Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 15 janvier 2015 à 15h00
Débat sur le rapport de la mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous avez souhaité que nous ayons un débat sur le crédit d’impôt compétitivité emploi, et je vous en remercie. Le CICE constitue en effet l’un des piliers de la politique économique du Gouvernement.

Il est important avant tout de replacer le CICE dans le contexte du pacte de responsabilité et de solidarité. Le CICE a été voté fin 2012 et ses premiers effets se sont concrétisés dès 2013 pour les entreprises ayant souhaité bénéficier du préfinancement, soit plus de 15 000 entreprises pour 1,9 milliard d’euros de créances en 2013. Puis, en 2014, les premiers versements au titre des créances acquises en 2013 ont eu lieu. En tout, ce sont près de 10 milliards d’euros de marge qui ont été redonnés aux entreprises dès 2014.

Le pacte de responsabilité et de solidarité a, quant à lui, été annoncé par le Président de la République le 31 décembre 2013, puis a été discuté avec les syndicats et les organisations patronales avant d’être voté à l’été 2014. Il est désormais en vigueur depuis le 1erjanvier de cette année, de sorte par exemple que plus aucune cotisation URSSAF n’est due pour un salarié rémunéré au niveau du SMIC aujourd’hui. D’autres mesures du pacte entreront en vigueur en 2016, puis en 2017.

Au final, cette montée en puissance permettra d’atteindre près de 40 milliards d’euros de marges de manoeuvre nouvelles pour les entreprises d’ici à 2017, dont environ 30 milliards au titre de la baisse du coût du travail.

L’objectif est clair : redonner de la compétitivité à nos entreprises afin que celles-ci puissent se développer, exporter, investir, embaucher. Cet objectif, rappelons-le, s’inscrit dans la stratégie économique globale décidée par le Président de la République et le Premier ministre, qui repose sur trois piliers : améliorer la compétitivité des entreprises ; réduire le déficit public et assainir nos comptes publics ; réformer en profondeur l’économie par des réformes de structure telles que la loi pour la croissance et l’activité, la loi santé ou la réforme territoriale. Le CICE est bien l’une des clés de cette stratégie d’ensemble.

L’année 2014 a donc été la première année où les créances pour le CICE ont été enregistrées et où les premiers versements envers les entreprises éligibles ont été effectués. Je me permets de vous rappeler qu’en règle générale, une créance n’est pas immédiatement remboursable : les versements peuvent être étalés sur les trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée et imputés lors du paiement de l’impôt dû chaque année. Seules certaines entreprises peuvent bénéficier d’un remboursement immédiat et en totalité de leur créance : ce sont par exemple les PME, les jeunes entreprises innovantes ou encore les entreprises en difficulté.

Nous sommes donc véritablement un an après la réforme. Il est un peu tôt pour dresser un bilan précis de son impact, mais plusieurs travaux ont déjà été remis en fin d’année dernière pour effectuer un premier bilan, notamment une mission parlementaire, que vous avez présidée, monsieur le député Yves Blein, et une étude menée sous l’égide de France Stratégie.

Avec ces deux rapports, remis à quelques semaines d’intervalle, les acteurs économiques, politiques et sociaux ont été consultés sur leur vision du CICE : les parlementaires, les partenaires sociaux, les entreprises.

Quels enseignements pouvons-nous en tirer ? Tout d’abord, ces deux rapports dressent un bilan encourageant du CICE. Votre rapport, monsieur le député Blein, fait état d’un « bilan d’étape positif », pour un dispositif dont vous soulignez la « nouveauté », en particulier de par son mécanisme de préfinancement.

Bien sûr, des critiques existent. Le ciblage a fait l’objet de beaucoup de remarques. Pour certains, le dispositif gagnerait à être plus centré sur les bas salaires au lieu d’aller jusqu’à 2,5 SMIC. D’autres souhaitent un élargissement au-delà, pour concerner plus spécifiquement les entreprises à caractère industriel. Pour d’autres encore, il faudrait se concentrer sur les entreprises exportatrices.

Je le dis de manière très simple : les entreprises ont besoin de stabilité et de visibilité. Un dispositif simple, lisible, large est un gage de réussite et de confiance, qui permet une adoption rapide par les entreprises. Les chiffres le démontrent : ce sont d’ores et déjà 9,9 milliards d’euros de créances qui ont été enregistrés au 31 décembre 2014, dont 6,3 milliards sont déjà touchés par les entreprises, pour plus de 860 000 bénéficiaires.

Ce résultat est en ligne avec notre estimation des droits ouverts au titre des salaires versés en 2013. Cette estimation était de 10,6 milliards d’euros, certaines entreprises pouvant déclarer tardivement leurs impôts. Notons que ce compteur pour l’année 2014 devrait cependant en rester globalement là du point de vue de l’impact sur nos comptes publics, compte tenu de la décision récente de l’INSEE de modifier à nouveau sa méthodologie comptable.

Au final, dès la première année de mise en oeuvre du dispositif, il semble clair que les entreprises ont véritablement et massivement adopté le CICE et je crois, mesdames et messieurs les députés, qu’il faut s’en féliciter.

D’autres critiques ont aussi porté sur ce que font les entreprises du CICE. Les actionnaires vont-ils en profiter pour augmenter leurs dividendes ? Les grandes entreprises vont-elles tenter de capter le crédit d’impôt dont bénéficient les PME, et notamment leurs sous-traitants ? Les salariés les mieux payés vont-ils voir leur rémunération augmenter, avec un accroissement des inégalités salariales ? Sur toutes ces craintes, légitimes, les premiers bilans effectués dans les deux rapports d’étape sont, je pense, de nature à nous rassurer.

L’analyse basée sur les enquêtes de conjoncture de l’INSEE montre que les entreprises comptent utiliser le CICE en premier lieu pour l’investissement : plus de la moitié des entreprises interrogées disent que si leur résultat d’exploitation augmente grâce au CICE, celui-ci sera affecté majoritairement à l’investissement. Alors que cet investissement a chuté de 10 % en France et de 18 % en Europe depuis la crise de 2008, un tel résultat va, cela ne fait aucun doute, dans la bonne direction.

Par ailleurs, dans sa note de conjoncture du mois de décembre, l’INSEE montre que le CICE a permis de créer 15 000 emplois par trimestre en 2014 et, avec l’entrée en vigueur du pacte de responsabilité, ce sont 20 000 emplois par trimestre qui pourraient être créés en 2015. Cette même note affirme également que le taux de marge des entreprises augmentera au premier semestre 2015, passant de 29,6 % fin 2014 à 30,8 % mi 2015, grâce au CICE, au pacte de responsabilité mais aussi à la relative modération salariale des entreprises.

Investissement, emploi, rétablissement des marges : le CICE va dans la bonne direction et respecte ses objectifs. La montée en puissance du dispositif cette année, qui passe de 4 à 6 % de la masse salariale en-dessous de 2,5 SMIC, est donc une bonne nouvelle, qui confortera les entreprises dans leurs décisions d’embauche et d’investissement.

Il serait toutefois déplacé de se réjouir de manière définitive, quand tant de nos concitoyens sont en situation précaire et quand tant d’entreprises peinent à se maintenir à flot. Il est nécessaire d’être à l’écoute des uns et des autres sur les forces et les défis que représente un tel dispositif. Il est nécessaire de comprendre l’évolution des attentes et des usages. Il est nécessaire de toujours veiller à son efficacité.

C’est le but du comité de suivi des aides qui a été installé par le Premier ministre début novembre 2014. Je note avec la plus grande satisfaction que ce comité a été ouvert aux députés et aux sénateurs, puisqu’il comporte deux représentants de chaque assemblée. Je le répète, la confiance et la transparence sont les clés du succès de cette politique économique. La présence de la représentation nationale est le gage, j’en suis convaincu, que s’instaure un échange concret et constructif sur le sens et l’utilisation des aides aux entreprises, et en particulier du CICE.

Désormais, mesdames et messieurs les députés, il nous appartient de poursuivre et de renforcer notre politique de soutien à l’emploi et à l’investissement. Certes, les entreprises se sont appropriées le CICE et ses premiers effets se font déjà sentir. Cela ne signifie pas que le dispositif soit figé et ne doive pas évoluer. Cela signifie tout simplement que la direction que nous avons prise est la bonne et qu’il faut continuer dans cette voie.

Pour aller plus loin, le Président de la République a annoncé la mise à l’étude de la transformation du crédit d’impôt en allégement de cotisations à compter de 2017. Cette perspective rejoint certaines des propositions d’évolution du dispositif que préconisait le député Blein dans son rapport.

Cette évolution est de nature à rendre le dispositif encore plus lisible pour les entreprises, qui voient directement les effets de la réduction du coût du travail. C’est aussi une solution pour accentuer la politique poursuivie par le pacte de responsabilité, puisque celui-ci consiste aussi en un allégement des cotisations patronales.

Simplifier et mettre en cohérence : deux objectifs sur lesquels, je l’espère, nous pouvons facilement tomber d’accord.

Les modalités précises de ce basculement, néanmoins, sont encore en cours d’élaboration, sachant que le Président de la République a fixé le calendrier pour 2017. C’est dans cette optique que nous travaillons activement. Donner plus de précisions, à ce stade, sur les modalités de cette bascule, reste difficile.

En effet, plusieurs éléments importants doivent être pris en considération : en particulier, le passage d’un dispositif versé avec un an de décalage à un dispositif versé l’année même où les salaires ouvrant droit à cette aide sont payés nécessite d’étudier tous les scénarios de transition, compte tenu des enjeux budgétaires importants qu’il comporte. Il faudra aussi trouver un juste équilibre entre trois contraintes : le cadrage budgétaire de nos finances publiques d’une part, le besoin légitime de stabilité exprimé par les entreprises d’autre part, et enfin les nécessaires évolutions du champ de cette nouvelle aide, dans la mesure où seules les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés sont concernées par le CICE aujourd’hui, alors que toutes les entreprises ayant des salariés sont concernées par les charges patronales.

Avant la finalisation de ce chantier, il est important que nous poursuivions tous nos efforts pour que le CICE continue à produire ses effets. À ce titre, je vous confirme, mesdames et messieurs les députés, que la demande qui avait été faite par plusieurs d’entre vous de permettre l’imputation du CICE sur les acomptes d’impôt des sociétés, afin d’éviter des mouvements de trésorerie dans les entreprises, va être mise en oeuvre à très brève échéance. Une instruction fiscale en cours de finalisation viendra le préciser, de sorte que les entreprises pourront en bénéficier dès la prochaine échéance d’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire à l’acompte du 15 mars. Cette mesure, tout comme le préfinancement qui était déjà en place, vient atténuer le décalage d’un an dans le versement du CICE et donne donc plus de visibilité aux entreprises pour se développer dès aujourd’hui.

Simplifier, renforcer, donner de la visibilité, c’est cela, mesdames et messieurs les députés, la politique qui est celle du Gouvernement.

Pour terminer, j’aimerais rappeler ma détermination, comme celle de l’ensemble du Gouvernement, à faire en sorte que 2015 soit une année de résultat. Les dispositifs sur lesquels nous nous sommes engagés sont maintenant votés et mis en place. La balle est donc aussi dans le camp des entreprises, qui bénéficient également d’un euro faible et de la baisse des prix du pétrole. Mais je n’ai pas l’intention de rejeter la responsabilité sur tel ou tel. C’est par le rassemblement de toutes les forces de notre pays que nous réussirons collectivement à lutter contre le chômage et notamment celui des jeunes, à redonner aux entreprises des capacités pour investir et innover, et à créer un climat de confiance propice à une reprise économique solide et durable.

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