Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 15 janvier 2015 à 15h00
Débat sur le rapport de la mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le pacte de responsabilité représente un engagement historique de l’État français en faveur des entreprises. Cette politique, certes précipitée, n’a pas été décidée à la légère, mais en raison d’une situation en constante dégradation de l’emploi, du commerce extérieur et des marges de manoeuvre de nos entreprises.

Le débat sur les solutions à apporter a été riche. Les écologistes y ont activement participé, demandant notamment un ciblage prioritaire du CICE vers les petites et moyennes entreprises et vers les entreprises ayant des activités participant à la transition écologique. Bref, avec le souci que ces aides publiques soient bien utilisées. Sur la sélectivité, nous sommes émus, comme d’autres collègues sur ces bancs, de l’effet d’aubaine dont bénéficient certains secteurs comme les banques et la grande distribution. Mais on doit tout de même rappeler, à cet égard, que d’autres dispositifs, et notamment pour la grande distribution, sont venus complètement effacer les effets du CICE – je pense notamment à l’assimilation des heures de pause aux autres heures et à l’augmentation de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM.

À la suite de ces débats, notre assemblée a donc créé une mission d’information sur le CICE, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer, aux côtés d’Yves Blein et d’Olivier Carré. Avant de parler plus avant du rapport, je souhaite tout d’abord indiquer, au regard de l’urgence de la situation, qu’il est évidemment compréhensible que s’exprime une impatience, mais qu’on ne peut pas non plus s’attendre à un impact rapide sur l’emploi, dès lors que les entreprises n’ont majoritairement bénéficié de ces aides que depuis quelques mois, et que seuls les carnets de commandes donneront des perspectives d’emploi.

Le processus est simple : il faut d’abord dégager des marges de manoeuvres pour innover, puis investir, se développer, gagner des marchés, remplir les carnets de commandes, et après vient l’emploi. Ce processus met en évidence l’inertie du dispositif, ce qui éclaire par ailleurs le sens de la loi Macron ou les processus de simplification en cours.

Une des préconisations du rapport consiste à transformer le crédit d’impôt en baisse de cotisations sociales. Sur ce point, je veux uniquement indiquer que dans ce cas, les débats qui ont agité notre assemblée – particulièrement la majorité parlementaire – et la société autour de la question des contreparties deviendraient instantanément caducs, même si la question des aides aux entreprises garderait tout son sens.

Et puisqu’il sera question d’amplifier la baisse des cotisations sociales, j’espère que nous ne passerons pas à côté d’une réflexion plus globale sur le financement de la protection sociale afin d’amorcer la transition d’une fiscalité assise sur le travail, c’est-à-dire sur l’énergie humaine, vers une fiscalité assise sur l’énergie fossile susceptible de doper l’innovation et la compétitivité des entreprises. J’ai déjà évoqué cette question lors d’un débat précédent sur la fiscalité des carburants. La compétitivité hors coût compte au moins autant que la compétitivité coût.

Le débat reste également ouvert sur le niveau de salaire à prendre en compte. Initialement, dans le rapport Gallois, il s’agissait de soutenir l’emploi industriel qualifié et la compétitivité à l’exportation, et donc les moyens et hauts salaires. Mais l’urgence du chômage a conduit à privilégier les bas salaires, pour lesquels l’élasticité et l’efficience des aides sur l’emploi sont a priori les plus fortes et les plus rapides. Dès lors, pour atténuer le moindre effet sur la compétitivité industrielle de ce changement de cap et soutenir plus fortement l’industrie et l’innovation technologique, le pacte de responsabilité prévoit une baisse des cotisations familiales en 2016 sur les salaires compris entre 1,6 et 3,8 SMIC. Tout cela n’est pas très facile à suivre.

Le deuxième point que je souhaite développer concerne la troisième proposition du rapport, visant au renforcement du dialogue social. Les dispositions actuelles prévoient une consultation du comité d’entreprise sur l’utilisation par l’entreprise du crédit d’impôt. Le choix a été fait de faire confiance aux entreprises, et les premières études indiquent que cette aide se partagerait entre la formation, l’investissement, l’emploi et les salaires. Il n’en reste pas moins que le dialogue social est l’une des meilleures garanties pour que le CICE soit utilisé dans l’intérêt de l’entreprise et de l’emploi, conformément à l’intention du législateur. Le dialogue social constitue effectivement un garde-fou contre les utilisations abusives du CICE au profit des dividendes et des rémunérations élevées des dirigeants.

L’enjeu de l’approfondissement du dialogue social est donc essentiel. C’est par ailleurs un élément important de la compétitivité – encore une fois, la compétitivité hors coût –, qui se trouvera renforcée par des salariés plus concernés par le destin de l’entreprise.

Enfin, je reviendrai plus longuement sur le troisième sujet, celui de l’optimisation fiscale, dans ma question. En effet, un tel effort de soutien de la collectivité nationale aux entreprises les oblige. Lorsque 40 milliards de budget public – une vingtaine de milliards en 2015 – sont apportés aux entreprises, elles comprendront, et chacun comprendra aisément que la société attende en retour qu’elles répondent à leurs obligations et honorent l’ensemble de leurs impôts. Sur cette question, nous devons être intraitables.

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