Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 15 janvier 2015 à 15h00
Débat sur la fiscalité des carburants

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, à la demande du groupe écologiste, dont nous saluons l’initiative, nous débattons ce jour de la fiscalité des carburants.

Le sujet n’est pas anodin. Les véhicules diesel sont surreprésentés dans le parc automobile européen. En France, le diesel représente aujourd’hui plus de 70 % des immatriculations, contre seulement 10 % en 1980. Or, c’est bien la fiscalité spécifique qui lui a été appliquée en France qui renforce l’idée, d’ailleurs fausse, que ces véhicules seraient plus performants aux plans énergétique et environnemental car ils consomment moins et moins cher. Si cette fiscalité avantageuse sur le gazole trouve son origine historique dans la politique mise en place en France en réaction au premier choc pétrolier, elle est désormais obsolète.

Le Gouvernement a donc décidé d’y travailler dès le début du quinquennat pour des raisons de santé publique, à la suite des propositions formulées en 2013 par le Comité pour la fiscalité écologique – le CFE – en vue de l’élaboration de la loi de finances pour 2014. Le CFE, qui était présidé par l’économiste Christian de Perthuis, dont nous soulignons l’engagement, a d’abord recommandé un rééquilibrage de la taxation de l’essence et du diesel, ainsi que l’introduction d’une composante carbone – la nouvelle contribution climat énergie ou « taxe carbone » – sur la période 2015-2020.

Évoquons d’abord le rééquilibrage de la taxation de l’essence et du diesel. Lors de l’adoption de la loi de finances pour 2015, la représentation nationale a voté le relèvement de la taxe intérieure de consommation applicable au gazole. Le tarif de la TICPE sur le gazole a ainsi été augmenté de deux centimes depuis le 1er janvier. La part du produit de cette taxe qui sera affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – l’AFITF – est fixée à 1,139 million d’euros pour l’année 2015. Ce relèvement de la part affectée à l’AFITF, initialement fixé à 807 millions d’euros par le Gouvernement, a été adopté à l’initiative des députés écologistes en première lecture, ce dont nous nous félicitons.

Ainsi, les taux de TICPE appliqués aux carburants qui ont été validés pour 2015 et 2016 traduisent clairement l’application d’une nouvelle politique énergétique : le gazole perd peu à peu son avantage fiscal et son prix tend à se rapprocher de celui des essences, tandis que le super-éthanol E 85 va bénéficier d’un net avantage fiscal à partir de 2016.

Toutefois, si les taux de TICPE pour les années 2015 et 2016 correspondent peu ou prou aux recommandations du CFE, il faut remarquer que les taux appliqués à l’essence au cours de ces deux années seront plus importants que ceux recommandés en 2013 par l’ensemble des parties prenantes du comité, qui visaient à combler plus rapidement l’écart de fiscalité entre les deux carburants. Le CFE recommandait en effet d’appliquer un taux de 60,8 centimes d’euro par litre d’essence en 2015 – contre 62,4 centimes appliqués depuis le 1er janvier – et de 61,3 centimes par litre en 2016. Le Gouvernement, renouant avec la logique de rendement qui avait présidé à l’introduction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers en 1929, qui devait alors remplacer l’impôt sur le sel, a finalement décidé d’appliquer le taux de 64,1 centimes, soit un écart de plus 2,6 % en 2015 et de plus 4,6 % en 2016 par rapport aux recommandations, ce qui n’est négligeable ni pour les usagers ni pour l’environnement. Nous le regrettons.

Il faut ajouter, pour 2015, la mise en oeuvre de la contribution climat énergie, recommandée par le CFE. En effet, en 2014, année de lancement de la réforme de la fiscalité des carburants, le Gouvernement a retenu le principe de ne pas augmenter la fiscalité énergétique pesant sur les ménages et les entreprises, pour ne pas freiner les prémices de la reprise.

La nouvelle contribution climat énergie a pour principaux objectifs l’application du principe « pollueur-payeur » et l’introduction d’une évolution des comportements pour se préparer à une éventuelle diminution des ressources disponibles. Cette nouvelle taxe, qui concerne toutes les énergies fossiles, s’ajoute à la TICPE et est par ailleurs soumise à la TVA, au taux plein de 20 %.

Les taux de la taxe carbone pour 2015 et 2016 contribuent ainsi clairement à la nouvelle orientation de la politique énergétique française. Le gazole devient sensiblement plus taxé que les essences, ce qui accentue la baisse de son avantage fiscal, alors que le super éthanol E 85, carburant issu majoritairement de la biomasse, va bénéficier d’un nouvel avantage économique.

Ainsi, les variations de TICPE et la mise en oeuvre de la contribution climat énergie traduisent une sensibilité environnementale plus affirmée de l’État. Toutefois, la réduction de la TICPE sur les essences n’est pas assez rapide et la question des redistributions et des contreparties, particulièrement pour les ménages, n’est pas entièrement soldée – j’aurai l’occasion d’y revenir.

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