Intervention de Manuel Valls

Réunion du 24 octobre 2012 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Manuel Valls, ministre de l'Intérieur :

Les programmes budgétaires sur lesquels vous avez souhaité m'entendre financent une des priorités du Gouvernement, la sécurité des Français sous toutes ses formes : la police et la gendarmerie nationales protègent les personnes et les biens au sein d'une société violente ; la sécurité civile prévient et gère les crises ; la sécurité routière, enfin, permet de sauver des milliers de vie, même s'il y a encore trop de morts sur nos routes – et cette mission relève désormais complètement du ministère de l'Intérieur.

La première ressource de ma politique, c'est la ressource humaine, les femmes et les hommes qui servent ce ministère avec une conscience irréprochable et une très grande loyauté, quels que soient leur statut et le service auquel ils sont affectés. S'agissant de métiers où le contact avec le citoyen joue un rôle essentiel, une règle s'impose : il nous faut disposer d'effectifs suffisants, sans quoi nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs. Si l'accroissement de ces moyens humains n'est pas la panacée – et si nous sommes comptables de la façon dont ils sont employés –, nous entendons ici mettre fin à la réduction drastique des effectifs de la police et de la gendarmerie entamée depuis 2007. En cinq ans, ce sont 10 700 emplois de policiers et de gendarmes qui ont été supprimés, avec les conséquences que nous savons sur l'organisation et sur les résultats des services. Les 3 200 suppressions supplémentaires prévues pour 2013 par la précédente majorité au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) sont donc annulées. Tous les gardiens de la paix et sous-officiers de gendarmerie qui partent en retraite seront remplacés par des fonctionnaires ou militaires des mêmes corps.

Mon département est en effet l'un de ceux qui, avec l'éducation et la justice, sont considérés comme prioritaires et à ce titre préservés de l'effort budgétaire. Conformément aux engagements du président de la République, 480 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes seront créés en 2013, et un effort comparable sera consenti au cours des années suivantes. Nous devons en effet être constants et nous garder de supprimer ce que nous aurons créé la veille. Les effectifs nouveaux seront repartis au prorata des effectifs des deux forces, soit 60 % pour la police et 40 % pour la gendarmerie.

Ces effectifs, qui seront en 2013 composés pour un quart des titulaires des corps de base et pour trois quarts d'adjoints de sécurité ou de gendarmes adjoints volontaires, permettront de renforcer la présence sur le terrain, notamment dans les zones de sécurité prioritaires. La direction générale de la police nationale – la DGPN – et la direction générale de la gendarmerie nationale – la DGGN – me transmettront prochainement des propositions de répartition géographique, en fonction des zones de sécurité prioritaires, mais également de l'évolution de la délinquance sur le territoire. J'ai dit que je souhaitais que des policiers bien formés et expérimentés servent dans les zones de sécurité prioritaires : les nouveaux recrutements permettront de remplacer ces agents.

La police nationale recrutera donc l'an prochain 2 432 gardiens de la paix, contre 500 en 2012 et en 2011. Dès janvier, 1 000 élèves gardiens de la paix seront incorporés. Outre qu'ils permettront d'affecter sur le terrain des effectifs nouveaux dès le deuxième semestre de l'année prochaine, ces recrutements offriront des perspectives de carrière aux adjoints de sécurité et aux gendarmes adjoints volontaires, dont l'avenir était bouché depuis plusieurs années. L'ascenseur social va se remettre en marche et la diversité va progresser dans la police et la gendarmerie. On oublie d'ailleurs trop souvent que la police est, à cet égard, un reflet plus fidèle de la société réelle que d'autres corps de notre administration.

La gendarmerie nationale recrutera, quant à elle, 3 641 sous-officiers en 2013, contre 3 148 cette année.

Dans la police nationale, des personnels administratifs, techniques et scientifiques viendront se substituer à des personnels actifs dans 286 emplois, dont 67 résultant de créations nettes dans la police scientifique. Je tiens à souligner cet effort fait pour délivrer les policiers des tâches administratives afin qu'ils puissent se consacrer à leur mission première.

La sécurité civile et la sécurité routière, en revanche, devront supporter les mêmes contraintes budgétaires que la quasi-totalité des services de l'État. Trente-six emplois seront supprimés dans le périmètre de la sécurité routière. Ces suppressions concerneront l'administration centrale, et non les inspecteurs du permis de conduire, dont la mission est essentielle. Dans la sécurité civile, vingt-trois agents partant à la retraite ou en fin de contrat ne seront pas remplacés.

Le budget de 2013 permettra aussi des avancées en matière catégorielle et indemnitaire. C'est une marque de la considération qu'on doit aux agents de ce ministère, malgré le contexte budgétaire. Soixante-quatorze millions d'euros supplémentaires y seront consacrés dès 2013, dont vingt-neuf millions pour la police, trente et un pour la gendarmerie et environ un million pour la sécurité civile. Pour la sécurité routière, les montants seront déterminés en fonction des engagements pris par le ministère de l'Écologie. J'ai présenté ces mesures aux organisations syndicales et aux représentants de la gendarmerie.

