Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 15 janvier 2015 à 15h00
Débat sur la fiscalité des carburants

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget :

Monsieur le président, permettez-moi de saluer votre première présidence dans cet hémicycle. Je ne doute pas, à la suite de nos expériences communes, que vous détenez toutes les qualités et les compétences pour organiser et gérer nos séances.

Mesdames, messieurs les députés, vous avez souhaité débattre de la fiscalité des carburants. Il s’agit en effet d’un sujet auquel le Gouvernement accorde une importance particulière tant il recouvre d’enjeux.

Principalement au travers de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE –, de la TVA et de la taxe générale sur les activités polluantes – TGAP –, la fiscalité des carburants constitue une ressource de premier ordre. Le produit de la seule TICPE s’est ainsi élevé à environ 24,5 milliards d’euros en 2014, dont plus de 23,5 milliards d’euros pour ce qui concerne l’essence et le gazole. Quant à la TVA sur les carburants, elle représente plus de 11 milliards d’euros.

À ce titre, la fiscalité, qui participe aux financements de nos politiques publiques, constitue un élément essentiel de l’équilibre de nos comptes. C’est aussi une ressource pour les collectivités puisqu’environ 45 % du produit de la TICPE revient aux régions et aux départements.

C’est a contrario une charge qui pèse sur les dépenses de transport des ménages et des entreprises. Aussi, la fiscalité sur les carburants recouvre un enjeu social et économique particulier. Sa structuration a également une incidence sur de nombreuses filières économiques, notamment la production de carburant, de biocarburants ou encore le secteur automobile.

À cet égard, elle est aussi l’héritière de choix économiques et industriels anciens, mais difficilement réversibles de façon brutale, comme l’illustre l’écart de taxation entre le gazole et l’essence.

La fiscalité n’est pas le seul déterminant du prix à la pompe : la baisse du prix du baril offre aujourd’hui un contexte favorable. Elle engendre en effet une baisse de prix très largement supérieure à l’augmentation de la fiscalité que votre assemblée a décidée dans les derniers projets de loi de finances. Fin 2013, le prix du litre de super à la pompe avoisinait 1,50 euro ; celui du litre de gazole était supérieur à 1,30 euro, soit au moins 20 centimes de plus que ce que nous observons aujourd’hui. Pour autant, ce phénomène n’est peut-être que conjoncturel, car nous sommes confrontés, sur le long terme, à une demande mondiale croissante et à une ressource qui n’est pas inépuisable.

Enfin, la fiscalité des carburants est aussi un des outils de la transition énergétique, parce que la consommation d’énergies fossiles engendre des nuisances environnementales, notamment – mais pas uniquement – des gaz à effets de serre, et parce qu’un modèle économique trop dépendant de la consommation d’énergies non renouvelables n’est pas durable.

Dans ce domaine, le Gouvernement a engagé une politique novatrice, réaliste et volontaire. Nous avons en effet concrétisé une réforme importante et, je crois, structurante, par la mise en oeuvre de la contribution climat énergie – CCE –, votée par votre assemblée à la fin de 2013.

Alors que le précédent gouvernement avait échoué à mettre en place une taxe carbone, nous sommes parvenus à prendre en compte le coût du carbone dans la consommation des énergies. Cette réforme introduit une évolution des tarifs de TICPE, qui tient compte, pour chaque produit énergétique, de ses émissions en carbone, selon une trajectoire intégrant une valeur de la tonne de carbone. Comme vous le savez, celle-ci a été fixée à 7 euros en 2014, à 14,50 euros en 2015 et à 22 euros en 2016. Le rendement de la CCE est estimé en 2016 à 4 milliards d’euros, dont la moitié sur les seuls carburants et à plus de 1,5 milliard d’euros sur le gazole.

Toujours par le biais de la TICPE, nous avons également choisi de faire participer le gazole au financement des infrastructures de transport, principalement collectif, ce qui, là encore, recouvre une logique environnementale. C’est tout le sens du relèvement supplémentaire de 2 centimes par litre voté en fin d’année dernière sur le diesel, quand, parallèlement, nous avons diminué de 4 centimes le tarif réduit accordé aux transporteurs routiers. Ces mesures nouvelles représentent plus de 1,1 milliard d’euros en année pleine.

