Intervention de Nathalie Chabanne

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Chabanne, rapporteure :

Nous allons maintenant évoquer la question du régime américain de Foreign Military Sales (FMS). Le FMS constitue un sujet de débat récurrent, abordé par l'ensemble des acteurs de la communauté de défense et présenté parfois comme la référence ultime, voire la solution miracle en matière de politique d'exportations d'armement.

En réalité, l'analyse du dispositif tend à démontrer que l'argument un peu facile consistant à réclamer la mise en place d'un « FMS à la française » calqué sur le régime américain est parfaitement illusoire.

Quelques rappels. Institué en 1968, le dispositif FMS voit le gouvernement des États-Unis se substituer à l'industriel exportateur et négocier directement avec l'État client pour transférer produits et services de défense. En substance, cette négociation entre les plus hautes autorités des deux États concernés permet à l'industrie américaine de contourner la mise en concurrence pour exporter ses matériels dans les pays alliés.

Son corollaire traditionnel est le dispositif Foreign Military Financing (FMF). Il s'analyse comme un programme d'assistance financière à destination des clients de l'industrie américaine. Par ce biais, le gouvernement américain accorde à certains pays acheteurs des financements ou des prêts théoriquement remboursables. Schématiquement, les États-Unis rendent une partie de leurs clients artificiellement solvables et subventionnent indirectement leur industrie de défense, lui permettant alors de prendre pied ou de consolider ses positions sur les marchés concernés.

Le dispositif bicéphale FMSFMF repose en dernière analyse sur la puissance sans pareille de l'industrie de défense et de l'administration américaines, sur l'effet de masse de sa production à destination de la première armée du monde, et sur la puissance financière et monétaire des États-Unis. Si l'on ajoute à ce dispositif unique la réglementation ITAR (International Traffic in Arms Regulations) et ses effets sur la concurrence, les États-Unis disposent sans aucun doute du mécanisme de soutien aux exportations d'armement le plus efficace – ou le plus agressif – au monde.

Le dispositif FMSFMF repose donc sur deux piliers majeurs : des stocks de matériels conséquents ; des liquidités mobilisables pour accorder des prêts publics ou actionner la garantie de l'État.

Or, nous le savons : la France ne dispose pas de tels leviers d'action. Les industriels français ne « surproduisent » pas, et l'octroi massif de prêts ou la création d'une « garantie FMS » consolidée au niveau de la dette publique et potentiellement mobilisable ne semble pas une perspective réaliste.

En outre, il faut souligner que, dans le cadre du dispositif FMS, c'est l'administration qui « tient les rênes » du système et non l'industrie, qui reste largement exclue de la procédure. Or, il n'est pas certain que les industriels français seraient favorables à la perspective d'abdiquer leurs prérogatives au profit de l'État, et de rester cantonnés à un rôle relativement passif quant à la conclusion de contrats majeurs, en acceptant de n'avoir qu'une relation très indirecte et épisodique avec le client.

Pour l'ensemble de ces raisons, un décalque intégral du dispositif américain est inenvisageable.

Reste le volet politique. Il peut s'incarner soit dans un recours plus régulier aux services de la société ODAS, dès lors que le client est demandeur, soit dans la création de contrat « mixtes » avec des contrats commerciaux entre entreprises « chapeautés » par un accord intergouvernemental. Ils permettraient d'offrir au client un élément de sécurisation supplémentaire, notamment dans l'hypothèse où l'État français s'engagerait à assurer un certain nombre de services.

Autre thème d'analyse : l'adaptation du contrôle. Nous ne reviendrons pas sur les procédures de contrôle à l'exportation par la CIEEMG et sur la réforme de ce contrôle. Elles avaient fait l'objet d'un rapport très complet de notre collègue Yves Fromion, alors rapporteur du projet de loi de 2011 portant transposition du « paquet Défense ». Notre rapport les présente de manière détaillée.

De l'avis pour ainsi dire unanime des industriels, la réforme est positive et devrait notamment permettre de fluidifier les échanges et d'améliorer les délais de traitement.

Toutefois, les procédures de contrôle a posteriori pourraient évoluer afin de les rapprocher davantage de la vie et des contraintes des entreprises. On pourrait par exemple inciter au développement du contrôle interne des sociétés dans le domaine du « contrôle export ». L'administration pourrait auditer et labelliser les processus mis en oeuvre au regard de standards minimum qui attesteraient de la qualité du contrôle interne.

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