Les gardiens de la paix gradés et les sous-officiers de gendarmerie verront leur grille indiciaire être progressivement alignée sur celle de la catégorie B de la fonction publique à compter de 2013. Cet engagement de mes prédécesseurs n'était pas financé jusqu'alors. L'intégration dans le nouvel espace statutaire sera menée à terme en 2015, conformément aux engagements pris, dans le strict respect de la parité entre police et gendarmerie. La revalorisation des primes de fidélisation en Île-de-France, promise par mes prédécesseurs, sera également financée.

La convergence des taux d'indemnité de sujétions spéciales de police (ISSP) de la police et de la gendarmerie se poursuivra au bénéfice des officiers de police et des officiers supérieurs et généraux de la gendarmerie. Pour ce qui concerne les inspecteurs de la sécurité routière, ils accéderont également au nouvel espace statutaire de la catégorie B, conformément aux engagements pris par le ministère de l'Écologie avant leur transfert au ministère de l'Intérieur.

Je voudrais maintenant vous exposer mes priorités en matière de fonctionnement, d'équipement et d'investissement.

En matière de sécurité, une lecture rapide des documents budgétaires pourrait laisser croire à une diminution de près de 80 millions d'euros des crédits hors titre 2 de la police nationale et de quinze millions pour ceux de la gendarmerie. En réalité, une partie des dépenses de systèmes d'information et de communication des deux forces de sécurité devrait être couverte par les recettes attendues du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État ». Dans l'hypothèse où ces recettes seraient moindres que prévu, les crédits de la police et de la gendarmerie seraient abondés par le Gouvernement à due concurrence, conformément aux engagements du Premier ministre.

En dehors de cet effet de périmètre, les crédits de fonctionnement et d'investissement de la police nationale diminueront de 3 %, et ceux de la gendarmerie progresseront de 1,3 % – cette dissymétrie s'expliquant par les charges de loyers auxquelles cette arme doit faire face. J'ai obtenu que les moyens de fonctionnement des deux forces directement liés à leur activité opérationnelle soient préservés. Depuis cinq ans, les moyens de fonctionnement de la police et de la gendarmerie ont diminué de 18 % : on ne pouvait plus continuer dans cette voie et à ce rythme sans compromettre gravement la capacité des forces de l'ordre à faire face à la violence.

Toutes les dépenses courantes seront financées l'an prochain. On ne peut pas accepter que certaines patrouilles soient écourtées d'une heure parce que la brigade ou le commissariat n'ont plus le moyen de payer le carburant de leurs véhicules, comme cela est arrivé à de nombreuses reprises cette année. En 2012, la gendarmerie a réduit ses achats d'armes et de munitions au strict minimum. Comment peut-on attendre des forces de l'ordre qu'elles accomplissent leur mission de façon satisfaisante dans ces conditions ? Huit millions d'euros seront donc consacrés l'an prochain à l'acquisition des munitions de service et d'instruction.

Le budget alloué aux équipements informatiques et de transmission était nul en 2012. Son montant sera fixé l'an prochain au niveau permettant le renouvellement de ces équipements.

Ces décisions ne signifient pas que l'effort de réorganisation et de mutualisation doive s'interrompre. Je le place au contraire au coeur de mes objectifs, comme une condition de l'efficacité opérationnelle – sans compter que nous avons une obligation de bonne gestion à l'égard de nos compatriotes.

J'ai demandé aux deux directeurs généraux ici présents de me faire rapidement des propositions ambitieuses dans les domaines de la formation et de la logistique, où il existe des marges de progrès à exploiter. La mutualisation doit également être renforcée dans le domaine de la police technique et scientifique, cela non pas dans une logique comptable mais à des fins d'efficacité opérationnelle.

Ayant entendu lors de mes déplacements de nombreuses critiques sur l'état du parc automobile, j'ai obtenu qu'un effort exceptionnel de 90 millions d'euros soit accompli en 2013 pour son renouvellement, à raison de 50 millions pour celui de la police et de 40 millions pour celui de la gendarmerie. Ainsi, si 2 500 véhicules ont été achetés par les deux forces en 2012, ce nombre doublera presque l'an prochain. Nous fixerons également des normes pour le choix des véhicules, pour leur maintenance et pour leur utilisation.

L'immobilier des forces de sécurité est le domaine où la situation est la plus difficile : les deux prochaines années n'offrant que des marges de manoeuvre très étroites, nous ne pourrons pourvoir qu'à l'indispensable. J'ai, là aussi, demandé aux deux directeurs généraux de proposer des solutions innovantes pour démultiplier notre action en la matière mais, depuis plusieurs années déjà, les capacités d'investissement de la gendarmerie sont très faibles. Des choix que je déplore ont conduit à une explosion des charges de loyers : en effet, comme il fallait construire rapidement, on a recouru à des partenariats public-privé, obérant l'avenir. Les dépenses ont doublé en dix ans sur ce poste, rigidifiant considérablement les budgets des unités et nous privant de marges de manoeuvre.

J'arrêterai la programmation immobilière des trois années à venir dans les prochaines semaines et deux projets majeurs seront financés : le relogement de la police judiciaire parisienne aux Batignolles et celui du pôle de police scientifique de la gendarmerie à Pontoise. J'ai obtenu du Premier ministre que soient financés à partir de 2015, d'une part, le relogement des laboratoires parisiens de la police technique et scientifique, et d'autre part, – mesure très attendue par les militaires et leurs familles – la reconstruction du quartier de gendarmerie Delpal à Versailles. Mais il y a bien d'autres besoins…

Concernant la sécurité civile, je suis chargé de maintenir les capacités opérationnelles de l'État et de préserver les conditions dans lesquelles les sapeurs-pompiers assurent leurs missions. Si je dois faire des choix délicats, mes priorités, affichées dès cet été, sont claires : maintenir en condition opérationnelle les moyens aériens de lutte contre les feux de forêt et de secours. J'ai obtenu que la maintenance des avions et des hélicoptères soit intégralement financée l'an prochain. Nous disposerons à cet effet de 13 millions de plus qu'en 2012.

Les formations militaires de la sécurité civile continueront de s'associer, lorsque c'est nécessaire, à l'action menée au niveau local pour combattre les sinistres et pour faire face aux crises d'ampleur exigeant un soutien de l'État. L'intervention de celui-ci auprès des populations éprouvées et aux côtés des hommes qui les secourent me paraît en effet de loin préférable à un saupoudrage d'aides ou de subventions insignifiantes.

La modernisation et l'amélioration de la qualité du réseau de transmission des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) constituent une priorité : disposer de transmissions efficaces et fiables est en effet une condition essentielle à la réussite d'une opération de secours. Pour accélérer le déploiement opérationnel du réseau d'adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours (ANTARES) malgré les contraintes budgétaires, j'ai décidé de réaliser une nouvelle tranche de travaux de près de 18 millions d'euros entre 2013 et 2015. Ces crédits ont été sanctuarisés dans le projet de loi de finances pour 2013, s'ajoutant ainsi aux 4 millions d'euros déjà engagés depuis mon arrivée, au profit de 50 % des SDIS. Je prendrai également rapidement des décisions quant au relogement de la base d'avions de la sécurité civile sur un site qui reste à choisir.

Ces priorités ne sont d'ailleurs pas contradictoires avec le fait de mener une réflexion sur la mutualisation de la sécurité civile au niveau européen – thème qui sera abordé lors du conseil Justice-Affaires intérieures de demain.

Enfin, la sécurité routière est un thème qui nous réunit tous ; nous pouvons être satisfaits des résultats obtenus grâce à l'engagement très fort du Président Chirac à partir de 2002, l'effort ayant été poursuivi par le Président Sarkozy et devant l'être également par le Président Hollande. Cette année encore, les résultats s'améliorent alors que 2011 avait marqué un palier qui pouvait être inquiétant. Sur les neuf premiers mois de l'année 2012, le recul du nombre de morts est de 8,3 % – soit 248 vies épargnées.

Le déploiement des radars automatiques a contribué de façon éminente à ce résultat. Aujourd'hui, le maillage territorial de ces équipements est proche de l'optimum, eu égard aux besoins de couverture des zones les plus accidentogènes. En 2013, environ 150 radars seront déployés, ce qui nous permettra d'atteindre l'objectif de 4 200 radars. Pour que ce contrôle automatisé continue d'exercer une pression sur le comportement des usagers, il s'agit maintenant d'en diversifier et d'en moderniser les instruments, notamment en remplaçant les équipements les plus anciens par des modèles de nouvelle génération. Ceux-ci permettent en effet de différencier les poids lourds des véhicules légers, d'identifier le véhicule en excès de vitesse dans sa voie de circulation ou de contrôler la vitesse moyenne. Les radars mobiles permettront de contrôler la vitesse dans le flux de circulation tandis que des radars semi-fixes permettront le contrôle dans les zones de chantier. Ce sont donc 114 millions d'euros qui seront consacrés l'an prochain au déploiement, à l'entretien et au remplacement des radars, et 94 millions au fonctionnement du centre national de traitement.

Il me semble indispensable de conserver une politique ferme et dynamique en matière de sécurité routière. Je connais l'engagement de Frédéric Péchenard dans ce domaine. Cela suppose que nos concitoyens partagent les objectifs fixés. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de relancer l'instance de concertation que constitue le Conseil national de la sécurité routière, qui n'a pas été réuni depuis 2008 mais qui le sera prochainement.

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