Intervention de Manuel Valls

Réunion du 24 octobre 2012 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Manuel Valls, ministre de l'Intérieur :

Je remercie Jean-Pierre Blazy d'avoir souligné le choix que nous avons fait en matière de création d'emplois, étant cependant entendu que des baisses d'effectifs seront constatées ici ou là, inévitablement – mais je demande au directeur général de la police nationale d'y être attentif. Cet effort était nécessaire : il sera poursuivi en 2014 et 2015, au même niveau qu'en 2013, de sorte que le nombre de créations nettes atteindra 1 440 au terme de ces trois ans. Et il sera maintenu tout au long du quinquennat.

Vous m'avez interrogé sur la création des commandants de police chargés de mission. Le corps des officiers de police connaît une déflation, encore inachevée puisqu'il se compose encore de 10 200 personnes alors que la cible est fixée à 8 000. La réforme des retraites de 2008 a fortement ralenti les départs à la retraite. Afin de faciliter la gestion des carrières et de fluidifier les avancements, une nouvelle procédure a été créée au bénéfice des officiers : elle consiste à attribuer à des commandants un emploi fonctionnel durant six mois, dans le cadre d'une mission ponctuelle, avant de partir à la retraite à l'issue de cette période. Cela pourrait concerner une centaine de commandants par an.

J'essayerai de mener une réflexion avec les organisations syndicales sur ce qu'est devenue la police au cours de ces dernières années, et notamment sur le rôle des gradés et des gardiens de la paix et sur leur encadrement par la hiérarchie, dans un esprit de responsabilité. Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause une réforme qui a fait bénéficier les commissaires et les officiers de réelles avancées. Je sais aussi à quel point les officiers peuvent être débordés par toute une série de tâches administratives. Cependant, étant donné la montée des violences en tous genres, il est très important que tous les policiers soient mobilisés. Or nous constatons des dysfonctionnements, dus au fait que des policiers, quel que soit leur grade, demeurent au même poste de responsabilité, sur les mêmes territoires, sans jamais en changer, mais aussi à des problèmes d'encadrement. D'où la nécessité de réformes délicates et que l'on ne peut mettre en oeuvre par voie budgétaire ni en quelques semaines, mais qu'il faudra bien entreprendre.

La politique de substitution entre agents actifs et agents administratifs doit être relancée car elle constitue une condition d'efficacité des services : chaque fonctionnaire doit se consacrer aux missions fondamentales du corps pour lequel il a été recruté et formé. C'est aussi un principe de gestion rationnelle de nos ressources humaines. Je souhaite en outre assurer aux personnels administratifs, techniques et scientifiques une meilleure reconnaissance et un meilleur déroulement de carrière.

À cette fin de redéploiement des fonctionnaires actifs sur des postes opérationnels, un effort très significatif sera consenti en 2013 grâce au recrutement de 1 071 agents, soit un doublement par rapport à 2011 et 2012. Les effectifs actifs ainsi redéployés sur des missions de police seront d'environ 300 – chiffre à comparer aux 288 créations nettes d'emplois dans la police nationale en 2013.

Entre 2007 et 2012, les crédits hors titre 2 ont diminué d'environ 250 millions d'euros pour la gendarmerie, et de 180 millions d'euros pour la police. En 2013, ils progresseront de 1,5 % pour la gendarmerie. Nous avons en effet atteint un niveau au-dessous duquel il est impossible de descendre : certains commissariats ont aujourd'hui des difficultés à payer leur carburant ; la gendarmerie n'a acquis quasiment aucun équipement informatique en 2012 ; les dépenses de maintenance immobilière ont atteint un niveau historiquement bas.

Lors des arbitrages budgétaires, le cabinet du Premier ministre a estimé que 90 millions d'euros de dépenses de la police, de la gendarmerie et de l'administration centrale pourraient être couverts par les recettes attendues de la valorisation, par le ministère, de ses fréquences hertziennes et des points hauts de ses réseaux. Une mission d'audit a examiné la crédibilité et le calendrier de cette valorisation. Dans un rapport d'étape remis au début du mois d'octobre, elle conclut que les recettes à en attendre ne pourront pas atteindre le montant espéré. J'ai donc obtenu, dans la lettre-plafond du Premier ministre, l'assurance écrite selon laquelle, dans cette hypothèse, le Gouvernement abonderait les crédits du programme « Police nationale » de 50 millions d'euros, du programme « Gendarmerie nationale » de 30 millions d'euros et du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de 10 millions d'euros.

Quant au transfert de l'immobilier des forces de sécurité aux collectivités locales, sujet abordé aussi bien par le rapporteur pour avis que par le président de la Commission – dans des ouvrages de très grande qualité –, je suis ouvert à toutes les pistes permettant de démultiplier nos efforts là où les besoins sont importants. Les collectivités territoriales ont d'ailleurs déjà beaucoup fait en la matière. La région Île-de-France a ainsi innové, suivie par d'autres. De même, certaines collectivités – villes, agglomérations, communautés de communes, conseils généraux – ont favorisé l'implantation de commissariats, de brigades de gendarmerie et de casernes. La seule limite que je poserai sur ce point est la suivante : la police et la gendarmerie nationales sont et doivent rester sous la responsabilité de l'État.

Il nous faut veiller à la formation et à l'affectation de nos effectifs. Si les effectifs supplémentaires doivent être déployés au bénéfice des zones de sécurité prioritaires, cela ne signifie pas que les nouveaux recrutés de 2013 iront dans ces zones mais qu'ils remplaceront les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie qui auront souhaité rejoindre celles-ci. Je souhaite en effet que les policiers et gendarmes envoyés en zone de sécurité prioritaires soient des volontaires bien formés et expérimentés. J'ai pu mesurer le volontarisme des policiers sortant d'école, mais il faut aussi considérer la difficulté des tâches sur certains territoires.

Je suis très inquiet de la montée des violences dirigées contre les forces de l'ordre. Je souhaite donc que l'on protège davantage ces agents, y compris en recourant aux moyens de protection passive. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Blazy, votre assemblée a adopté lundi soir un amendement augmentant de 10 millions d'euros la dotation du FIPD pour répondre aux attentes des collectivités locales. Pour faire pièce à certaines interprétations hasardeuses, je tiens à préciser que j'accorde autant d'attention, s'agissant de la prévention, à l'apport de la vidéoprotection qu'à l'action des associations. C'est un outil qui vient à l'appui du travail de la police et de la gendarmerie. Beaucoup de collectivités locales investissent dans ces équipements et nous avons les moyens de soutenir leur effort.

Quant à la sécurité civile, c'est une force pour notre pays et un modèle d'engagement et de volontariat. On insiste parfois sur la perte du civisme et sur la montée de l'individualisme : les sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires, donnent l'exemple du contraire. Ils constituent, partout sur le territoire, un atout à valoriser et à soutenir. Notre modèle de sécurité civile est performant, et les pays voisins – Espagne, Portugal, Grèce…–, qui font appel à notre dispositif l'ont bien compris, ce qui souligne d'ailleurs la nécessité d'une réflexion sur la sécurité civile au niveau européen.

La décision d'investir dans une nouvelle base aérienne de la sécurité civile doit être mûrement réfléchie car elle engagera le pays pour plusieurs décennies. J'ai demandé une contre-expertise interministérielle du rapport rendu par l'Inspection générale de l'administration, non pour remettre en cause ce travail, mais afin d'y intégrer la réflexion du ministère de la Défense. Il faut en effet examiner jusqu'au bout l'option d'une implantation à Salon-de-Provence. Il est vrai cependant que le site de Nîmes présente des avantages incontestables, comme le soulignent auprès de moi les élus de la ville et les conseillers généraux du Gard. Je prendrai ma décision, à la fin de 2012 ou au plus tard au début de l'année 2013, avec pour seul souci de servir au mieux l'efficacité d'hommes et de femmes qui accomplissent un travail exceptionnel.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, afin de pourvoir au remplacement des Tracker, de nouveaux appareils seront testés en 2013. L'Air Tractor est un avion léger, également utilisé pour l'épandage agricole, dont on me dit qu'il pourrait assez mal résister au mistral et à la tramontane : voilà qui incite pour le moins à la réflexion sachant quelles sont les régions les plus exposées aux feux de forêt. À ce stade, nous n'avons identifié aucun appareil qui réponde entièrement aux besoins des pilotes. Il reste que des crédits d'acquisition sont prévus pour 2015.

Des coopérations existent déjà entre États européens – Espagne, Portugal et Grèce – et une expérimentation de la flotte aérienne européenne aura lieu l'an prochain. Sa constitution nécessitera sans doute à terme l'achat d'autres avions, comme le Beriev russe qui m'a été présenté mais dont les qualités demandent à être éprouvées.

En matière de combat contre les feux de forêt, le principe de l'attaque des feux naissants, qui est le coeur de notre doctrine, doit être préservé. En revanche, tout le reste peut être discuté, qu'il s'agisse des mutualisations européennes ou de la location d'équipements nouveaux tels que drones ou hélicoptères lourds. En 2012, un peu plus de 8 000 hectares ont été brûlés, contre une moyenne annuelle de 21 000 hectares au cours de la dernière décennie. Le bilan qui peut être dressé aujourd'hui est donc plutôt positif alors que l'Espagne a connu une année catastrophique. Ne crions pas victoire trop tôt, mais une mobilisation exceptionnelle, notamment en faveur de la prévention, s'est incontestablement déployée. Cet effort ne doit pas être relâché.

Concernant les flottes d'hélicoptères, des mutualisations ont commencé avec la gendarmerie, pour la répartition des missions et pour la maintenance, et un rapport conjoint de l'Inspection générale de l'administration et de l'Inspection générale des finances doit, au début de l'année prochaine, nous indiquer les moyens d'aller encore plus loin dans cette voie. Cette mutualisation est de toute façon une obligation.

Cinq décrets d'application de la loi du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique ont été publiés. Deux autres projets de décret relevant du ministère du Travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, préparés en liaison avec le ministère de l'Intérieur, doivent être pris prochainement. Le premier a pour objet de fixer la composition de la commission nationale chargée de la mise en oeuvre de la reconnaissance, de la validation et des équivalences des formations et des expériences ; le second, visant à la prise en compte des formations suivies dans le cadre de l'activité du sapeur-pompier volontaire, a reçu un avis favorable du Conseil national de la formation professionnelle. Par ailleurs, un arrêté portant modification des critères d'aptitude physique sera proposé à la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, présidée par M. Yves Rome, sénateur : il supprimera toute exigence de taille et permettra d'accepter les candidatures de personnes différenciant mal les couleurs ou ayant subi une opération de la myopie par laser. Un projet de décret, actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État, permettra de réviser jusqu'à l'âge de 65 ans, au lieu de 60 ans aujourd'hui, le taux d'une rente ou allocation d'invalidité, pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé. Un autre décret rendra prochainement possible l'application du même régime de rente d'invalidité et de rente de réversion pour les sapeurs-pompiers volontaires. D'autres chantiers ont été ouverts, visant à permettre une gestion plus souple des sapeurs-pompiers volontaires et à développer une formation qui soit adaptée aux missions assumées.

Enfin, nous serons très vigilants en ce qui concerne la directive européenne sur le temps de travail : nous entendons en effet préserver notre modèle d'organisation.

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