Intervention de Yves Foulon

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Foulon, rapporteur :

La troisième piste consiste à rénover le SOUTEX. Le SOUTEX regroupe les concours apportés par les armées en soutien des actions commerciales à l'exportation. Dans ce cadre, les armées répondent aux sollicitations des industriels. Ne faisant pas partie du « coeur de métier » des armées, ces actions sont réalisées à titre onéreux. Il s'agit principalement de mise à disposition de matériels et de personnels.

Notre première recommandation a trait aux modalités de « retour » des recettes de SOUTEX aux armées. En effet, une partie leur échappe et se trouve reversée au budget général de l'État. Une telle situation nous semble incompréhensible et nous plaidons par conséquent pour un retour intégral des recettes au profit des armées.

La deuxième recommandation a trait aux modalités de rémunération des armées au titre du service rendu. Si le principe est bien celui d'un paiement par l'industriel bénéficiaire, celui-ci peut demander au ministre de la Défense une gratuité totale ou partielle des prestations. Nous estimons que les armées n'ont pas à supporter le coût d'actions commerciales effectuées au profit de tiers, pour nécessaires qu'elles soient.

Certains pourront objecter qu'un coût de quelques millions d'euros est marginal au regard d'un budget global de Défense de 31,4 milliards d'euros. Nous objectons en retour que, d'une part, la fourniture de prestations à visée commerciale ne relève pas de la vocation naturelle des armées et que, d'autre part, un tel coût est tout aussi marginal pour les industriels, du moins pour les grandes entreprises. A minima, il conviendrait donc de réserver cette facilité aux seules PME.

Enfin, pour éviter que les mises à disposition ne perturbent trop les armées en rendant indisponibles certains matériels et hommes pour un certain temps, nous estimons que la mise à disposition plus systématique de vidéos de démonstration au profit des industriels, et conçues en collaboration avec eux, pourrait être utilement développée.

Notre quatrième grande recommandation est d'investir davantage le marché de l'occasion. Les missions que doit remplir l'armée française et la mise en oeuvre de nos priorités stratégiques supposent que nos forces disposent d'équipements et de matériels de pointe, nécessitant des savoir-faire complexes. Or, toutes les armées potentiellement clientes n'ont pas forcément l'utilité de tels matériels.

Il pourrait donc être intéressant de renforcer la place de la France sur le marché de l'occasion. Cela permettrait d'enregistrer des recettes ; d'amoindrir le coût de stockage des matériels retirés du parc opérationnel ; de réduire les coûts de démantèlement ; et enfin de conquérir ou de renforcer des positions sur certains marchés et pays qui pourraient en outre, s'ils étaient satisfaits de la « marque France », acquérir par la suite des produits plus complexes.

Le marché de l'occasion ne constitue certes pas une solution miracle. Contraintes budgétairement, nos armées « tirent » au maximum leurs matériels et les « cannibalisent » pour disposer de pièces de rechange dans le cadre du MCO.

Toutefois les données semblent encore parcellaires en la matière. Nous manquons de vision et d'anticipation. Nous proposons donc d'élaborer un plan stratégique de la valorisation de la fin de vie des matériels et de l'occasion. Il conviendrait également de procéder à un audit de l'état du parc existant et des stocks, comprenant une évaluation du coût minimal de leur remise à niveau, et une étude de ciblage des potentiels clients export.

Il est également nécessaire de maîtriser davantage les offsets et notamment les transferts de technologie.

Les offsets ou, en bon français, les compensations, regroupent les différentes demandes exprimées par le client vis-à-vis de l'exportateur. Elles sont très variées et peuvent aller de l'exigence d'une part de production locale aux transferts de technologie, en passant par des actions de formation ou la participation à la R&D.

En la matière, et particulièrement en ce qui concerne les transferts de technologie, nous devons être particulièrement vigilants et nous prémunir contre ce qui nous avons dénommé le « syndrome Frankenstein ». Il est nécessaire de limiter de tels transferts à des technologies non critiques. Au-delà de la nécessité de protéger des technologies potentiellement sensibles, il s'agit de conserver un temps d'avance sur nos concurrents. Il convient de maintenir l'avantage compétitif de notre industrie et de ne pas le sacrifier sur l'autel de préoccupations de court terme, au risque de contribuer à créer ou à renforcer des concurrents, en les faisant bénéficier de technologies de premier ordre.

Aussi préconisons-nous d'affiner le travail de recensement et de cartographie des entreprises – TPE, PME et ETI en particulier –, compétences et technologies critiques afin de savoir à quels niveaux se situent les risques potentiels, y compris en matière de rachat d'entreprises par des sociétés étrangères.

Nous estimons également qu'il faut encourager la création de cellules de suivi des offsets au sein des entreprises. Si elles existent au sein des grandes entreprises, tel n'est pas forcément le cas dans les PME. De telles cellules pourraient être individuelles ou communes, par mise en commun des moyens dès lors que cela s'avère possible eu égard aux exigences relatives au secret des affaires et à la propriété intellectuelle. Les services de l'État – notamment la DGA –, de même que les grandes entreprises pourraient utilement apporter leur concours aux PME dans ce sens. Au final, tous ont intérêt à une protection efficace des technologies critiques et à un transfert maîtrisé des autres technologies.

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