Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du 29 janvier 2015 à 15h00
Respect du choix de fin de vie pour les patients — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui nous permet à nouveau de débattre d’un sujet ô combien délicat et intime : celui de la fin de vie. Je suis heureux de voir qu’il suscite l’intérêt de l’Assemblée, tant il est fondamental pour notre société et concerne nombre de nos concitoyens. En réalité, il les concerne tous. Face à ce sujet, chacun d’entre nous se questionne sur son rapport à la mort ou à celle de ses proches.

C’est une question qui découle aussi d’un constat : celui de la progression de l’espérance de vie. Nous vivons aujourd’hui mieux et plus longtemps. Le combat pour faire reculer les maladies progresse également et doit continuer d’être soutenu, mais n’oublions pas que cette question est intime, qu’elle relève de la philosophie de chaque individu, que certains, à cet égard, peuvent estimer que l’on vit trop longtemps et que la vie n’a plus grand sens lorsqu’elle semble ne jamais se terminer. Car la fin de vie a aussi changé : elle est désormais marquée par plus de solitude, une présence régulière ou permanente en milieu médical.

Nos concitoyens ont alors réclamé une législation adaptée qui puisse tenir compte de cette situation, qu’ils vivent ou que leurs proches ont vécue.

Grâce à la loi de 2005 de notre collègue Jean Leonetti, une première réponse a été apportée, et le recul des années nous permet d’envisager aujourd’hui l’évolution de la législation. Notons au passage l’importance des inégalités sur ce sujet. Elles peuvent être territoriales, médicales et financières. Il faudra réduire ces inégalités, car elles provoquent un fort décalage entre la législation actuelle et la réalité de son application.

Beaucoup de Français estiment qu’en la matière nos lois et l’organisation actuelle des soins ne permettent pas toujours de finir sa vie dans la dignité. Parfois, les textes actuels sont peu connus, ou mal appliqués, mais ce qu’une très grande majorité d’entre nous et de nos concitoyens demande c’est de franchir une nouvelle étape. C’est pourquoi plusieurs rapports ont été rendus, sur lesquels je ne reviendrai pas : le rapport du professeur Sicard ou encore celui de nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti. Ces derniers nous ont d’ailleurs proposé une évolution du droit en vigueur autour de trois idées : respect absolu par les médecins des directives anticipées ; droit du malade à l’arrêt des examens et des traitements ; mise en place d’une sédation profonde et continue jusqu’à la mort. Cette proposition de loi, que nous examinerons prochainement, apportera donc des améliorations considérables. Pour ma part, je pense qu’il s’agit d’une question qu’il est de toute manière difficile à régler. C’est pourquoi, si la proposition de loi de Mme Massonneau pose certains problèmes, celle de nos collègues Claeys et Leonetti en posera d’autres.

Nos travaux en commission ont montré qu’il en était ainsi du dialogue entre médecin et personne de confiance, de la distinction entre sédation d’apaisement et sédation terminale, du respect de la dignité du mourant. Depuis de nombreuses années, la logique des politiques publiques place la personne, l’usager au centre des dispositifs. Si l’on se place du côté de la personne, plusieurs questions sont à prendre en compte, dans ce moment si particulier qu’est la fin de vie, comme celles de la douleur et du degré de conscience de la personne en fin de vie, à mettre en lien avec les directives anticipées.

Il est un autre point à considérer : celui du temps de la personne, qui n’est ni celui du médecin ni forcément celui de l’entourage familial. De nombreux soignants, notamment en services de soins palliatifs, font état de ce moment où la personne décroche, de ce moment où la personne accepte que sa vie s’arrête, de ce moment où la personne est prête. Certes, la loi ne peut ni répondre à toutes les situations ni tout prévoir, mais puisse-t-elle au moins garantir le libre choix de la personne sur le moment de sa fin de vie, en dehors de tout dogme ou idée préconçue.

Le temps du débat parlementaire, qui se prolongera lors de l’examen de la proposition de loi Claeys-Leonetti, nous permettra de poursuivre nos travaux afin d’affiner ce texte et de proposer une évolution utile et pertinente de notre législation. Je souhaiterais, à cet égard, que notre débat nous permette d’examiner, au-delà de la sédation profonde et continue, d’autres voies pour légaliser l’aide active à mourir dans la dignité. À ce stade, je souhaite préciser qu’il ne s’agit pas de l’imposer à tout le monde, il s’agit simplement de permettre à ceux qui le demandent d’y avoir recours. J’ai conscience que nous sommes face à une question difficile, mais quand vivre dans la dignité n’est plus possible et qu’aucune solution médicale n’existe, nous devons réfléchir à la possibilité de donner les moyens de partir à ceux qui le souhaitent.

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