Intervention de François Fillon

Séance en hémicycle du 26 janvier 2015 à 16h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Fillon :

Il faut fluidifier le marché de l’emploi et, parmi tant d’initiatives possibles, reprenez l’idée du contrat unique développée par Jean Tirole ! Notre prix Nobel a été célébré par le Gouvernement, qui a vu dans cette récompense « un pied de nez au french bashing ». Mais que valent ces éloges si l’on n’en tire aucune conclusion pratique ?

La bataille contre le chômage mérite toutes les audaces. En aval, en libéralisant le marché du travail ; en amont, en accompagnant fortement les demandeurs d’emploi, trop souvent livrés à eux-mêmes. Avec 2 millions de chômeurs en inactivité depuis plus d’un an, la question de l’assurance-chômage « doit être reposée ». Ce n’est pas ma formule, mais celle du Premier ministre.

Chacun sait que notre système d’indemnisation est particulièrement favorable et peu motivant. Afin de renforcer l’incitation à la reprise d’emploi, ayons le courage d’introduire une dose de dégressivité dans le montant des allocations. Le Premier président de la Cour des comptes le préconise. La Belgique, l’Espagne, l’Italie, la Norvège la pratiquent. Au lieu de renvoyer inlassablement le sujet vers les partenaires sociaux qui gèrent I’UNEDIC et qui n’oseront jamais trancher, agissons en responsabilité !

Voilà, monsieur le ministre, des propositions qui donneraient à votre projet une densité qu’il n’a pas. Chacun se grandirait à trouver les voies d’un consensus puissant pour redresser le pays et non pas le gérer au fil de l’eau, en godillant entre les étocs dangereux. La compétition mondiale ne fait pas de cadeau aux nations qui hésitent. Pour défendre notre mode de vie dans la mondialisation, pour aller chercher la croissance et le plein-emploi, c’est une thérapie de choc qui est nécessaire, alors que nous nous contentons d’homéopathie.

Monsieur le ministre, le peuple français est lucide et prêt à prendre des risques. Soyez-en sûr, le jeune qui se fracasse contre le mur du marché de l’emploi, la famille qui a du mal à terminer le mois, l’entrepreneur et l’artisan qui croulent sous la paperasse, ceux-là n’ont pas peur du changement ! Avec des paroles de vérité, avec de l’action, avec le courage d’oser – oser ce que nous n’avons pas osé faire, les uns comme les autres –, nous pouvons relancer la France !

Ce qui est en cause, ça n’est pas le génie français, mais notre système. D’ailleurs, malgré ses blocages réglementaires, ses 35 heures, ses impôts, ses dettes, notre pays arrive encore à se distinguer. Alors, imaginons ce qu’il pourrait être si nous avions le cran de libérer son potentiel productif ! Imaginons ce qu’il serait si nous valorisions le travail, le mérite, la réussite. Imaginons-le réconcilié avec le culte de l’audace et du succès, convaincu par la nécessité d’entreprendre, motivé par l’innovation, plutôt que paralysé par le risque zéro.

Tout pourrait réussir dans une France modernisée et rassemblée ! C’est mon souhait le plus cher, et c’est le défi que le Gouvernement n’a pas le droit d’esquiver. Qu’il prenne en compte l’urgence à agir et l’instabilité du monde, qu’il ne se contente pas de miser sur une éclaircie internationale et sur la mansuétude des partenaires européens, qu’il cesse de croire que le pacte de responsabilité suffira à faire repartir la croissance – en somme, qu’il ne prenne plus ses désirs pour des réalités.

Depuis 2012, trop de temps a été perdu, trop d’erreurs commises, mais avec la France, rien n’est définitif. Une inflexion de ce projet de loi est encore concevable, à condition que le Gouvernement veuille bien écouter nos avertissements et se rallier à des mesures vigoureuses. Qu’elles viennent de la droite ou de la gauche n’a pas d’importance, dès lors que ces mesures sont utiles au sursaut.

Monsieur le ministre, je vous sais de bonne volonté, mais la France est en état d’urgence économique et nous ne pouvons pas nous satisfaire de vos petites retouches. Reconsidérez votre projet, fédérez les idées les plus fortes pour relancer notre économie, soyons audacieux pour notre peuple qui attend le rebond.

Ce projet n’est pas recevable en l’état, parce qu’il passe à côté de la nécessité vitale de nous renouveler rapidement et ensemble. Voilà le sens de cette motion, que je soumets à l’Assemblée nationale et au Gouvernement, avec le ferme espoir qu’elle éveille auprès de chacun de nous la volonté d’agir pour le redressement de la France.

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