Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 13 janvier 2015 à 15h00
Hommage aux victimes des attentats

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Jean, Stéphane, Bernard, Philippe, Georges, « Oncle Bernard », Mustapha, Elsa, Michel, Frédéric, Ahmed, Franck, Clarissa, Yoav, Philippe, Yohan, François-Michel : ils sont morts parce qu’ils incarnaient la République et ses valeurs.

La France est meurtrie dans sa chair. Nous sommes tous, chrétiens, juifs, musulmans, athées, meurtris dans notre chair. Les trente députés du groupe UDI partagent l’émotion qui traverse le peuple de France. À titre personnel, je veux vous faire partager mon émotion face à l’horreur, que j’ai déjà vécue, jeune interne au Val-de-Grâce, lors de l’attentat de la rue de Rennes en 1985.

La France vient de connaître les heures parmi les plus sombres de son histoire, avec des attentats d’une barbarie inouïe qui visaient à détruire ce qui nous rassemble.

Ces terroristes ont lâchement tué les journalistes de Charlie Hebdo car ils étaient des combattants de la liberté d’expression, qui n’acceptaient pas d’être muselés.

Ces terroristes ont abattu de manière ignoble ces policiers qui se mettaient en travers de leur chemin et qui incarnaient l’autorité de l’État.

Ces terroristes ont assassiné des Français parce qu’ils étaient juifs, espérant ainsi ébranler notre République, qui est une et indivisible.

Ils ont ainsi déclaré la guerre au lien qui nous unit au-delà de nos différences d’origine, de milieu social, de croyances ou d’opinions politiques.

Ils pensaient nous diviser, nous les héritiers de Voltaire et des Lumières ; ils nous ont rassemblés. Ils ont été traqués et châtiés par les forces de l’ordre, qui ont accompli un travail exemplaire. Ils ont réveillé la France éternelle et fraternelle, celle des millions de Françaises et de Français qui se sont levés pour dire « Nous continuerons à vivre libres ! », celle de Lassana Bathily, ce jeune Français de confession musulmane qui, au péril de sa vie, a sauvé ses frères juifs lors de la prise d’otages de la porte de Vincennes.

Cette vague d’émotion a parcouru la France, l’Europe et le monde entier. Un à un, les peuples se sont levés car ils savent qu’à travers la France, ce sont les valeurs universelles qu’elle porte en étendard qui ont été touchées. Dimanche, à Paris, le monde entier s’est rassemblé dans un moment de fraternité universelle. Européens, Africains, Israéliens, Palestiniens : ils étaient tous là.

Dans cette guerre contre l’islam radical et son idéologie meurtrière, notre détermination doit être à la hauteur de la radicalité de notre ennemi.

Lorsque la République est attaquée, la réponse ne peut être que « plus de République », pour que vive le sursaut fraternel du 11 janvier 2015, et « plus d’Europe » pour combattre ensemble le défi terroriste qui menace les peuples. Il n’y aurait pire réflexe que le repli sur soi, l’amalgame, l’engrenage et l’intolérance.

Cette haine qui grandit au sein de notre République est le fruit de l’intégrisme, du rejet de la différence, de l’exclusion, de la misère et, parfois, de certaines désespérances qui peuvent nourrir la tentation du fanatisme. Elle peut grandir dans nos quartiers, dans nos villages, dans nos écoles, dans nos prisons, lorsque la République abandonne et que la laïcité cède devant les communautarismes. C’est pourquoi notre école doit être au coeur du vivre ensemble.

La République doit être implacable face à ses ennemis, qu’ils agissent sur son sol ou qu’ils se trouvent à des milliers de kilomètres.

Vous avez évoqué des failles, monsieur le Premier ministre. Nous devrons nous poser toutes les questions et y apporter toutes les réponses, sans angélisme ni querelles politiciennes dans ce moment d’unité.

Nous devrons faire le choix politique de donner plus de moyens techniques et financiers à notre sécurité intérieure et à nos armées, être impitoyables face à ceux qui répandent la haine sur les réseaux sociaux, poser la question du retour en France de ceux qui sont partis faire le djihad, améliorer l’accès et le partage des informations nécessaires pour neutraliser et démanteler ces réseaux car ces attentats ne sont pas le fait d’actes isolés, lutter contre la radicalisation dans le milieu carcéral et repenser les réponses judiciaires.

Enfin, s’il est indispensable de renforcer les outils pour tarir les financements de ces organisations terroristes, nous sommes également persuadés qu’il est absolument vital de favoriser les grands projets de développement pour permettre au progrès économique, social et écologique d’irriguer les parties du monde dans lesquelles le fondamentalisme peut prospérer sur la misère.

La réponse, monsieur le Premier ministre, doit être française ; elle doit être européenne ; elle doit être mondiale.

Monsieur le Premier ministre, nous tenons à saluer l’attitude du Président de la République, votre attitude, celle du ministre de l’intérieur et de l’ensemble du Gouvernement face à ces attentats.

2 commentaires :

Le 14/01/2015 à 15:23, laïc a dit :

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"C’est pourquoi notre école doit être au coeur du vivre ensemble."

J'ai bien l'impression que les menus séparés dans les cantines vivent leurs derniers instants. Dommage qu'il ait fallu cet ignoble attentat pour en arriver à cette prise de conscience collective.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 23/06/2015 à 20:08, laïc a dit :

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6 mois plus tard, on constate que les menus distincts sur des bases religieuses sont toujours en place dans les cantines laïques, l'école est donc toujours au cœur du "vivre séparé" pourtant dénoncé. En écrivant le précédent commentaire, je me doutais qu'on n'en finirait pas si facilement avec l'apartheid religieux dans les cantines, malgré les horribles attentats qui venaient d'avoir lieu, mais savait-on jamais ? Question laïcité, la république officielle avance à reculons.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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