Intervention de Lionel Jospin

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Lionel Jospin :

Les commentaires sur des décisions du Conseil constitutionnel sont une tentation à laquelle j'ai cédé par le passé – un passé assez lointain, j'en conviens : en 1981-1982, comme responsable de certaine formation politique importante. Le texte de la loi de nationalisation avait alors été déféré devant le Conseil, qui avait décidé de procéder à des annulations ou d'imposer, notamment à propos de l'indemnité de rachat, des principes résultant de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. J'ai commenté ces décisions et me suis joint aux critiques adressées au Conseil. L'alternance – qui a voulu que celui-ci soit visé par des critiques venant d'autres parties de l'échiquier politique – mais aussi son évolution même ont beaucoup changé la donne. Assurément, l'on n'empêchera pas des responsables politiques de formuler des commentaires s'ils le souhaitent, car cela relève de leur liberté d'appréciation. En revanche – si du moins je vous ai bien compris, monsieur le député –, l'idée de créer à propos du Conseil constitutionnel une sorte de consensus, voire la méthodologie d'un concert critique symétrique de la gauche et de la droite, si je puis encore utiliser ces termes, m'apparaît comme une construction audacieuse.

Les questions soulevées à propos du droit européen sont complexes et je ne sais si je suis en mesure de répondre à toutes dans le cadre de cette audition. La situation résulte à la fois du fait que nous avons accepté, au sein de l'Union européenne, des formes de souveraineté partagée et d'une réalité constitutionnelle française, liée à la hiérarchie des normes. La Constitution et plus largement le bloc de constitutionnalité occupent légitimement le sommet de cette dernière, les normes européennes et internationales bénéficiant d'une autorité moindre. Paradoxalement, il est en même temps prévu – car c'est la condition sine qua non pour construire une communauté européenne et partager les souverainetés – que le droit européen s'impose à la loi française, comme d'ailleurs toutes les obligations contenues dans les traités que nous signons. Peut-être la relative abondance des révisions constitutionnelles – par laquelle on peut parfois être troublé, je l'ai également été moi-même – est-elle due à cette double nécessité : maintenir la supériorité du bloc de constitutionnalité tout en garantissant la supériorité en droit français des normes internationales que nous avons acceptées, ce qui suppose de les intégrer à la Constitution.

Vous avez résumé, madame, l'identité constitutionnelle de notre pays par deux traits que j'approuve, dont la laïcité. Je n'en dirai pas plus de cette notion sur laquelle je vais certainement avoir à travailler.

Enfin, au-delà de tout jugement sur les décisions qu'ont pu prendre tel ou tel membre du Conseil constitutionnel à tel ou tel moment, je puis vous rassurer : je n'ai absolument pas l'intention de mener une quelconque campagne politique dans les quatre ans et trois mois qui seraient devant moi si d'aventure j'entrais au Conseil constitutionnel.

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