Globalement, la contribution climat énergie et les relèvements votés fin 2014 contribueront à réduire l’écart de taxation entre le gazole et l’essence. Il s’agit là d’une inversion de tendance tout à fait historique.

Le deuxième axe de cette politique consiste à encourager l’utilisation de carburants non fossiles, comme les biocarburants. L’incorporation de biocarburants est fortement encouragée par la fiscalité, afin de satisfaire les objectifs que s’est fixés la France en matière d’énergies renouvelables.

Dans ce domaine, l’outil privilégié n’est pas la TICPE, notamment parce que ces carburants produisent aussi du dioxyde de carbone, mais un mécanisme incitatif institué, via la TGAP, pour incorporer plus de biocarburants. La TGAP pénalise en effet les opérateurs consommant des carburants dont la teneur en biocarburant est inférieure au seuil que l’on souhaite atteindre. A contrario, les opérateurs consommant des carburants à la part en biocarburant supérieure au seuil ne paient pas de TGAP.

Ce mécanisme, qui remonte à environ dix ans, dispose d’un seuil fixé à 7 % depuis 2010. En 2014, nous l’avons relevé à 7,7 % pour le biodiesel, en favorisant par ailleurs le double comptage pour les biocarburants de seconde génération, ce qui leur donne un avantage économique substantiel.

Cet outil, dont le rendement est certes modeste – 150 millions d’euros par an –, fonctionne. Le bilan d’incorporation en biocarburant a ainsi atteint 6,8 % en 2013, dont 7 % pour le gazole.

J’ai bien entendu le souhait de cette assemblée, exprimé lors du dernier projet de lois de finances, d’aller plus loin sur l’intégration des biocarburants et de revoir la fiscalité à cet effet. Le Gouvernement est ouvert à une telle réflexion, dès lors qu’il s’agit d’adapter nos outils fiscaux pour mieux atteindre les objectifs que nous nous fixons dans ce domaine. Le prochain projet de loi de finances pourrait être le lieu et le moment pour ce débat.

Toutefois, je pense qu’une approche et une réflexion globales sur ce sujet sont nécessaires. En premier lieu, en effet, le seuil d’incorporation des biocarburants, par ailleurs encadré au niveau européen, n’est pas extensible à l’infini, pour des raisons techniques tenant à la résistance des moteurs. Dans ce contexte, il faut bien considérer l’incidence de la fiscalité sur les différentes filières de biocarburants, qui peuvent entrer en concurrence, et, par conséquent, veiller à ce que ces choix fiscaux soient cohérents avec les filières que l’on souhaite voir se développer durablement en France.

En second lieu, la fiscalité des carburants ne constitue pas l’unique levier : le Gouvernement agit également pour favoriser l’acquisition de véhicules plus propres. Le dispositif de bonus-malus automobile a ainsi été réformé dans sa composante malus en 2014, afin d’accentuer le verdissement du parc automobile français. Pour 2015, le Gouvernement a souhaité que la composante bonus soit ciblée sur les véhicules électriques et hybrides, avec un montant qui demeurera très attractif, puisqu’il pourra atteindre 6 300 euros par véhicule électrique.

La loi de finances pour 2015 prévoit aussi la mise en place, au sein du dispositif de bonus-malus automobile, d’une prime à la conversion, qui portera à 10 000 euros le bonus à l’achat d’un véhicule propre lorsque celui-ci s’accompagnera de la mise au rebut d’un véhicule diesel polluant. Ce dispositif sera financé sans augmentation du malus.

La même loi de finances a permis, par la transformation du crédit d’impôt développement durable en crédit d’impôt pour la transition énergétique, de prendre en compte les dépenses réalisées pour l’acquisition de bornes de recharge de véhicules électriques.

Le débat sur ce sujet n’est évidemment pas clos. Pour autant, sur une question qui a autant d’incidences sociales et économiques, il nous faut veiller à préserver l’équilibre entre notre volonté commune d’accompagner la transition énergétique, au service de laquelle la fiscalité des carburants a toute sa place, et l’acceptabilité économique et sociale de cette politique, afin de l’inscrire dans la durée.

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