Intervention de Yves Foulon

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Foulon, rapporteur :

Pour l'ensemble de ces raisons, l'existence d'un dispositif de soutien public aux exportations d'armement est parfaitement légitime.

Nous n'allons pas abuser de votre patience en formulant des constats que vous connaissez déjà sur l'état du marché et de la concurrence, et sur le fait que le commerce des armes n'est pas une activité ordinaire et que, à ce titre, elle est strictement et très légitimement encadrée. Nous n'allons pas non plus vous assommer de considérations purement descriptives sur le dispositif français de soutien. Vous trouverez de longs développements consacrés à ces différents sujets dans le rapport.

Nous nous contenterons de dire que plus que de « soutien » au singulier, il convient de parler « des soutiens » au pluriel, tant le dispositif français est multiforme : soutien politique et diplomatique ; technique et administratif avec la DGA ; financier avec Coface ; fiscal ; opérationnel, grâce aux actions de nos armées ; procédural avec la douane.

Nous allons en revanche vous présenter nos principales observations et recommandations parmi les 23 que nous avons formulées, en commençant par un rapide panorama des points forts et des points faibles de l'industrie française. Certains ne seront pas abordés dès lors qu'ils échappent à la portée de l'action publique et industrielle nationales –nous pensons à la question du cours eurodollar –, ou parce qu'ils étaient beaucoup trop complexes et spécifiques pour être traités dans le cadre de notre mission et relevaient, en réalité, de la compétence d'autres commissions – nous pensons par exemple à la notion de coût du travail.

Au titre des points positifs, on peut relever :

– le choix historique d'autonomie industrielle en matière de défense qui, au fil du temps, a permis aux industries françaises de couvrir une large part du spectre des matériels ;

– une réputation d'acteur majeur et indépendant sur la scène internationale, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ;

– la qualité des prestations proposées, avec une palette large de produits, du matériel fiable, efficace et éprouvé en opérations ;

– l'excellence opérationnelle de nos armées qui rejaillit sur les matériels et permet d'associer un concept d'emploi à la « simple » fourniture d'équipements ;

– le caractère sophistiqué des productions – encore que cet argument soit à double tranchant. Il est un possible facteur d'économies à long terme, avec de moindres obsolescences ou encore une meilleure adaptabilité. Il est également garant de l'efficacité des produits et de la sécurité de ceux qui les opèrent.

Quant aux points négatifs, sont fréquemment cités :

– une possible ultrasophistication des matériels, qui a conduit à « oublier la rusticité » et qui entraîne des matériels coûteux à l'achat, même pour nos armées, et hors de portée budgétaire pour certains États à l'exportation ;

– une prise en considération parfois imparfaite des besoins du client, couplée à une certaine arrogance dès lors que l'on cherche à « forcer la main » du client ou à définir ses besoins à sa place ;

– un défaut de solidarité entre industriels et une capacité limitée à coordonner leurs actions et leurs stratégies, pouvant conduire à une compétition fratricide, au risque de perdre des marchés au profit de la concurrence ;

– une priorité politique souvent donnée aux « gros » contrats symboliques, parfois au détriment de prospects peut-être plus modestes mais plus facile à concrétiser ;

– une taille critique des entreprises qui n'était pas toujours atteinte ;

– une propension aux « effets d'annonce » parfois prématurés, tant au niveau du politique que de l'industriel.

Ce panorama général étant dressé, nous en venons à nos principales observations. Elles peuvent être regroupées en neuf thèmes.

Le premier a trait au développement du soutien politique.

L'un de nos sujets d'attention a été le rôle du Parlement dans le dispositif de soutien.

Si l'information du Parlement a progressé, avec la présentation annuelle du rapport sur les exportations d'armement, l'implication concrète et le rôle des parlementaires dans le dispositif restent manifestement marginaux.

Nous estimons que la « diplomatie parlementaire » pourrait, lorsque cela est envisageable, venir en appui de nos entreprises et de notre gouvernement, dès lors que les parlementaires disposeraient des informations utiles.

Les négociations relatives aux exportations sont certes un art délicat et difficile, et il n'est pas nécessairement avisé de multiplier les acteurs concernés. Toutefois, les relations bilatérales entre parlements nationaux, l'existence de groupes d'amitié, les liens personnels qui peuvent unir tel parlementaire à tel pays pourraient utilement et plus régulièrement être mobilisés à cet effet. C'est pourquoi nous préconisons de recourir davantage à cette forme de diplomatie.

Nous proposons également que le Parlement soit associé au dispositif de contrôle des exportations. Une réelle demande s'exprime à ce sujet, ainsi qu'en témoignent les amendements que nos collègues Écologistes avaient présentés en LPM et qui visaient à la création d'une délégation parlementaire aux exportations de matériels de guerre. Sans aller jusque-là, nous préconisons de nommer des parlementaires au sein de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Celle-ci perdrait alors de fait son caractère « interministériel ».

Ce domaine relevant, par nature, de la compétence du pouvoir exécutif, les représentants du Parlement pourraient se voir reconnaître un rôle de membre observateur susceptible de formuler des observations. Mais, au moins, le Parlement deviendrait partie prenante au dispositif.

En matière d'exportations d'armement, la réactivité politique, la profondeur et le suivi au long cours de relations à haut niveau sont indispensables. C'est pourquoi la création d'un secrétariat d'État en charge des exportations d'armement pourrait être envisagée. Rattaché au ministère de la Défense, l'action de celui-ci serait exclusivement consacrée à cette mission. Il deviendrait ainsi l'interlocuteur unique, permanent et à temps plein vis-à-vis de nos clients étrangers. Il serait en mesure de suivre l'ensemble des prospects y compris les plus modestes, et permettrait le développement de relations privilégiées dans la durée.

Compte tenu des autres priorités du ministre de la Défense, il est en effet parfois malaisé d'assurer une présence politique suivie sur l'ensemble des prospects et des zones, notamment ceux qui ne sont pas jugés immédiatement prioritaires. En outre, la création d'un tel poste revêtirait une importance symbolique forte à l'égard de nos partenaires et potentiels clients, en démontrant toute l'importance que notre pays attache à cette question et à la satisfaction de leurs demandes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion