Intervention de Nathalie Bajos

Réunion du 10 décembre 2014 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Nathalie Bajos, socio-démographe, directrice de recherche à l'INSERM, responsable de l'équipe « Genre, santé sexuelle et reproductive » :

Je suis totalement d'accord avec vous : ce n'est pas parce que les méthodes de contraception les plus efficaces sont médicales et que le recours à l'IVG relève d'une pratique médicale qu'il faut médicaliser ces questions. Aussi l'éducation à la sexualité au sens large est-elle un enjeu central : elle doit aborder le corps, le désir, le plaisir, le respect de l'autre, tout autant que les risques liés à la sexualité. À cet égard, savoir comment parler de sexualité aux jeunes et quelles personnes sont les mieux placées pour le faire est une question primordiale. L'immense majorité des médecins ne sont pas formés pour en parler, or on peut faire des ravages en parlant mal de sexualité à des jeunes. La question de l'homophobie est également très importante. Ainsi, l'éducation à la sexualité impose une réflexion sur son contenu, sa forme, et les acteurs qui pourraient la promouvoir au sein des institutions scolaires.

Qu'ils soient en milieu rural ou en plein coeur d'une métropole, les jeunes devraient pouvoir bénéficier d'une éducation à la sexualité qui leur fournisse une véritable information et les moyens de pouvoir vivre une sexualité comme ils le souhaitent et sans contraintes. Un problème supplémentaire se pose pour les jeunes en milieu rural pour l'accès à la contraception, en particulier d'urgence, parce qu'ils doivent se rendre à la pharmacie du village où tout le monde connaît tout le monde. En Corse, par exemple, les jeunes font des kilomètres pour trouver une pharmacie éloignée de leur domicile et où personne ne connaît leurs parents…

Toutes les campagnes de communication réalisées par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) sont évaluées. Les campagnes ont vocation à modifier des normes et des représentations, mais à elles seules, elles ne modifieront pas les pratiques, ce qui impose parallèlement des actions ciblées réalisées avec les personnes concernées. En matière de tabac, par exemple, les campagnes conçues uniquement par des agences de communication parisiennes valorisent l'image du non-fumeur, mais les personnes arrêtant de fumer sont issues des milieux sociaux les plus favorisés, d'où un accroissement des inégalités sociales.

Les campagnes ne servent donc à rien si elles ne sont pas assorties d'actions efficaces, mais elles resteront essentielles, ne serait-ce que parce qu'il faudra toujours rappeler aux nouvelles générations l'enjeu fondamental que représente la contraception.

Pour ce qui est de la méthode, faire peur n'est pas la bonne solution car cela provoque des réactions de blocage et empêche les messages de passer. On l'a vu pour le VIH : les campagnes qui suscitent la peur ne modifient pas les comportements.

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