Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du 15 janvier 2015 à 15h00
Débat sur la fiscalité des carburants

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Cour des comptes dénonce régulièrement la politique fiscale française sur l’énergie en indiquant qu’elle répond davantage au souci de préserver certains secteurs d’activité qu’à celui d’atteindre des objectifs environnementaux. Cette évocation cristallise facilement les tensions dans notre pays. Récemment, nous avons pu suivre les rebondissements autour du feuilleton de l’écotaxe. Inutile, donc, de dire qu’il n’est pas inintéressant de débattre de la question de la fiscalité des carburants.

Au regard de cette particularité française qui consiste à se crisper sur les sujets en débat, les récentes déclarations du Premier ministre sonnent doux à nos oreilles. « En France, le moteur diesel a longtemps été privilégié. Ce fut une erreur » : c’est par ces mots que le Premier ministre, dans son discours de clôture de la Conférence environnementale le 28 novembre dernier, a pris acte du déséquilibre injustifié entre la fiscalité sur l’essence et la fiscalité sur le diesel. Ce déséquilibre n’est pas sans conséquences sur la santé : une étude récente démontre qu’au cours d’une journée standard, les Parisiens respirent six millions de particules fines par litre d’air par an.

Changer interroge directement notre mode de vie actuel et les choses prendront du temps. C’est la raison pour laquelle je crois en une approche progressive et pragmatique.

En 2012, le Comité pour la fiscalité écologique a permis l’esquisse d’une évolution via l’instauration d’une composante carbone dans la taxe intérieure de consommation – la TIC. Cette taxe carbone a été introduite dans le PLF 2014 et doit augmenter progressivement jusqu’en 2016. Ainsi, la tonne de CO2 était de 7 euros en 2014 ; elle passera à 14,50 euros en 2015 et à 22 euros en 2016. Les recettes passeront donc, en conséquence, de 2,5 milliards en 2015 à 4 milliards en 2016.

Il faut également tenir compte des interrogations qui subsistent quant à l’abandon de l’écotaxe, lequel génère un manque à gagner dans le budget de l’AFITF. C’est pourquoi le budget pour 2015 prévoit une augmentation du tarif de la TICPE applicable au gazole.

Si je comprends évidemment que nous ayons dû faire face à des évolutions liées au dossier de l’écotaxe, il ne faut pas, monsieur le secrétaire d’État, que nous perdions de vue l’objectif qui consiste à modifier durablement les comportements quotidiens de nos concitoyens.

À cette fin, il me semble indispensable que nous maintenions la pression à l’échelle européenne. En effet, la directive européenne sur la fiscalité des carburants a été retirée du programme de travail de la Commission Juncker pour 2015 alors qu’elle contenait des avancées importantes. Elle définissait un nouveau mode de calcul des taxes sur l’énergie prenant en compte les émissions de CO2 et le contenu énergétique de chaque produit. Elle était cohérente par rapport aux engagements de l’Union européenne en matière énergétique. Son abandon, que j’espère provisoire, est un mauvais signal alors que nous approchons à grands pas de la Conférence de Paris qui aura lieu en décembre prochain et durant laquelle l’Europe souhaite jouer un rôle moteur.

Pouvez-vous nous indiquer quelle est la position de la France et comment nous pouvons agir au niveau européen pour inverser la tendance ? Vous dites souvent, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne voulez pas d’une fiscalité écologique punitive. Je partage votre avis.

Cette fiscalité doit nous permettre d’influencer les comportements. De même, elle constitue une formidable opportunité pour notre industrie. Elle doit enclencher l’innovation et la recherche d’une meilleure compétitivité à l’exportation. Il convient aussi de poursuivre notre accompagnement des professionnels de la route et du transport – routiers, taxis, agriculteurs, marins pêcheurs – sur le chemin vers une transition qui leur permettra de rester compétitifs et attractifs.

Pour ce faire, activer le levier du signal prix reste une mesure indispensable. En effet, donner un prix au carbone demeure la meilleure solution pour modifier les comportements et ainsi lutter efficacement contre le changement climatique, dans le sillage de la loi sur la transition énergétique.

En cela, et ce sera ma conclusion, je souscris aux propos tenus par Mireille Chiroleu-Assouline, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, en défense de la fiscalité écologique. Celle-ci nous explique que « l’acceptation et l’efficacité de la fiscalité écologique dépendront des efforts d’imagination consacrés à la pédagogie et à l’élaboration des mesures d’accompagnement ». Le message est clair. Il nous revient désormais de transformer l’essai.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion