Intervention de Luc Carvounas

Réunion du 19 décembre 2014 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Luc Carvounas :

Je ne fais pas partie de ceux, nombreux parmi nous, qui emploient le mot « déclinisme ». Quand on se rend à l'étranger, l'image de la France est bien meilleure que celle qu'en ont les Français eux-mêmes. « Crise de la République » ? Très certainement à mes yeux car il y a une perte de repères. On a évoqué l'école : l'ascenseur républicain n'est plus un repère puisque, même quand on sort de l'école avec une formation diplômante, on n'a pas forcément un emploi. Montrer que ce qui fonde notre modèle social – l'égalité pour tous par le travail, l'école et l'apprentissage des savoirs – ne fonctionne pas, nous conduit à nous interroger sur le fait de savoir quel pays, quel développement nous voulons.

À propos de ces repères, quelle définition donner de la laïcité, par exemple ? Pardon, mais quand je participe, en tant que maire, aux fêtes de l'Aïd ou bien de Hanoukka, je ne considère pas être communautariste. Je suis un élu républicain qui, au nom des valeurs de la laïcité, fait en sorte de participer au « mieux vivre ensemble ». Et il y a une forme d'hypocrisie générale aujourd'hui : quand nous nous interrogeons sur la manière d'accompagner la pratique des cultes, la réponse est difficile à apporter – elle est même tellement difficile que, souvent, nous n'y arrivons pas, à moins de biaiser. Et nous devons penser à l'intrusion dans nos territoires de pays étrangers qui entendent apporter, justement, leur réponse à ces problèmes. Nous devons par conséquent faire en sorte que chacun puisse vivre sa religion dans les meilleures conditions possibles, c'est-à-dire pas dans une cave, pas dans la rue. Cette recherche du « mieux-vivre ensemble » doit donc être aussi une référence pour notre nation.

Un récent sondage, paru dans un quotidien, révèle que 66 % des Français consultés souhaitent une VIe République. Dans le même temps, nous serions surpris de leur réponse si on les interrogeait sur la Ve République. Les Français souhaitent très majoritairement une nouvelle République et, très majoritairement aussi, ils ne participent pas aux rendez-vous démocratiques importants que sont les élections. Ici, c'est certain, on note un déclin de la participation démocratique. Nous pouvons peut-être y apporter quelques réponses, réfléchir sur la manière de réenchanter la promesse républicaine.

À cette fin, la classe politique ne doit pas représenter une forme d'élite qui s'autoreproduit, mais doit ressembler à la société. Lorsque le politique prend un engagement, il doit le tenir. Comment voulez-vous que les nouvelles générations ne considèrent pas avec défiance ce que nous représentons, quand nous n'avons pas su leur donner, pas plus qu'à leurs parents, le droit de vote ne serait-ce qu'aux élections municipales ? Comment pouvons-nous reconquérir la confiance de nos concitoyens quand nous ne savons plus inventer des modes de collaboration, de participation citoyenne ? Olivier Faure évoquait la création d'« amendements citoyens » par le biais d'internet – pourquoi pas ? Devons-nous instaurer le vote obligatoire contre le déclin de la participation ? Les plus jeunes, ceux de seize ans notamment, ne pourraient-ils pas participer à la vie de la cité ? Voilà qui pourrait redonner confiance à nos concitoyens, permettre de renouer le dialogue avec eux.

Qu'est-ce qui crée la défiance ? C'est que le monde de 2014 n'est pas celui de 1958 ! Il faut désormais compter avec l'Europe, qui prend des décisions importantes pour notre vie quotidienne. Quand les agriculteurs défilent dans les rues, comme il y a quelques mois, parce qu'ils ne comprennent pas que leur production, à cause de contraintes européennes, ne finisse pas dans les cantines scolaires, ne devons-nous pas réinventer la pédagogie de notre action ? L'Assemblée nationale et le Parlement européen ne sont pas des entités distinctes ! De nos jours, je crois, six ou sept dixièmes des lois sont d'origine européenne. Le fil n'a pas été perdu : il n'a pas été créé – il faut donc bien l'inventer.

Nous devons repenser notre modèle républicain, notre modèle social fondé sur la redistribution. Il vaut mieux régler les problèmes en amont. Plutôt que de redistribuer, ne faudrait-il pas inventer un système de pré-distribution ? Cela nécessiterait des moyens et de nouvelles organisations. Les institutions peuvent servir de pare-feu à une crise latente. Mais les politiques doivent se réformer : il nous faut recréer du lien avec nos populations à l'aide de moyens précis et non plus de formules incantatoires ; il faut créer ce lien indispensable avec le Parlement européen.

1 commentaire :

Le 14/10/2015 à 10:46, laïc a dit :

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" Pardon, mais quand je participe, en tant que maire, aux fêtes de l'Aïd ou bien de Hanoukka, je ne considère pas être communautariste. Je suis un élu républicain qui, au nom des valeurs de la laïcité, fait en sorte de participer au « mieux vivre ensemble »."

Si être un élu de la République c'est de nier la laïcité pour faire plaisir aux communautés... et après on va s'étonner de la montée du FN. Le "mieux vivre ensemble", ce n'est pas faire du communautarisme religieux : la laïcité contribue au modèle d'intégration à la française, et si on fait plaisir aux communautés religieuses en les reconnaissant activement et officiellement, il n'y a plus d'intégration, l'intégration est aussi culturelle, on n'intègre pas les gens en faisant des cours en fonction de la religion des élèves, ou en faisant des repas séparés avec des menus séparés, en vivant dans la peur de l'autre si on lui sert du cochon alors qu'il ne doit pas en manger pour des motifs religieux, et cela aussi bien dans un contexte public que privé, car cela va au delà de la seule laïcité. Une intégration qui reposerait sur l'acceptation active de la différence religieuse serait une intégration de la peur et de l'agressivité religieuse, ce serait le meilleur moyen de disloquer la société et de préparer les pires crises de demain à la République. Pour le bonheur de nos enfants, et aussi le nôtre actuel, il ne faut pas lâcher sur la laïcité, et ne pas céder à la peur qui mine le vivre ensemble.

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