Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 28 janvier 2015 à 21h35
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 8

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Vous conviendrez avec nous que c’était un tantinet croquignolesque. Il est donc normal que l’article 8 puisse la modifier. Vous ne pouvez pas légitimement demander la suppression de cet article sans regarder en détail ce qu’il contient. Il n’est pas seulement rédactionnel, en effet. Il corrige des incohérences de fond de la proposition de loi qui rendaient la vie des taxis impossible, ce qui n’était pas son objectif premier. Il ne s’agit donc pas du décret de 2013 et cet article n’est pas purement rédactionnel.

Des éléments de mise en cohérence et de codification ont été ensuite ajoutés, qui sont, pour le coup, beaucoup moins substantiels que ce qui avait conduit le Gouvernement à proposer l’article 8.

Il me paraît donc important de maintenir cet article. C’est pourquoi je suis défavorable aux amendements de suppression.

Plusieurs amendements ont ensuite été déposés sur le sujet, par des députés de tous bords, notamment M. Belot, qui tendent à rouvrir le débat.

Sur le fond, je partage une partie de la philosophie de ces amendements.

Nous avons aujourd’hui une profession de taxi, qui a un monopole, totalement légal, avec soit une autorisation administrative soit une plaque achetée pour disposer de ladite autorisation, et une nouvelle économie qui permet d’autres formes d’organisation. Il y a en effet une forme d’inégalité de traitement entre ces deux professions compte tenu de la manière dont elles opèrent. En même temps, ces VTC, qui font l’objet d’une régulation spécifique, offrent un service, auquel, nous devons bien le constater, les Françaises et les Français adhèrent puisqu’ils y font appel.

On a essayé de réguler la situation, et c’est tout le travail qui a été réalisé par votre assemblée puis par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi que nous évoquons, ce qui a conduit plutôt à protéger les taxis, la régulation n’étant parfois pas totalement adaptée à la réalité du monde et des pratiques. C’est pourquoi la situation n’est pas confortable pour nous.

En même temps, et nous aurons l’occasion d’en mesurer toute la saveur quand nous parlerons des professions réglementées du droit, personne n’a envie de mettre les taxis, autre profession réglementée de fait, dans la rue en leur disant qu’ils ont exactement le même statut que les VTC ou que Uber. Ce n’est pas tout à fait vrai.

Nous devons donc réfléchir collectivement, car la proposition de loi n’a pas permis de régler la question, pour essayer de trouver un équilibre plus satisfaisant entre, d’une part, les chauffeurs de taxi et les compagnies de taxi, qui ont un droit, qui ont souvent payé, qui se sont endettés, qui doivent opérer dans un cadre légal, avec une protection qui est de droit, et, d’autre part, cette nouvelle économie, avec des emplois à la clé, la possibilité pour des jeunes d’être chauffeurs dans certaines compagnies de VTC, qui offrent un service.

M. le rapporteur a fait une distinction importante entre des compagnies de VTC comme Uber, et Uber Pop, que les services de Bercy ont fait condamner puisqu’il s’agit là d’une pratique de covoiturage qui tire vers le commerce, ce qui est totalement différent. Mais à côté de cela, il y a des services totalement légaux, dans un cadre qui est d’ailleurs plutôt celui de l’auto-entreprenariat utilisé par des compagnies de tête, qui utilisent les nouvelles technologies. Nous devons donc trouver le bon cadre.

Si le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements proposés, qui sont tous intelligents, c’est, je préfère être honnête avec vous comme je l’ai toujours été, y compris en commission spéciale, parce que le sujet n’est pas mûr. La proposition de loi adoptée par votre assemblée et par le Sénat commence à être appliquée. Il y a un vrai point de sensibilité et nous n’avons pas trouvé le bon équilibre.

Ce que je souhaite, c’est que nous travaillions collectivement en vue du projet de loi numérique pour trouver le bon cadre. Au-delà du simple sujet des taxis et des VTC, en effet, on le voit bien, se pose tout le problème de certains pans de notre économie qui fonctionnent de manière parfaitement classique, traditionnelle, avec des professionnels qu’il faut respecter, et qui sont percutés par des pratiques totalement nouvelles relevant d’autres logiques, parfois tarifaires, parfois organisationnelles, qui viennent chambouler la totalité de ces professions.

Il ne faut pas pour autant imposer des régulations obsolètes ou refusant de voir le changement en cours. Il faut donc, de manière un peu coordonnée, essayer de comprendre comment le numérique vient changer certains secteurs d’activité, comment nous devons en tirer les conséquences de manière sans doute plus transversale que sur le simple sujet des taxis.

Bref, l’article 8 n’est pas seulement rédactionnel, il corrige des imperfections juridiques ou factuelles de la proposition de loi précédente, et je serai défavorable aux amendements qui suivront, non par absence de sympathie intellectuelle mais par une forme de pragmatisme de court terme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion