à destination des blessés par les cellules d'aide, autour d'un sport ou d'un milieu. Des rencontres sportives sont organisées, comme les Rencontres militaires blessure et sports, dont la troisième édition à Bourges, a permis encore cette année à 54 blessés de découvrir de nouveaux sports. Il n'est d'ailleurs pas rare que des blessés se reconvertissent en moniteur de sport. Je veux également citer le stage CREBAT organisé par l'armée de terre pour les blessés psychiques, qui s'appuie sur des activités physiques mais aussi sur des séances collectives d'accompagnement psychologique et des entretiens individuels pour réapprendre le groupe et valoriser ses ressources individuelles. Nous avons rencontré un blessé qui a suivi ce stage et qui en a retiré de grands bienfaits.

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